« Nous contestons aujourd’hui ce projet de loi qui est devenu un guet-apens de toutes les revendications les plus outrancières puisque nous pourrons modifier le génome des embryons humains, nous pourrons fabriquer des embryons chimères, mi-animal, mi-homme. »
Si l’on associe aisément le projet de loi de bioéthique à la question de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, il n’en reste pas moins que de nombreux autres sujets seront examinés dans le cadre de la révision de cette loi. Entre autres, l’article 17, qui prévoit la création d’embryons chimères (homme-animal).
Blanche Streb en faisait état devant les journalistes lors de la manifestation du 6 octobre à Paris.
« Nous contestons aujourd’hui ce projet de loi qui est devenu un guet-apens de toutes les revendications les plus outrancières puisque nous pourrons modifier le génome des embryons humains, nous pourrons fabriquer des embryons chimères, mi-animal, mi-homme. »
« N’importe quoi ! » s’emportait une journaliste de Quotidien, lors de l’émission du 7 octobre. Mais ce n’est pas le cas. Non, Madame Blanche Streb ne dit pas « n’importe quoi » quand elle parle des « embryons chimères ».
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L’article 17 porte sur « la possibilité d’utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale ». Ainsi désormais, selon Hervé Chneiweiss, président du comité d’éthique de l’Inserm, « l’article 17 clarifie les choses. Il confirme à présent l’interdit de toute greffe sur des embryons humains ». Mais l’inverse, c’est-à-dire, l’implantation de cellules humaines sur l’embryon animal est désormais possible.
« L’enjeu à long terme est de pouvoir créer des animaux avec des organes humains : par exemple un organe humain dans le cochon qui serait directement transplantable », explique John De Vos, professeur au CHU de Montpellier et spécialiste en thérapie cellulaire.
La juriste Olivia Sarton évoquait au Figaro, le cas de 150 embryons chimériques transplantés dans l’utérus de truies porteuses, qui avaient ensuite été « sacrifiées » pour récupérer les embryons porc-humains qui s’étaient développés in utero pendant 28 jours. La juriste s’étonne donc du silence des défenseurs des animaux face à cette lourde problématique éthique.
« Le but affiché dans un premier temps est de pouvoir ainsi pratiquer de la xénotransplantation, c’est-à-dire d’abattre ces animaux pour prélever les organes créés à partir de cellules-souches humaines et de greffer pancréas, cœur, foie, etc… chez des hommes ou femmes malades. Les chercheurs annonceront très certainement dans un second temps d’autres objectifs. Pourquoi un tel silence de nos amis végans qui souhaitent tellement me convaincre de renoncer au filet mignon ? Pourquoi un tel silence des défenseurs de la planète et du climat qui ont défilé samedi 21 septembre dernier ? »
Mais elle s’inquiète surtout de « l’avenir de notre humanité ».
« Aujourd’hui, les chercheurs assurent qu’ils ne franchiront pas certaines limites : pas de production de gamètes humaines par les organes reproducteurs des chimères homme-animal, abattage systématique des animaux présentant des signes extérieurs humains (comme des mains ou des pieds)... Comment faire confiance à ces engagements dans un contexte de compétition internationale et d’enivrement face à la science ? »
Le Conseil d’État affirmait en juillet 2018, dans Révision de la loi de bioéthique : Quelles options pour demain ?, que « ces recherches visant à permettre la production chez l’animal d’organes xénogéniques soulèvent plusieurs questions éthiques ». Il soulevait alors « trois risques principaux » :
- « le risque de susciter une nouvelle zoonose (ie. une infection ou infestation qui se transmet naturellement des animaux vertébrés à l’homme et vice‐versa) »
- « le risque de représentation humaine chez l’animal (si ce dernier acquérait des aspects visibles ou des attributs propres à l’humain) »
- « le risque de conscience humaine chez l’animal (si l’injection de cellules pluripotentes humaines produisait des résultats collatéraux induisant des modifications chez l’animal dans le sens d’une conscience ayant des caractéristiques humaines) »
Le Groupe Embryon et Développement du Comité d’Éthique de l’INSERM émettait également des réserves dès janvier 2019.
« Dans ce cas, il s’agira en effet d’implanter l’embryon chimérique dans un utérus animal, et de laisser le développement se poursuivre bien après sa naissance. On comprend alors qu’Usha Lee McFarling souligne que ces chimères devront être assez humaines pour servir de modèle dans la recherche, puis, si tout se passe bien, en thérapeutique, mais pas suffisamment humaines pour relever de la protection qui revient aux êtres humains. Reste à savoir comment le déterminer. »
Dans ce débat, le Comité d’Éthique de l’INSERM ajoute une question essentielle. Ces entités appartiendraient-elles à l’espèce humaine ?
« Il faut relever que les chimères et les cybrides soulèvent encore une autre question, celle de l’identité et de l’intégrité spécifique : de telles entités appartiennent-elles à l’espèce humaine ? Cela dépendra du taux de chimérisme ainsi que de leur proximité avec ce qui constitue les caractéristiques essentielles qui font un être humain, notamment si elles abritent des neurones ou une lignée germinale d’origine humaine. À cela il faut ajouter l’importance psychologique de l’apparence extérieure, les êtres qui nous ressemblent étant plus facilement considérés comme humains, d’où la pertinence par exemple d’inhiber tout gène permettant une ossification du massif facial humanoïde. L’existence de ces chimères brouille toutefois la séparation des espèces et pourrait en conséquence apparaître comme une menace pour l’identité et l’intégrité de notre humanité. »
Si tout cela ressemble à de la science-fiction, il n’en est rien. L’article 17 a bel et bien été adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 4 octobre.
M.C.
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