La "destinée manifeste", ce concept du XIXème siècle repris par Trump

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Les Etats-Unis comme nation dotée d'un droit divin à étendre son territoire : en invoquant la "destinée manifeste" dans son discours d'investiture, Donald Trump a repris un concept impérialiste du XIXème siècle.

"Nous poursuivrons notre destinée manifeste jusque dans les étoiles, en envoyant des astronautes américains planter la bannière étoilée sur Mars", a dit le président républicain sous la coupole du Capitole, juste après avoir prêté serment, le 20 janvier.

La destinée manifeste "est la croyance de certains Américains, à un certain moment de l'histoire américaine, selon laquelle Dieu a voulu que ce pays s'étende d'une côte à l'autre", de l'Atlantique au Pacifique, explique à l'AFP Alan Kraut, professeur d'histoire à la American University de Washington.

Le terme a été utilisé pour la première fois en 1845, par John O’Sullivan, éditorialiste d'une publication liée au parti démocrate de l'époque. Il évoque dans un article la "destinée manifeste (des Etats-Unis) qui est de s'étendre sur le territoire donné par la Providence".

Le contexte historique, économique et démographique est celui d'une très jeune nation aux ambitions dévorantes.

Au XIXème siècle, le territoire américain s'accroît de manière spectaculaire vers l'Ouest, aux dépens du Mexique et des populations autochtones. La population augmente à grande vitesse, alimentée par l'immigration, tandis que l'industrialisation progresse.

"Volonté de Dieu"

Le concept de "destinée manifeste" reflète l'idée que les Etats-Unis sont "voués au succès par la volonté de Dieu", explique Alan Kraut, pour qui cette dimension religieuse a toujours irrigué le discours politique américain.

Il cite comme autre exemple l'expression chrétienne de "cité sur la montagne", utilisée par certains présidents américains pour évoquer un pays vers lequel le reste du monde lèverait les yeux.

Donald Trump, le 20 janvier, était allé jusqu'à assurer que Dieu l'avait "sauvé" d'une tentative d’assassinat le 13 juillet en Pennsylvanie "pour (qu'il) rende sa grandeur à l'Amérique".

Au fur et à mesure que les frontières officielles des Etats-Unis se sont stabilisées, la volonté d'expansion territoriale a disparu, au profit d'une politique d'influence ne passant pas par l'annexion de terres à proprement parler.

William McKinley (1897-1901) est l'un des derniers présidents à avoir supervisé une politique active d'acquisition territoriale, qui a vu les Etats-Unis prendre le contrôle d'Hawaï, des Philippines, de Guam et de Porto Rico.

Dans son discours d'investiture, Donald Trump a d'ailleurs annoncé vouloir redonner au Denali, plus haut pic d'Amérique du Nord situé en Alaska, son ancien nom de "Mont McKinley", selon lui un "grand président".

Le milliardaire républicain affiche des ambitions territoriales agressives, inédites dans l'histoire récente des Etats-Unis.

Il veut "reprendre" le canal du Panama et convoite ouvertement le Groenland, territoire danois, tout en évoquant l'idée de faire du Canada le 51ème Etat américain.

McKinley et Jackson

"La destinée manifeste à l'ancienne, celle du XIXème siècle, c'est fini", note pourtant Alan Kraut, en rappelant en particulier que les Etats-Unis d'alors avaient une croissance démographique très forte, sans comparaison possible avec la situation actuelle.

Aujourd'hui, "il y a dans le monde d'autres pays puissants, il y a une interdépendance entre les pays, que cela plaise ou non à M. Trump", affirme-t-il.

Le concept de "destinée manifeste" et la référence à William McKinley - ardent partisan du protectionnisme, comme Donald Trump - ne sont pas les seuls signaux historiques envoyés par le républicain depuis son retour à la Maison Blanche.

Il a par exemple remis en bonne place dans le Bureau ovale le portrait d'Andrew Jackson, chef d'Etat de 1829 à 1837, décroché par son prédécesseur Joe Biden.

Ce président est en particulier connu pour avoir fait passer une loi permettant le déplacement forcé, et qui s'est avéré très meurtrier, de populations amérindiennes. Il avait invoqué devant le Congrès la supériorité des pionniers blancs, sédentaires et chrétiens sur ceux qu'il qualifiait de "sauvages".

Andrew Jackson, qui avait développé un discours anti-système virulent, est communément considéré comme le premier représentant du populisme à l'américaine.

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : Shutterstock / Anna Moneymaker

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