La famille dans tous ses états

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Tout a changé ! Le XXème siècle a métamorphosé la famille, le XXIème siècle nous prépare à d’autres chamboulements violents et à un changement radical de paradigme. Le changement de paradigme se définit ici à la fois comme une révolution conceptuelle et un changement de modèle.

La famille par exemple ne se définira pas au travers du seul lien de parenté et de l’adoption, c’est une révolution conceptuelle, le bricolage génétique de savants fous sans doute marginal à ce jour, mais modifiant la dimension de la filiation, c’est un changement de modèle humain.

A la lecture de cette chronique, souvenons-nous de cette citation que l’on prête à Saint Augustin pour comprendre les enjeux et les menaces qui se dessinent autour de la famille :

« A force de tout voir, on finit par tout supporter…
A force de tout supporter, on finit par tout tolérer…
A force de tout tolérer, on finit par tout accepter…
A force de tout accepter, on finit par tout approuver »

Les facteurs de ce changement !

La famille évolue :

  • …dans des contextes d’individualisation comprise comme une atomisation de la société, et de la cellule familiale.
  • Les rapports sociaux tendent à se fragmenter, nous assistons à l’émergence d’un monde qui tend à aller vers le repli de soi ou du chacun pour soi. L’individualisation correspond à une culture du choix, chacun affirmant pour lui-même, son autonomie, sa capacité à savoir orienter sa vie sans devoir à l’autre, sans être épié, guetté, dévisagé, et contraint, alors que paradoxalement nous avons accepté de l’être par le ‘big brother’ numérique. Le délitement de la foi chrétienne, sa perte de prégnance sur les consciences accompagnent ce changement – « ce qu’on peut appeler le mouvement de sécularisation de la société - contribue fortement à cette affirmation de l’autonomie individuelle ».
  • Le jeu de l’ego, la vanité du reflet de soi trouve son point culminant, son apogée dans le monde des écrans, le lieu de l’univers numérique où s’affirme l’individualisme. L’individualisme qui se définit également comme la revendication explicite d’un culte pour soi, ni altruiste, ni solidaire. C’est dans ces contextes que se développe la culture de l’économie numérique et des écrans qui tend à construire une société de mosaïques en pièces détachées, des pièces humaines artificiellement connectées les unes aux autres mais non reliées. Ce monde numérique qui a termes peut altérer le lien y compris familial.

La famille change :   

  • …dans des contextes anxiogènes de transformation des environnements : climatique, environnements sociaux, sociétaux, économiques, techniques et même culturels.
  • Sur le plan climatique, et selon nos experts onusiens, la problématique du réchauffement résulterait principalement de la croissance démographique, en conséquence des enfants à naître, autant de consommateurs-pollueurs en puissance. Ce qui induit un nécessaire contrôle actif des naissances voire même la mise en œuvre d’un programme malthusien à grande échelle, c’est-à-dire une limitation draconienne des naissances pour éviter les famines.

« Si nous continuons dans cette voie, si nous ne faisons rien pour enrayer l’accroissement de la population, nous allons en payer le prix, nous allons nous retrouver dans un monde surpeuplé. La démographie a un impact sur le développement économique, sur l’environnement et sur les ressources de la Terre qui sont limitées »
Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies de 1997 à 2006.

  • Sur le plan social, la contraception moderne a libéré les choix de construction familiale.
  • Les récentes lois sociétales ont permis de légaliser de nouvelles formes de conjugalités engendrant une nouvelle donne concernant la définition attribuée jusqu’alors à la famille.
  • Les environnements économiques caractérisés par l’instabilité, issus des crises monétaires mais aussi de la frénésie consumériste ont fragilisé la maille familiale, le monde consumériste a ainsi détricoté la famille en favorisant la paupérisation, l’individualisation et l’atomisation des individus, en chamboulant les rapports à la valeur, confondant valeurs et veau d’or.
  • Le monde technique, au sens où le théologien et historien protestant Jacques Ellul le définissait, qui de manière prémonitoire a vu l’émergence d’un monde régi et organisé par la puissance technique.

Ainsi dans cet univers des innovations technologiques, les techniques de fécondation artificielle sont en train de créer de nouvelles façons de faire des enfants. Et ici notre propos n’est pas d’évoquer la fécondation in vitro mais d’évoquer l’ectogenèse qui est une fécondation hors de l’utérus féminin et dont les recherches techniques sont bel et bien engagées, puisqu’on est aujourd’hui capable de pousser la fécondation d’un embryon humain jusqu’à 13 jours. Ce record de 13 jours, vous l’imaginez bien, ne s’arrêtera pas là.

