Hier, Pierre le Corf, humanitaire présent à Alep au côté des civils subissant tirs de mortier et bombardements quotidiens, partageait sur sa page Facebook hier, un texte qu’il avait écrit en avril dernier, suite au tragique décès de 3 de leurs enfants. Diana, 17 ans, Hiba, 15 ans et Batul, 13 ans, sont mortes sous les yeux de leur famille alors qu’elles essayaient de fuir une bombe artisanale lancée par Al Nosra.
« Ou êtes-vous ? Il y a deux jours j’ai rencontré plusieurs familles à Khaldié, ils vivent dans un parc en plein Alep dans des conditions extrêmement précaires depuis qu’ils ont été déplacés de leurs maisons à cause de la guerre. Avant ils vivaient correctement, ils avaient maisons, appartements, espace… Ils avaient une vie au moins. Ils ne voulaient pas bouger d’ici pour pouvoir rester ensemble.
Ils ont reçu un gros obus et trois mortiers. Par chance, ils n’ont jamais explosé.
Aujourd’hui j’ai nettoyé mes chaussures pour enlever la chair humaine incrustée dans mes semelles
Hier vers 14h30, Al Nosra a envoyé une bombe artisanale. Ils propulsent des bonbonnes de gaz remplies de matière explosive qu’ils pourvoient d’une hélice. Les enfants l’ont vu tournoyer dans le ciel, tout le monde s’est mis à courir. Un père a demandé a ses filles de courir se cacher sous leur tente. La bonbonne est tombée sur leur tente. L’explosion les a tuées et a tout détruit. Tous les effets personnels éparpillés, brulés… Les morceaux de chairs immédiatement recouverts de mouches, une partie du crâne et les cheveux d’une des jeunes filles projetés, le sang brulé qui colle au chemin. Aujourd’hui j’ai nettoyé mes chaussures pour enlever la chair humaine incrustée dans mes semelles.
Personne ne parlera d’eux, aucun média, aucune association. Pourtant il y a des bâches UNICEF, UNHCR… Mais personne. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres hélas.
L’un des petits garçons nous a simplement dit :
« Je voudrais que nous aussi nous mourrions, comme ça on serait dans une tombe, et dans la tombe personne ne pourrait plus nous faire de mal, nous serions tranquilles. »
Diana avait 17 ans, Batul 13 ans, Hiba 15 ans.
Je suis français et je prends des risques en allant là où je vais ici, je passe beaucoup de temps sur les lignes de front pour partager de l’espoir avec ceux qui ont tout perdu, ce n’est pas ma guerre mais je suis là.
Où êtes-vous ?
Où sont tous ceux qui passent leur temps à prêcher le salut du peuple Syrien, à dénoncer les conditions humanitaires, qui racontent la guerre ? Je lisais quelques articles ce matin, sur 100 articles, 95 ont été écrit par des personnes qui ne sont jamais venus ici, ni mis les mains dans la merde pour comprendre ce que ça veut dire. Pourtant ils ont tant à raconter… Alors je me pose cette question, où êtes-vous? »
Partagé dans l’intégralité avec l’aimable autorisation de son auteur, Pierre Le Corf, humanitaire à Alep, fondateur de l’ONG We Are Superheroes.
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La rédaction