Le nouveau dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a reçu mardi à Damas les représentants du clergé de la communauté chrétienne, dans un contexte d'inquiétudes parmi les minorités de Syrie, qui attendent des garanties des autorités installées par une coalition rebelle emmenée par des islamistes radicaux.
Dans un pays multiconfessionnel, traumatisé par près de 14 années de guerre civile, cette coalition conduite par le groupe sunnite Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a renversé le 8 décembre le pouvoir de Bachar al-Assad.
Confrontées aux titanesques défis de la reconstruction et de la réconciliation, les nouvelles autorités doivent aussi enchaîner les gestes d'assurance envers des minorités qui s'inquiètent après de récents incidents.
D'autant que le pouvoir de Bachar al-Assad, dont la famille issue de la minorité musulmane alaouite régnait sans partage sur le pays depuis plus d'un demi-siècle, s'est longtemps posé en protecteur des minorités --tout en réprimant toute dissidence.
"Le chef de la nouvelle administration syrienne Ahmad al-Chareh rencontre une délégation de la communauté chrétienne", a indiqué le "Commandement général" sur son compte de l'application Telegram.
Première réunion du genre, des photos montrent M. Chareh, en costume-cravate, réuni avec plusieurs représentants des Eglises chrétiennes, orthodoxe, catholique, arménienne orthodoxe, anglicane et syriaque orthodoxe notamment.
Transition inclusive
Des centaines de chrétiens à Damas avaient manifesté la semaine dernière quand un sapin de Noël avait été incendié dans une petite localité du centre de la Syrie.
L'acte de vandalisme perpétré par des hommes masqués -des combattants étrangers d'un groupuscule jihadiste, selon une ONG- avait été condamné par un responsable local de Hayat Tahrir al-Sham, ex-branche syrienne d'Al-Qaïda ayant rompu en 2016 ses liens avec l'organisation jihadiste.
De même, des milliers de Syriens alaouites ont manifesté le 25 décembre dans plusieurs villes du pays après une vidéo montrant une attaque contre l'un de leurs sanctuaires.
Au micro de l'AFPTV lors d'un déplacement au Liban, le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot a dit espérer, "après la chute du régime criminel de Bachar al-Assad", une transition politique "qui intègre l'ensemble des communautés dans leur diversité".
Les nouvelles autorités doivent rassurer la communauté internationale et depuis plusieurs semaines les délégations diplomatiques se bousculent à Damas.
Le chef de la diplomatie syrienne Assaad al-Chibani a rapporté mardi un appel téléphonique avec son homologue égyptien Badr Abdelatty. Ce dernier a lui aussi souligné l'importance d'un "processus politique adoptant une approche globale et inclusive, pour toutes les forces nationales syriennes, reflétant la diversité sociétale, religieuse, confessionnelle et ethnique en Syrie", selon un communiqué de la diplomatie égyptienne, qui met en garde contre "les diktats et les ingérences étrangères."
Forces kurdes
Illustrant également les efforts des nouvelles autorités en matière d'ouverture, M. Chareh a reçu lundi pour la première fois une délégation des Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition dominée par des combattants kurdes et soutenue par Washington, a indiqué à l'AFP un responsable s'exprimant sous anonymat.
Jugeant "positive" cette première rencontre, le responsable a estimé qu'il s'agissait d'une "réunion préliminaire pour jeter les bases d'un futur dialogue". M. Chareh avait déjà affirmé que les FDS devraient être intégrées à la future armée syrienne.
Sur le terrain toutefois la tension est toujours là. A Alep, deuxième ville de Syrie, des combattants proturcs ont tué mardi trois membres des forces de sécurité kurdes locales, en attaquant leur barrage de contrôle dans un quartier de la ville, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Dans leur laborieuse entreprise de restructuration des institutions qui commence à peine, HTS a été accusé de monopoliser avec ses alliés les nominations au sein des autorités intérimaires.
Qoutaïba Ahmed Badaoui a été nommé à la tête des terminaux frontaliers, terrestres et maritimes, a annoncé mardi l'agence officielle SANA. Cet ancien commandant de HTS a très brièvement dirigé le poste-frontière de Bab al-Hawa, reliant Idleb (nord) à la Turquie voisine selon l'OSDH.
La Rédaction (avec AFP)