  • Les environnements culturels où l’idolâtrie de l’image est en train d’aliéner le sens de l’autre et congédie le rapport à l’autre dans une relation incarnée. Nous aimons souvent évoquer l’image de ces enfants et de leurs parents rivés sur leurs écrans connectés au monde mais non reliés à leur table lorsque l’occasion leur est donnée de dîner ensemble.

La famille, ‘donné’ d’un ensemble : une rencontre d’un père et d’une mère 

Dans nos représentations traditionnelles, l’ensemble familial est un donné de la nature même d’une rencontre d’un couple sexué. Les parents conçoivent l’enfant, l’enfant est conçu de parents, pas l’un sans l’autre ! On « est » famille parce qu’on « naît » d’un ensemble père et mère. La famille est chargée de mystère parce que c’est « là qu’on naît », avant d’y grandir. Cette définition désigne la famille comme une matrice. D’une même chair, « de l’os de mes os et chair de ma chair » sortirait chacun de ses membres.

« L’os de mes os, chair de ma chair », cette matrice familiale est aujourd’hui remise violemment en cause par l’idéologie transhumaniste qui rêve d’une conception hors du ventre de la mère.

La famille est également une communauté solidaire d’appartenance, composée de ceux qui consentiront des sacrifices, ses membres vont devoir m’aider sans réfléchir ni calculer. On s’y serre les coudes dans une chaîne d’unions réciproques. Cette communauté solidaire se vit souvent dans les familles africaines.

La famille dans tous ses états !

La famille dans tous ses états est une expression qui renvoie en réalité à plusieurs évocations possibles, le monde dans ses processus d’évolution et dans son histoire est en mouvement perpétuel, il réinvente la famille, mais le monde au travers d’un changement de modèle et de redéfinition idéologique, est également en train de blesser la famille en fragilisant ses socles de lectures concernant ses repères.

La famille dans tous ses états est certes une expression mais reflète bien de notre point de vue, une forme de mosaïque dont les pièces sont fragmentées. La famille vit en effet aujourd’hui une forme d’ébullition, de bouillonnements, de tumultes des familles, dans les familles.

La famille est traversée par des zones de turbulences. L’expression ‘dans tous ses états’, évoquerait également une forme d’agitation voire même d’état de chocs.

Les zones de turbulences sont notamment soulignées par les vecteurs de socialisation qui au sein de la famille sont malmenés; maltraités à la fois par les idéologies en cours, le monde consumériste, les tendances à l’individualisation. Les dimensions de cette socialisation sont ainsi perturbées et n’autorisent pas de nos jours, leur inscription dans une histoire, l’enracinement dans un passé et la projection dans un avenir.

La famille, cellule de base de la société, est en crise car elle est LE lieu, l’essence même de l’expression de la société, si la famille est en crise, la société l’est aussi nécessairement, par symétrie.

La famille est ainsi le lieu d’expression et se décline en « macro » dans la société. C’est la cellule qui compose le corps tout entier. En tant que telle, elle est perméable aux fluctuations, aux crises, aux nouveaux systèmes, lieu d’expression, lieu de crise, elle ingère les coups comme elle est le réceptacle des chocs de société, la souffrance familiale mal vécue se réplique à plus grande échelle comme une forme de métastase à l’ensemble de la société.

Les représentations que nous avions de la famille, se modifient à l’époque d’une déconstruction de l’homme, traversée par des nouveaux courants idéologiques et transhumanistes qui visent à démanteler, modifier et performer l’homme.

Mais notre propos est aussi habité par des questions et des doutes, nous n’avons aucune prétention à vous partager des réponses tant les sujets peuvent faire débat.

La famille s’enferme-t-elle au travers d’un concept général et se définit-elle par la seule filiation autrement dit par le lien de parenté ? La notion de famille fait-elle encore sens ? Qu’est-ce que la famille ? Existe-t-il une définition du mot famille ?

Ces questions que nous formulons, que je formule devrais-je dire, se seraient-elles posées il y a cinquante ans de cela… ? La réponse est probablement non ! Mes grands-parents paysans auraient souri et m’auraient légitimement interpellé, me demandant si je ne m’étais pas égaré en faisant quelques nœuds à mon cerveau.

