Force est de constater que nous assistons à un glissement de société, une société qui voit disparaitre les institutions qui pouvaient dire, énoncer, exprimer le « Bien ». La famille est dans tous ses états, se disloque, ne sert plus de seul repère, la religion est reléguée au magasin des vieilles reliques, le politique n’est plus capable de se révéler comme une conscience morale mais il devient lui-même un miroir, le reflet d’un conformisme qui doit taire la conscience. Une société de marchés, de l’hyper consommation, le monde des biens est en train de remplacer au fil de l’eau la société du « Bien » commun, des institutions, famille, église, politique.
Une nouvelle scène se joue aujourd’hui et s’impose, celle où prime les valeurs de jouissance, où prédomine l’individualisme, nous ne vivons plus un monde où nous serions reliés aux autres mais nous passons à un autre monde, celui des connexions où tout se chosifie, où chacun peut être réduit à une marchandise. Tout pourrait ressembler aujourd’hui à cette fameuse Grande Babylone que décrit l’apôtre Jean.
Babylone, c’est l’épilogue de l’histoire de l’humanité, le terme et l’aboutissement d’une humanité qui de fil en aiguille, dans le déroulement de son histoire s’est peu à peu et totalement éloignée de Dieu, évacuant toute référence à Christ. Babylone est décrite par l’apôtre Jean non seulement comme un système totalitaire, dans toutes ses dimensions, politiques et religieuses. Mais Babylone est également présentée comme un vaste système marchand. Un système marchand désireux de nous rendre dépendants et addictes, en nous offrant toutes les jouissances matérielles, corrompant toutes les mœurs et les vertus civiques, il faut après tout jouir et ringardiser, se moquer de la morale qui donnerait mauvaise conscience.
La « dissociété » est une forme de civilisation marchande qui refoule le désir d’« être avec » pour réclamer la tutelle du désir d’ « être soi »
Dernièrement je lisais un article sur un terme un peu mystérieux au sujet de la dissociété, ce terme intriguant m’était tout à fait inconnu et avec curiosité je me suis empressé de découvrir ce qui se cachait à travers ce mot. L’auteur Jacques Généreux économiste, faisait mention en évoquant l’explication qu’il donne à ce mot étrange, d’une société marchande totalement morcelée, composée finalement d’êtres qui ne sont plus « avec ». Une société de plus en plus clivée avec des gens individualistes enfermés dans une pléthore de nébuleuses, de corporations, de chapelles et qui trouvaient finalement satisfaction au travers de réponses non plus religieuses, culturelles ou familiales, mais autour des biens de consommation. Pour Jacques Généreux la « dissociété » est une forme de civilisation marchande qui refoule le désir d’« être avec » pour réclamer la tutelle du désir d’ « être soi ». Autrement dit le regard sur l’autre s’est déplacé vers soi comme l’unique sujet à combler, à satisfaire.
Les biens de consommation sont devenus le substitut du Bien, le bien qui se traduit par l’amour du prochain, l’incarnation dans les relations et le culte du vrai Dieu. Le culte contemporain est celui aujourd’hui des biens de consommation. Nous assistons peu à peu à une forme d’étouffement de la liberté de conscience, de la liberté intérieure, de la socialisation des rapports humains du vivre ensemble, l’homme se laissant peu à peu séduire par cette nouvelle religion que veut nous imposer le culte du divertissement et de la consommation avec ses nouveaux temples virtuels ou non, ces nouvelles plateformes de la consommation. Nous le savons l’homme a horreur du vide, nous voyons ainsi émerger une société atteinte d’une « maladie dégénérative » qui se déshumanise, rejette les valeurs de l’amour, de la solidarité de la bienveillance mais qui au fil de l’eau, se donne satisfaction.
Ce monde se tourne vers les petits plaisirs, les plaisirs de la consommation
En lieu et place d’un monde qui se tournerait vers une bonne nouvelle, celle de la proclamation de l’évangile, ce monde se tourne vers les petits plaisirs, les plaisirs de la consommation. Une nouvelle culture celle de la consommation, est en passe de s’imposer dans les esprits, appelant à la libération des émotions, à une forme de débauche des sens et des biens. Ce monde de Babylone est décrit dans le dernier livre de Jean (Apocalypse) comme un lieu d’ivresse et de débauche, le symbole de toutes les corruptions et de toutes les décadences.
