La camerounaise Aissa Doumara, lauréate du Prix Simone Veil, dédie son prix « à toutes les survivantes »
« À toutes les survivantes, les rescapées de Boko Haram, les femmes et les filles du monde entier, je dédie ce beau prix. Il est le mien. Il est aussi le vôtre. »
Le premier Prix Simone Veil vient d’être décerné à une militante d’origine camerounaise, Aissa Doumara Ngatansou. Âgée de 47 ans, et mère de 3 enfants, elle lutte depuis des années contre les discriminations faites aux femmes dans son pays, notamment dans les régions extrême-nord d’où elle est originaire. Elle a co-fondé l’Association de Lutte contre Les Violences faites aux Femmes (ALVF) afin de « briser le silence et lever les tabous sur les violences ».
Son combat est celui des femmes violées, des fillettes qui subissent des mariages précoces et forcés, des filles et des femmes utilisées comme bombes humaines par les groupes insurgés terroristes. C’est à elles qu’elle a dédié son prix :
« À toutes les survivantes, les rescapées de Boko Haram, les femmes et les filles du monde entier, je dédie ce beau prix. Il est le mien. Il est aussi le vôtre. »
Aissa a elle-même été victime de ces souffrances. Elle expliquait en novembre dernier que c’est cette « discrimination » qui l’a poussée à devenir « l’activiste qu[‘elle est] aujourd’hui. »
« J’ai perdu ma mère quand j’avais 11 ans, et dès que j’ai eu 15 ans, mon père et sa famille ont décidé de me marier à un homme de leur choix, sans mon consentement. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que je devais faire quelque chose pour moi-même. La discrimination, telle que je l’ai vécue, m’a poussée à devenir l’activiste que je suis aujourd’hui. [...] Les femmes n’ont tout simplement pas la même importance que les hommes et ne sont pas traitées comme eux. Les hommes pensent que la violence est normale, et les femmes n’ont d’autre choix que de subir leurs abus. »
Elle expliquait alors le rôle de Boko Haram dans la hausse de ces violences :
« Le mariage des enfants et le viol des jeunes filles restent des pratiques courantes dans notre société, et l’insurrection de Boko Haram n’a fait qu’aggraver la situation. Elle est la cause de déplacements massifs de populations dans la région, ainsi que de l’augmentation de la pauvreté et du taux d’abandon scolaire chez les jeunes filles. On assiste aussi à une recrudescence des viols et enlèvements de jeunes filles perpétrés par ce groupe terroriste. C’est ce qui a poussé de nombreux parents à marier leurs filles à un plus jeune âge. »
Alors quand elle tient le prix dans ses mains, elle pense à ces jeunes femmes. Elle pense à la petite Adou, dont le mariage avait été organisé pour la veille de son entrée en 6ème, mais qui a pu être protégée par l’association. Elle pense également à cette jeune mère de 20 ans, victime des « insurgés de Boko Haram », qui a vu son fils et son mari se faire égorger sous ses yeux, et qui a été contrainte de boire leur sang.
Face à ces tragédies, et parce que « la question des violences faites aux femmes continue », la lauréate veut exprimer un rêve :
« Je termine mon propos en formulant un rêve. Celui d’un monde sans violence où toutes les filles et les femmes, tous les hommes et les garçons pourront vivre ensemble en toute égalité dans le respect mutuel, où ils pourront exprimer leur libre-arbitre sans être réprimé, juste parce qu’ils sont des êtres humains, sans être jugés, sans être considérés comme étant une fille ou un garçon. »
M.C.
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