L'administration Trump va-t-elle expulser des chrétiens afghans ?

L'administration Trump va-t-elle expulser des chrétiens afghans ?

Des organisations chrétiennes demandent à l'administration Trump de reconsidérer la fin des protections légales pour les Afghans et d’autres immigrants chrétiens aux États-Unis.

Les chrétiens qui ont fui l'Afghanistan et reconstruit leur vie aux États-Unis sont désormais confrontés à la menace d’un renvoi dans leur pays, ce qui équivaudrait à une condamnation à mort quasi certaine.

Certains Afghans ayant fui leur pays et trouvé asile aux États-Unis ont obtenu des cartes vertes, la citoyenneté américaine ou un statut légal appelé Visa Spécial d'Immigrant (SIV), accordé aux personnes ayant travaillé aux côtés des forces américaines en Afghanistan. D'autres, en revanche, sont arrivés avec des statuts légaux plus restrictifs liés à des programmes d’aide humanitaire ou au Temporary Protection Status (statut de protection temporaire). Ce statut, mis en place en 2023, expire le 20 mai.

Le 10 avril, Tricia McLaughlin, secrétaire adjointe aux affaires publiques du Département de la Sécurité intérieure, a déclaré que le département ne renouvellerait pas le statut de protection temporaire pour les Afghans une fois qu'il aura expiré.

Il y a une dizaine de jours, un groupe de responsables chrétiens a envoyé une lettre à l'administration Trump l'exhortant à protéger des centaines de chrétiens afghans menacés d'expulsion. Focus on the Family, Save Armenia: A Judeo-Christian Alliance, la branche états-unienne de Portes Ouvertes, le Family Research Council, l'Association nationale des évangéliques aux États-Unis et d'autres organisations ont notamment signé cette lettre.

En plus de mener une répression généralisée contre les immigrants et les demandeurs d'asile, la Maison-Blanche a également suspendu en grande partie les admissions de réfugiés. “Il est crucial”, affirme la lettre, “que notre nation continue d'offrir un refuge à ceux dont la vie est en danger en raison de leur foi, y compris les chrétiens afghans”.

“L'Afghanistan est l'un des endroits les plus dangereux au monde pour les chrétiens”, peut-on lire dans le texte. Malgré cela, des chrétiens afghans ont récemment reçu des courriels de l'administration leur demandant de quitter le pays volontairement dans un délai d’une semaine.

La situation des chrétiens afghans, ainsi que celle d'autres chrétiens menacés d'expulsion, a été mise en lumière lors d'une réunion d’information au Congrès, jeudi dernier à Washington, DC. Lors de cette rencontre, un rapport du Center for the Study of Global Christianity, affilié au séminaire théologique Gordon-Conwell, a été mis en avant. Il révèle que plus de 75 % des immigrants qui risquent l'expulsion (soit parce qu'ils sont sans-papiers, soit parce qu'ils ont un statut légal que l'administration Trump pourrait révoquer) sont chrétiens.

Selon Walter Kim, président de l'Association nationale des évangéliques, la situation des immigrants chrétiens met les croyants états-uniens au défi de saisir la vérité biblique exprimée dans 1 Corinthiens 12:26 : “Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui”.

La réunion de jeudi a donné un visage à ces 75 % de chrétiens, en présentant un homme afghan, Kevenson Jean — un Haïtien arrivé légalement aux États-Unis mais susceptible d'être expulsé en fonction de la décision d'un juge fédéral —, une jeune Américaine dont les parents ont été renvoyés après des décennies de vie aux États-Unis, un prêtre nigérian dont les paroissiens vivent désormais dans la crainte de descentes de l'immigration, ainsi que deux pasteurs américains.

Cette rencontre avait été organisée par l'Association Nationale des Évangéliques, la Conférence des évêques catholiques des États-Unis, le Center for the Study of Global Christianity et World Relief.

“En tant que chrétiens en Afghanistan, nous devions cacher notre foi à tout le monde”, a raconté Moradi, un chrétien afghan. La famille de Moradi organisait autrefois des réunions secrètes avec une poignée de chrétiens dans leur sous-sol, les fenêtres fermées. Ces réunions ont complètement cessé après la prise du pouvoir par les talibans.

Moradi se considère comme béni d'être arrivé aux États-Unis en 2020 et que sa famille ait pu s'échapper en août 2021.

Depuis lors, la situation en Afghanistan n'a cessé de se dégrader. “Il est désormais impossible de se rassembler en tant que chrétiens, car ils défoncent simplement votre porte, entrent et vous tuent”, nous a expliqué Moradi. Pour protéger son identité, nous avons accepté de n'utiliser que son nom de famille.

