Le Dalaï Lama à la rencontre des jeunes : « La paix ne viendra pas que par la prière ! »

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Arrivé le 12 septembre en France pour une semaine dans un cadre privé, dont cinq jours à Strasbourg où il s’est exprimé devant les membres de l’Assemblée du Conseil de l’Europe et du Parlement européen, le Dalaï Lama a consacré l’après-midi du 16 septembre à la jeunesse lors d’une rencontre au Palais des congrès et de la musique. Une semaine qu’il clôturera par deux journées d’enseignement samedi et dimanche.

Face à une assemblée de jeunes de toute l’Alsace, conquise, Tenzin Gyatso, quatorzième Dalaï Lama, a exposé avec simplicité et humour sa vision du monde et la façon de le sauver. Le chef spirituel des bouddhistes tibétains ne compte pas sur la prière mais l’action pour sauver le monde. Il s’agit pour lui d’une part d’entrer en dialogue pour se comprendre, d’autre part de découvrir la paix intérieure car sans elle il ne peut y avoir de paix extérieure à soi.

Le Dalaï Lama se pose ainsi en défenseur du dialogue entre les cultures, mais en émettant des limites. Quand lui est posée une question sur ce qu’il pense de l’accueil des migrants en Europe, le prix Nobel de la Paix 1989, réfugié en Inde, exprime sa conviction en deux temps : il faut tout faire pour apporter la paix, et donc aider celui en difficulté, mais les migrants doivent rentrer chez eux pour rebâtir leurs pays avec ce qu’ils auront appris en Europe, notamment par le dialogue, où ils n’ont pas vocation à rester. Une position qu’il exprime quand il en a l’occasion.

Dialoguer pour la paix, sans tout dire

La globalisation et l’interconnexion ont mis les religions et les croyances philosophiques dans l’obligation d’échanger, affirme le Dalaï Lama qui cite l’exemple de l’Inde où, continue-t-il, « toutes les religions vivent en harmonie depuis 2 000 ans ». Une affirmation fausse, les violences interreligieuses étant courantes en Inde, qu’il s’agisse des brimades quotidiennes ou des pogroms, par exemple dans le Gujarat en 2002 quand, suite à un incendie accidentel d’un train de pèlerins hindous, 2 000 musulmans furent massacrés - après quoi fut votée une loi dans cet État interdisant toute conversion sauf vers l’hindouisme.

Et les chrétiens ne sont pas en reste, attaqués par de simples citoyens soutenus par la police, aussi victimes de pogroms comme en 2008 dans l’Orissa, cibles principales des lois anti-conversions. Il y a motif à supposer que le Dalaï Lama a mentionné l’Inde en passant sous silence les tensions et violences religieuses, parce que reconnaissant d’y être réfugié et tenant à ne pas froisser les autorités du pays aux mains du BJP, le parti hindouiste aryen.

L’hindouisme est une religion acceptant les autres croyances en Inde ou dans les sociétés hindoues si ces religions peuvent se faire relativistes et intégrer l’hindouisme, condition impossible avec les monothéismes ; la tolérance de l’hindouisme est donc fondée sur le relativisme spirituel, tandis que la tolérance chrétienne l’est sur la liberté de chacun. (Le concept d’Hindutva, qui, notamment, invite chrétiens et  musulmans à intégrer une citoyenneté non pas indienne mais hindoue, est une variante nationaliste et politique de cette approche.)

Pour le Dalaï Lama, la diversité de courants de pensée est une bonne chose, le bouddhisme connaît plusieurs écoles parce que, dit-il, le Bouddha considérait les différences nécessaires notamment pour développer la compassion. Ainsi, il adaptait son enseignement selon ses disciples, en fonction de leurs dispositions mentales, leurs parcours. Dans cette optique, l’importance primordiale reconnue à l’action (l’échange) sur la prière par le Dalaï Lama peut s’expliquer, mais il faut surtout mentionner une autre raison de taille non mentionnée le chef spirituel, l’absence de dieu créateur dans le bouddhisme. Le bouddhiste est alors appelé à se montrer responsable au lieu d’attendre l’action d’un dieu.

Le Dalaï Lama a enthousiasmé les jeunes, et pas seulement eux, avec son appel à l’action plutôt qu’à la prière, un message parlant dans une société post-chrétienne, mais en ne dévoilant pas le soubassement spirituel de son propos qui se situe en porte-à-faux tant avec la modernité voire la post-modernité individualiste qu’avec la foi chrétienne, non pas seulement parce qu’il fait largement prévaloir l’action sur la prière, mais parce qu’il ne dit pas pourquoi il ne croit que peu en la prière, la relègue loin du succès. Encourageant jeudi les jeunes au dialogue, le Dalaï Lama, qui est homme à échanger, n’a pas mentionné sa conviction que le dialogue entre chrétiens et bouddhistes avait ses limites, une conviction logique en raison de la différence de croyances quant à un dieu créateur et la possibilité d’une vérité absolue.

Sous un discours simple, aux apparences simplistes qui suscite l’adhésion, se trouve toute une conception spirituelle de l’homme sans plan divin au-dessus de lui et produit d’interactions entre des causes et des conséquences. Une vision mécaniste du monde qui aurait mérité d’être expliquée, car l’assistance s’est vite réjouie d’un propos aux airs modernes impliqué par toute une pensée qu’elle ne partagerait pas forcément.

Hans-Søren Dag


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