Aborder la famille dans tous ses états, c’est au fond appréhender l’expression dans toutes les formes de mutations qui traversent la société, les chamboulements, les transformations radicales qui parcourent le monde d’aujourd’hui. Y compris le changement de paradigme que provoquent les apprentis sorciers qui manipulent aujourd’hui le génome humain et qui mettront à mal la notion même de filiation, imposant une redéfinition génétique de l’ascendance dans une famille.

Des manipulations génétiques susceptibles de déconstruire le lien de parenté qui définit la famille.

A propos des bouleversements vécus, nous évoquions au cours de notre préambule, le changement de modèle concernant l’approche même que nous avions de la famille définie par le lien de la parenté. Ce modèle familial est tout simplement en train de basculer.

C’est en effet la génétique qui brouille au début de ce XXIème siècle, le destin de l’homme, mettant en œuvre un programme d’amélioration de l’espèce humaine. Ainsi les bébés issus de plusieurs personnes, pour obtenir un être humain « génétiquement parfait » n’est plus discutable, le premier bébé résultant d’une manipulation du génome de trois parents est né au Mexique en mars 2016, l’enfant en bonne santé, est en effet né respectivement de la manipulation de leurs ADN.

Il s’agissait de transférer des matériaux génétiques du noyau pour éviter que la mère ne transmette à son enfant des gènes défectueux, une maladie neurologique progressive.

Imaginez que l’on vienne ajouter la gestation par autrui d’un quatrième parent dans la conception de l’enfant, ce qui aurait pu être le cas. Et si cela avait été envisagé, cela se serait traduit par une modification radicale de toute la conception que nous nous faisions jusqu’à aujourd’hui de l’homme. Ici nous parlons d’un homme finalement déconstruit, d’une famille déconstruite par les effets de la science prométhéenne confiée à des scientistes manipulant le sens de la fécondation et d’une rencontre sexuée.

Cette manipulation génétique comme la gestation par autrui est aussi une forme de gestation par abandon (la GPA). Ce remaniement génétique de la personne humaine provoque nécessairement un changement de modèle. La gestation par autrui impacte sans aucun doute le référentiel autour d’un patrimoine génétique homme et femme qui participait à la définition de la notion de famille.

Le fossé s’est dessiné entre la conception de la famille au début du XXème siècle et celle qui émerge au début de ce XXIème siècle

Pour définir la famille, le plus souvent nous nous référons à elle. L’idée que nous nous faisons de la famille nous renvoie nécessairement à notre propre histoire, à notre propre référentiel culturel. Sans doute nous formons nos propres représentations à travers le prisme de la société, c’est-à-dire, l’idée même que la société se fait de la famille, la même société qui peut par ailleurs défaire l’approche de la famille, qu’elle s’était jadis forgée.

Dans ces contextes déclinés précédemment, ne vivons-nous pas finalement une forme de fossé entre la famille telle que nous la connaissions il y a à peine cinquante ans de cela, et la famille qui se présente à nous aujourd’hui, finalement, une famille composite, recomposée, déconstruite, reconstruite :

  • De forme classique un père, une mère.
  • Puis les contingences sociales provoquant des déchirures une mère seule, un père seul.
  • Et les familles recomposées ? Avec papa et ses enfants, maman et ses enfants et les enfants que papa et maman ont eus ensemble… !!!
  • Puis les idéologies montantes inventant de nouvelles familles, les nouvelles conjugalités qu’offrent la nouvelle loi sociétale : le mariage pour tous.
  • Puis les inventions prométhéennes susceptibles d’engendrer de nouveaux types humains dont les géniteurs sont multiples, cassant ainsi la notion de filiation qui fut l’essence et l’un des vecteurs de la dimension essentialiste de la famille.

La famille confrontée aux formes déstructurantes de la société libérale

Les formes déstructurantes de la société libérale ont considérablement métamorphosé la notion même de famille. L’histoire de la famille en quelques décennies a complètement évolué…

Aujourd’hui, l’essor considérable des foyers monoparentaux, l’augmentation des ruptures familiales et des remariages modifient profondément le paysage familial traditionnel. Vers la fin du XXème siècle, plus de deux millions d’enfants de moins de dix-neuf ans ne vivaient plus avec leurs deux parents biologiques mais faisaient déjà partie des 600 000 familles recomposées ; depuis bientôt trois décennies le nombre de familles monoparentales enregistre une croissance annuelle cinq fois plus rapide que celle des couples avec enfants.

En 2005 (l’INSEE ne communique pas de données plus récentes), 2,84 millions d’enfants de moins de 25 ans vivent dans une famille monoparentale. Les risques de rupture d’union croissent au fil des années et conduisent à une réelle fragilisation du socle social.