“Les talibans et vos voisins sont contre vous, et si l'un de ces derniers vous dénonce, il reçoit une récompense. Évidemment, ils vont le faire.”

Moradi fait aujourd’hui partie de l’équipe d’anciens de l'église Oklahoma Khorasan, composée d'environ 22 chrétiens afghans. Mais récemment, un groupe de ses paroissiens — dix adultes et deux enfants — ont reçu des courriels de l'administration Trump leur demandant de quitter les États-Unis volontairement sous une semaine. Ils ont également reçu une autre lettre révoquant leurs permis de travail et leurs visas humanitaires.

Les personnes ayant reçu ces courriels sont arrivées aux États-Unis après avoir obtenu un rendez-vous grâce à l'application états-unienne CBP One. Avant cela, elles avaient dû vivre pendant dix mois dans une église au Mexique, qui leur servait de refuge, en attendant l'autorisation d'entrer légalement sur le sol américain.

La perspective d'un retour en Afghanistan suscite une profonde angoisse. “Ces chrétiens afghans, s'ils sont expulsés [...] ils vont être tués”, dit Moradi.

“L'Afghanistan est un pays 100 % islamique aujourd'hui [...] Ils ne font preuve d'aucune clémence, même envers leurs compatriotes musulmans. Comment montreraient-ils de la miséricorde aux chrétiens ? C'est impossible. La peine pour les musulmans qui quittent l'islam est la mort.”

Les avocats spécialisés en immigration affirment que les courriels de déportation ne s'appliquent pas aux Afghans ayant une demande d'asile en cours, bien que certains ne trouvent pas ces garanties rassurantes. La situation laisse également dans l'incertitude ceux qui n'ont pas encore complété leurs demandes mais qui ont encore une “crainte crédible de persécution”. Selon World Relief, les bénéficiaires d’un visa humanitaire ont été informés qu'ils avaient un an pour soumettre leur demande d'asile après leur arrivée.

Dans un contexte où les avocats spécialisés en immigration sont rares, cette procédure prend du temps. Selon Matthew Soerens, vice-président chargé de la défense des droits et des politiques au sein de l'organisation chrétienne d'aide aux réfugiés World Relief, la préparation d'une seule demande d'asile peut prendre jusqu'à 75 heures.

“Trouver un avocat spécialisé en immigration, surtout si vous ne disposez pas de milliers, voire de dizaines de milliers de dollars, est très, très difficile dans le contexte actuel.”

Les signataires de la lettre espèrent que l'administration reviendra sur sa décision et annulera les avis d'expulsion des immigrants afghans.

Le mois dernier, l'administration a déclaré à Politico que les courriels demandant aux Ukrainiens de quitter le territoire avaient été envoyés par erreur. Environ 240 000 Ukrainiens ont obtenu un statut juridique temporaire après avoir fui leur pays déchiré par la guerre sous la dernière administration présidentielle. L'agence a retiré le courriel vendredi dans un courriel de suivi, selon CBS News.

L'administration pourrait également redéfinir le statut de protection temporaire pour les immigrants et les réfugiés afghans.

Franklin Graham, président de Samaritan's Purse, a déclaré à Fox News Digital qu'il avait appris de Kristi Noem, la secrétaire à la Sécurité intérieure, que les Afghans bénéficiant d'un statut de protection humanitaire avaient jusqu'à la fin de l'été. “D'après ce que j'ai compris de Kristi Noem, elle a dit je crois que c'est en juillet, que les Afghans ont jusqu'en juillet. ... Ils ont plus de temps pour régler cette question de visa.”

Mais l'administration n'a jusqu'à présent annoncé aucune prolongation ni aucun retrait de ses messages. Tricia McLaughlin a affirmé que Noem “a pris la décision de mettre fin au statut de protection temporaire pour les personnes originaires d'Afghanistan, car l'amélioration de la situation sécuritaire et la stabilisation économique du pays ne les empêchent plus de retourner dans leur pays d'origine”. Dans le même temps, le département d'État déconseille de se rendre dans ce pays, invoquant les menaces de conflit armé, de terrorisme et d'enlèvement.

Harvest Prude

Un article de Christianity Today. Traduit avec autorisation. Retrouvez tous les articles en français de Christianity Today.

Crédit image : Shutterstuck / Copyright Lawrey / Police de l'immigration et des douanes

Dans la rubrique International >



Les nouvelles récentes >