L’Azerbaïdjan, pays majoritairement musulman chiite peu pratiquant et dont le Gouvernement est très méfiant envers la foi, entretient une relation mouvementée avec la littérature religieuse, qu’elle soit chrétienne ou islamique. Les autorités, très laïques et modernistes, sont pointilleuses dans la lutte contre le prosélytisme. Les ouvrages chrétiens et islamiques font régulièrement les frais d’une situation instable de flux et de reflux dans ce qui est permis, qui met les premiers d’autant plus en difficulté que, en sus de la persécution par le régime laïque, la minorité chrétienne est confrontée à l’hostilité d’une partie de la population musulmane. Dernièrement, l’ONG norvégienne Forum 18 qui défend la liberté religieuse, et s’intéresse particulièrement à l’Asie centrale, a signalé une descente de police dans vingt-six magasins et six maisons depuis octobre pour saisir des livres.
Les ouvrages confisqués dans les commerces seraient islamiques, et certains vendeurs ont été punis. Cette intervention de la police a eu lieu dans des endroits non autorisés par le Comité d’État pour le travail avec les organisations religieuses. L’intitulé de cette instance pourrait laisser entendre une volonté des autorités de collaborer avec les cultes, mais il s’agit plutôt de les contrôler pour les minimiser.
La Société biblique d’Azerbaïdjan a obtenu la permission de s’enregistrer après 20 années de patience
En octobre dernier, la Société biblique d’Azerbaïdjan a obtenu la permission de s’enregistrer après vingt longues années de patience. Rien n’assure cependant qu’elle puisse éditer des exemplaires de la Bible, car toute littérature importée ou produite dans le pays nécessite l’aval des autorités. Par ailleurs, sur le plan purement pratique, des restrictions sont ajoutées à celles visant ouvertement la liberté religieuse, car le Gouvernement a instauré, au cours du premier trimestre de l’année 2013, une taxe sur les ouvrages importés qui a même un effet rétroactif. De plus, seule une partie de la Bible pourrait être importée ou publiée, l’Ancien Testament étant interdit dans le pays, ce qui a inquiété non seulement les chrétiens, mais également les juifs et les musulmans. Outre l’Ancien Testament, sont interdits les ouvrages des témoins de Jéhovah ou ceux du théologien musulman Nursi, partisan de la modernité à travers et non contre la religion, l’inverse de la laïcité du régime azéri. Lors des raids, la police indique simplement que les livres sont illégaux.
Dans le courant du premier semestre de cette année, le Comité précité a établi une liste d’une quarantaine d’ouvrages dont l’importation et la diffusion sont désormais interdites, arguant qu’elles incitent à l’intolérance, la discrimination et le radicalisme ; l’évaluation étant faite par des autorités peu enclines à favoriser la liberté. L’examen a toutefois porté sur 630 livres religieux, ce qui relativise cette interdiction.
Le choix de la coexistence des communautés au lieu de celui de la liberté des communautés
Les autorités ont une pratique d’affichage officiel de la liberté religieuse, au point d’accueillir un sommet international des chefs religieux en 2010, ou le Pape François début octobre dernier. En juin 2015, le Président Ilham Aliyev s’était rendu à Rome et avait affirmé l’importance des dialogues interreligieux et interculturel. Cet État d’Asie centrale a choisi d’adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme dont l’article 9 pose le principe de la liberté religieuse. Dans un rapport de cette année, publié le 7 juin, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, une émanation du Conseil de l’Europe, se dit préoccupée par diverses restrictions, dont celles affectant la littérature religieuse, et qui « touchent souvent les communautés musulmanes minoritaires et les groupes religieux non traditionnels » (ndlr : les activités missionnaires). Bakou considère respecter la Convention, puisque l’article 9 dispose que la liberté religieuse peut être limitée pour des raisons d’ordre public.
Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a, quant à lui, rappelé le 21 octobre dernier que s’il est important que l’État prévienne par des restrictions les confrontations religieuses dans un pays multiconfessionnel et pluriethnique, il est important d’équilibrer la nécessité de protéger l’ordre public et celle de défendre la liberté religieuse. Si assurer la paix civile permet à chacun d’exister, quelque soit sa religion, lui interdire de vivre sa croyance revient à nier une partie de son existence.
Hans-Søren Dag