« Je pense qu’il est de la responsabilité du Président Donald Trump de leur dire de se retirer. Cette menace est crédible. Elle est réelle ! » a dit Michael McCaul, représentant républicain du Texas et membre de la Commission de la Sécurité Intérieure, au reporter de CNN le 3 mars.
Il faisait référence aux rapports du FBI et de la police du Capitole qui prédisaient une attaque de milices d’extrême-droite le lendemain, 4 mars, contre le Capitole transformé en fortin depuis les événements du 6 janvier.
Ce jeudi 4 mars, la Chambre des Représentants avait suspendu ses travaux par mesure de précaution. La Garde Nationale, armes aux poings, entourait le périmètre déjà protégé par des murets en béton et des barrières de 3 mètres de haut. Quelques photographes et cameramen attendaient, prêts à risquer leurs vies pour transmettre les images de hordes barbares déchaînées tentant de réussir là où elles avaient échoué début janvier. Las… à part un joggeur de temps en temps aperçu à proximité, seul un écureuil (dont les motivations politiques restent douteuses mais qui ne portait pas de cornes de bison) a été repéré alors qu’il s’infiltrait dans la zone interdite.
De quelles informations disposaient les services de renseignement pour effrayer autant les politiciens de Washington ? Des messages sur les réseaux sociaux partagés entre des communautés conspirationnistes pro-Trump (QAnon en particulier) avaient annoncé le 4 mars comme la date à laquelle l’ancien Président devait faire son retour triomphal. Le raisonnement derrière cette annonce, pour le moins fantaisiste, partait d’une loi organique de 1871 qui avait déplacé la date d’inauguration d’un nouveau président du 4 mars au 26 janvier. Rien ne s’était passé le 26 janvier, mais nulle inquiétude ! Tout était prévu… L’ancienne date du 4 mars serait la bonne pour remporter la victoire finale face à « l’Etat profond » et voir le retour du sauveur Donald Trump, pouvait-on lire sur certains forums.
De la même façon qu’il est impossible d’évaluer les suiveurs de QAnon, il est très difficile de savoir combien d’Américains ont pris au sérieux ces élucubrations.Pourtant, le FBI, la Commission de la Sécurité Intérieure et la police du Capitole ont affirmé qu’ils possédaient des informations solides selon lesquelles près de 50 000 miliciens descendraient le 4 mars pour reprendre le Capitole par la force. Si certains doutes se sont fait entendre dans les médias quant au sérieux de cette prédiction, et bien que l’arrivée d’une telle foule armée eût été facile à repérer, les services de sécurité ont maintenu un niveau d’alerte maximal le jour J. Puis, alors qu’aucun mouvement vers la Capitale n’était rapporté, la Garde Nationale a attendu vainement, l’arme au pied. Le FBI ne donne aucune explication sur une telle mobilisation, se cachant derrière son principe de ne rien dévoiler sur les informations dont il dispose…
Certes, les débordements du 6 janvier ont choqué les Américains et les forces de sécurité ont été pointées du doigt pour leur passivité. Mais une menace fantôme a mobilisé des forces considérables, provoqué le report de débats parlementaires, et de plus en plus de citoyens et journalistes posent des questions. Le gouvernement américain est-il composé d’hommes et de femmes effrayés par la moindre rumeur, même la plus absurde ? Si c’est le cas, les dignes membres du Congrès peuvent se rassurer. Le 4 mars, la police du Capitole a demandé une extension de 60 jours de la mobilisation de la Garde Nationale, 57 jours après l’émeute du 6 janvier, 43 après le transfert pacifique de pouvoir, et 19 après la conclusion du second procès en destitution contre l’ex-Président Trump.
Le phénomène QAnon doit cependant être pris au sérieux car, s’il s’inscrit dans la jeune histoire américaine traversée par de nombreux mouvements complotistes ou sectaires, Internet lui offre une caisse de résonance dangereuse. Mais le pouvoir américain semble installer autour du Capitole une sorte de « Désert des Tartares », attendant encore la ruée de milices invisibles sur le temple de la démocratie. Quant aux barbares honnis, Dons Quichottes modernes et pathétiques, ils errent dans les recoins sombres de l’internet. On peut compter sur eux pour trouver de nouveaux moulins virtuels et pousser les élites du Capitole à maintenir les garnisons face au désert.
Ludovic Lavaucelle
Source : The American Conservative
Cet article est republié à partir de La Sélection du Jour.