En octobre 2021, le premier mariage juif en 52 ans a été célébré à Bahreïn. En septembre 2022 a eu lieu le plus grand mariage juif de l’histoire des Émirats arabes unis, avec 1 500 invités parmi lesquels des membres de la famille royale. Pendant ce temps, le film « Mort sur le Nil » a été interdit au Koweït, car le principal personnage féminin est l’actrice israélienne Gal Gadot. Le petit pays clame son refus de reconnaître Israël.
Entre la signature des accords de Camp David en 1978 apaisant les relations israélo-égyptiennes et le traité de paix israélo-jordanien, 16 années se sont écoulées. Il a ensuite fallu attendre le 15 septembre 2020 pour que d’autres pays arabes reconnaissent l’existence officielle d’Israël avec la signature des accords d’Abraham par Israël, les Émirats arabes unis et le Bahreïn sous les auspices de l’Administration Trump. L’accord est soutenu par l’Égypte mais aussi par Oman qui entretient des relations paisibles avec Israël, bien que le sultanat n’ait pas signé d’agrément avec Tel-Aviv. Le Maroc et le Soudan ont rejoint ces accords les mois suivants.
Seul pays du Golfe persique avec l’Irak à avoir participé en 1973 à une coalition arabe contre Israël depuis la guerre de 1948, le Koweït est de plus en plus isolé, l’Arabie saoudite se rapprochant également de l’État hébreu.
Les liens entre le Koweït et la Palestine, raison du blocage
Dans un article du 5 décembre, Georges Malbrunot revient pour Le Figaro sur les déclarations du Koweït qui exprime clairement son refus de normaliser ses relations avec Israël. Le journaliste souligne que cette distance tient aux relations proches entretenues par l’émirat avec la Palestine.
C’est au Koweït qu’est né le Fatah, parti nationaliste palestinien, notamment fondé par Yasser Arafat, et les Palestiniens ont tenu des rôles de premier plan dans les médias, ce qui a aidé à développer le soutien à leurs revendications. Bien que l’OLP d’Arafat ait soutenu l’invasion du Koweït par l’Irak, les relations sont aujourd’hui apaisées. En 2004, Mahmoud Abbas a présenté les excuses de l’OLP à l’émirat pour son appui à Saddam Hussein.
Proche des Palestiniens, le Koweït estime que les accords d’Abraham n’ont pas bénéficié à ces derniers. « Qu’est-ce que les Émirats et Bahreïn ont gagné en se rapprochant d’Israël ? Des transferts de technologies, du renseignement, mais rien sur l’arrêt de la colonisation par exemple », reproche un diplomate du pays aux deux États.
Le Koweït de plus en plus isolé dans la région quant aux relations avec Israël
La position du Koweït n’est pas nouvelle, elle est répétée depuis que Donald Trump a annoncé que les Émirats arabes unis signeraient un traité de paix avec Israël. En août 2020, al-Qabas, le journal le plus prestigieux du pays, rapportait les propos officieux de sources gouvernementales disant qu’il serait le dernier du monde arabe à reconnaître Israël. Selon le quotidien, « la position du Koweït est cohérente avec sa démarche en matière de politique étrangère depuis des décennies en faveur de la cause palestinienne ».
Cette position est de plus en plus isolée, notamment parce que leur grand voisin saoudien se rapproche d’Israël avec qui il partage un ennemi commun, l’Iran. En 2017, le prince héritier Mohammed ben Salmane avait proposé à Mahmoud Abbas de renoncer à ses prétentions sur Jérusalem-Est et désigner à la place la localité d’Abou Dis comme capitale du futur État palestinien.
Le site d’analyse du Proche-Orient Middle East Eye observe que le rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël va placer le Koweït dans une situation très inconfortable. Soit il reconnaît Israël et deviendra un ennemi de l’Iran alors qu’une forte minorité chiite vit sur son sol ; soit il ne reconnaît pas Israël et sera perçu par Riyad comme complaisant envers l’Iran.
En janvier de cette année, le rédacteur en chef du journal koweïtien Arab Times a appelé tous les États du Golfe à normaliser leurs relations avec Israël. Dénonçant les « insultes » des Palestiniens à l’encontre des États du golfe quand ils estiment ne pas être assez soutenus, Ahmed al-Jarallah a demandé que les régimes de la région cessent de soutenir les Palestiniens quand ils envoient des missiles vers Israël.
« Quand [les Palestiniens] sont heureux, ils maudissent les dirigeants et le peuple du Golfe. Quand ils sont en colère, ils utilisent tous les mots diffamatoires et abusifs de leur dictionnaire contre nous. Trop c’est trop ! Le dos du chameau a été brisé par le fardeau du chagrin que nous endurons à cause de l’ingratitude des Palestiniens », a déclaré Jarallah, ajoutant que « tous les États du Golfe devraient normaliser leurs relations avec Israël, car la paix avec ce pays le plus avancé est la bonne chose à faire ».
Contrairement aux pays du Golfe qui se sont rapprochés d’Israël, le Koweït est une monarchie où le pouvoir du parlement est important. Même s’il a le dernier mot, l’émir doit composer avec des élus qui rendent des comptes aux électeurs majoritairement hostiles à Israël.
Jean Sarpédon