Ce monde de Babylone qui appelait en quelque sorte à la réification des êtres, à la chosification de la vie, transforme nos vies en biens marchands, le commerce de corps d’hommes et d’âmes d’hommes comme le prophétise le livre de Jean Apocalypse 18.13. « La chosification d’autrui » disait Alexandre Jardin fondateur du Think Tank les « Zèbres », « cela commence par le SDF que l’on enjambe un soir d’hiver sur un trottoir, et cela se termine à Auschwitz ».
Ce monde glisse peu à peu vers un matérialisme exacerbé au mépris de l’âme humaine, de la vie
Ce monde glisse peu à peu vers un matérialisme exacerbé au mépris de l’âme humaine, de la vie, plus rien ne compte puisqu’il faut même détourner la femme qui désire mettre fin à sa grossesse de ne pas avoir recours à une alternative. Aucun site d’information ne pourra plus désormais s’opposer à un état mortifère qui a décidé de priver la femme de réflexion afin de banaliser son choix et d’ôter chez elle tout remord, toute culpabilisation possible.
Au fond cette société ne voit ni plus ni moins la résurgence de Dionysos, une divinité de la mythologie grecque, la divinité de la vigne, du vin, des excès, de la folie, de la chair, de la démesure. Dans la mythologie grecque, la divinité Dionysos est un être fugitif, à la fois immoral nomade et sédentaire, il représente la figure de l’autre, de ce qui est différent, accidentel, insolite, déconcertant, baroque. Il est l’expression de l’individualisme plongé dans le monde des divertissements, la revanche des sens sur l’esprit, une divinité qui s’extasie dans la frénésie gourmande de l’opulence marchande.
Cette opulence marchande devient ainsi l’opium des masses alors que jadis on reprochait à la religion de l’être. Ce monde marchand est une machine qui se veut ainsi être productrice de biens artificiels aliénant la conscience, cherchant à endormir les ressorts de l’âme, la dimension intime de l’esprit.
Il appartient alors aux Chrétiens de sortir de Babylone
Mais la mondanité envahit aussi les églises, l’évangile de prospérité prêché dans certaines églises est un vernis spirituel désastreux qui ne libère pas les âmes de la matérialité envahissante. C’est Mamon qui rentre ainsi dans les lieux de culte. Il appartient alors aux Chrétiens de sortir de Babylone et de donner un coup de pied à ces faux prédicateurs de l’évangile, de dénoncer ces faux pasteurs rutilants dans leurs habits de religieux imprécateurs et faux prophètes.
Il est urgent d’entendre la voix de sentinelles sûres, celles qui sont restées en haut des murs et qui ont veillé, celles qui annoncent l’amour de la vérité et l’amour de notre prochain, l’évangile dans son entièreté. Comme nous y invite l’auteur du livre aux Hébreux, chapitre 13 :12, « Voilà pourquoi Jésus aussi, afin de procurer la sainteté au peuple au moyen de son propre sang, a souffert à l’extérieur de la ville. 13 Sortons donc pour aller à lui à l’extérieur du camp, en supportant d’être humiliés comme lui. » L. Second 21.
Il est urgent de prêcher l’évangile de solidarité, l’amour du prochain, la quête et le sens de l’autre
Il est urgent de prêcher l’évangile de solidarité, l’amour du prochain, la quête et le sens de l’autre, de venir au secours de celui qui souffre et non de l’enjamber comme pour éviter ce qui me dérange. Le croyant d’aujourd’hui comme le dit la parole veut entendre une parole qui caresse ses oreilles, et comme le déplorait David Wilkerson, a en horreur toute forme de correction… Gardons vivante et réelle cette indentification à Jésus, qui allait vers les pêcheurs, les malades, les infortunés, les faibles, et les aimait tels qu’ils étaient, avec le cœur du Père.
Laissons-nous importuner par l’amour d’un regard différent, laissons-nous gagner par le désir de sortir de nos murs pour être le sel hors de sa salière, nous entremêlant au monde, en rencontrant l’homme déchu, sans domicile, l’exclu, l’immigré, le pauvre. Fuyons le confort matériel qui étouffe la foi, et le prochain. Ne soyons plus ainsi l’être pour soi, mais l’être pour l’autre. Sinon comment faire des disciples ?
Éric LEMAITRE l’auteur de cette chronique remercie Bérengère Séries pour cette relecture vigilante et sa contribution à cette réflexion.