L’émergence croissante des familles mono parentales ne préjuge ainsi en rien des difficultés majeures qu’elles génèrent, cela complexifie tout simplement les biographies familiales, le récit d’une vie à travers ses ancêtres et rend plus opaques les origines, issues des unions.

Le combat pour la famille est légitime !

Malgré l’ensemble des turbulences, de ces états déclinés précédemment, la famille reste un enjeu sociétal, or tout est fait pour la déconstruire. Ce combat pour la famille est légitime et nous nous félicitons que beaucoup ne soient pas indifférents à ces enjeux et choisissent d’en défendre les fondements pour permettre à tout enfant de connaitre le même privilège d’avoir connu la figure paternelle et maternelle structurant son épanouissement.

Si nous devions vous interpeller et provoquer un échange interactif, nous pourrions également vous interroger et vous solliciter pour partager l’idée même que vous vous faites de la famille. Mais si vous voulez bien, nous y reviendrons dans quelques lignes et vous donnerons une approche plutôt originale du mot famille, sans doute rarement partagée ou déclinée. Mais une notion essentialiste de la famille vous interpellera sans doute. Cette notion nous semble riche et à l’envers des concepts de la modernité qui entend redéfinir la famille sous de nouveaux vocables.

Nous utilisons dans ce texte, le terme d’essentialiste et ce terme mérite que l’on s’y attarde, l’essentialisme s’intéresse à l’essence — ce qui fait qu’un être « est ce qu’il est », qu’une famille est ce qu’elle est — « par opposition aux contingences, que l’essentialisme traditionnellement nomme accidents », dont l’absence ne remet pas en cause la nature ontologique de cet être, ne remet pas en cause également la nature même de la famille qui est définie dès l’origine des temps par la parenté.

Ainsi un homme perdrait-il l’usage d’un de ses sens l’ouïe, l’audition, à jamais handicapé, il restera par sa nature même un homme. Ainsi la famille se définit par la parenté, le lien, la transmission, l’adoption, la solidarité, l’amour et définit la communauté, ce que nous avons en commun issu de la relation entre deux être aimants.

La famille est ainsi une communauté de parents qui partage solidairement une descendance commune ! Celle-ci idéalement structurée dans la complémentarité d’un père et d’une mère, a vocation à engendrer, à donner la vie, et à créer autour de leur couple une famille.   

La famille : une mémoire du passé, l’expression de la solidarité, la continuité dans le temps !

Récemment le Pape François alertait le monde et indiquait qu’un véritable combat contre la famille était en train d’être livré, qu’il convenait dès lors de défendre l’anthropologie biblique.

Il nous semble dès lors important de revenir à la source et de redécouvrir les merveilles des écritures bibliques concernant la famille.

Nonobstant nous avons cherché en hébreu le mot famille dans l’ancien testament et nous ne l’avons pas trouvé, en revanche le terme le plus approchant est celui de Maison ; Bayith en hébreu signifiant la maisonnée, ceux qui vivent sous le même toit et le mot Bayith vient de l’hébreu « Banah ». « Banah » signifie construire, former une maison, établir une famille. La première fois que l’on voit le mot « Banah » c’est en Genèse 2.22 : «  l’Eternel Dieu forma (Banah) une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena vers l’homme « .

Je citerai Gérard Hoareau de la Mission Vie et famille qui commente le verset suivant de Genèse 2 .24 :  » L’homme quittera son père et sa mère, s’attachera à sa femme et les deux deviendront une seule chair « . « Ainsi la famille est le lieu où passé, présent et avenir se croisent et s’entrecroisent, sans pour autant se confondre. Parce que les enfants sont liés à leurs parents, ils partagent une histoire commune avec eux. C’est ce que l’on peut appeler  » la mémoire du passé « , Il y a donc aussi  » continuité dans le temps « , par les générations qui se succèdent ».

Nous retrouvons ainsi ces trois repères de l’enseignement biblique sur la famille :

La Mémoire du passé, d’où je viens et ce qui construit du sens en raison de mes racines, la généalogie, mes origines et ma filiation.

La solidarité, la dimension du partage, la famille est une communauté et la continuité dans le temps… la pérennisation de l’humanité et de notre propre humanité, à travers une descendance qui a reçu la vie et qui la transmet à son tour.

Éric LEMAITRE l’auteur de cette chronique remercie Bérengère Séries pour cette relecture vigilante et sa contribution à cette réflexion.


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