« La Bible est-elle sexiste ? », c’est le titre du dernier livre de Valérie Duval-Poujol publié aux éditions Empreinte, et également la question à laquelle elle s’attaque dans cet ouvrage. L’auteure estime que malgré la culture patriarcale dans laquelle elle s’enracine, la Bible véhicule un message libérateur pour les femmes.
Interrogée par InfoChrétienne, la théologienne Valérie Duval-Poujol revient sur la genèse de son livre et nous invite à chercher des réponses à cette question essentielle avec une approche théologique.
InfoChrétienne : Qu’est ce qui a motivé l’écriture de ce livre ?
L’écoute des témoignages de mes soeurs dans des églises de toutes sortes, leurs questions sur les textes bibliques, leur découragement face à ces textes, leur colère face à Dieu quand elles se demandent est-ce que vraiment la Bible est sexiste ? Est-ce que Dieu est sexiste ? Est-ce que j’ai ma place dans l’église ? Ou encore, est-ce que j’ai des dons ?
C’est donc l’accumulation de témoignages, les questions posées chaque semaine pendant des années lors de formations, de conférences. Voilà ce qui m’a motivé et puis il y a eu un confinement qui m’a permis d’avoir un peu plus de temps pour mettre cela à l’écrit.
C’est aussi un sujet qui me touche personnellement. Lorsque j’ai fait mes études de théologie on m’a déjà dit « une fois que tu auras trouvé ton mari tu pourra arrêter ». J’ai été très encouragée par ma famille mais il y a beaucoup de milieux dans lesquels je savais que ce serait difficile. Donc quand mes collègues étudiants hommes à la faculté avaient le loisir de se poser tout un tas d’autres questions, pour moi la première question à me poser c’était : est-ce que c’est légitime pour une femme d’enseigner ou de prêcher ? J’ai donc passé du temps à apprendre les langues bibliques pour aller chercher des réponses dans les textes. C’était une question primordiale.
IC : Sur la quatrième de couverture, on peut lire : « Egales aux hommes en droits, en valeur et en dignité, rien ni personne ne devrait les empêcher [les femmes] de mettre leurs dons au service de la communauté humaine et ecclésiale, comme elles le souhaitent. » Est-ce que ce livre est finalement aussi un plaidoyer au nom des femmes pour qu’elles puissent prendre « leur place » dans nos églises ?
L’idée c’est que Dieu fait des dons à l’humanité pour que les choses fonctionnent bien. Il n’y a pas des dons roses et des dons bleus, il y a des dons faits aux hommes et aux femmes. Malheureusement les femmes ne se sentent souvent pas légitimes pour exercer les dons qu’elles ont reçus et qui pourtant viennent de Dieu. Elles se mettent des d’empêchements ou on leur met des empêchements qui font que, pour reprendre l’image de Paul sur l’église étant un corps, l’église se retrouve comme un corps hémiplégique. Elle est paralysée à moitié parce qu’on ne se sert pas de la moitié de ces membres, on n’utilise pas les femmes. Evidemment, cela limite son impact et son témoignage d’espérance dans ce monde.
IC : Le titre de votre livre se présente sous forme de question, alors dites nous, la Bible est-elle sexiste ?
La réponse rapide c’est de dire que la culture dans laquelle les textes s’enracinent est patriarcale, sexiste, misogyne et la femme y est assez invisible. Mais le message, la perspective qui est proposée, alors là c’est libérateur. C’est une bonne nouvelle, c’est la traduction du mot « évangile », c’est une bonne nouvelle pour les femmes aujourd’hui aussi !
Parce qu’il y a une perspective, une trajectoire. Je montre ce qu’il se passe dans Genèse 1 et 2, ce qui était prévu au commencement, ce qui était dans le coeur de Dieu pour les relations entre les hommes et les femmes. Puis, j’explique comment cela dégénère ensuite en Genèse 3 et le fait que tout ce qui suit, ce sont des conséquences de ce qui s’est passé dans ce chapitre, ce que l’on appelle la chute. En venant sur terre, Jésus est venu restaurer ce qui était prévu dans le coeur du créateur. Et normalement, l’église devrait être dans la suite de ce que le Christ a voulu instaurer.
IC : Est-ce qu’il y a un point en particulier que vous aimeriez dévoiler à nos lecteurs pour leur donner envie de découvrir votre livre ?
Je souhaite les encourager à se rappeler que le texte biblique qu’ils lisent, et que souvent ils apprécient, est en français alors que le texte original a été écrit en grec, en hébreux ou en araméen et que souvent ils sont soumis aux choix des traducteurs. C’est important de réaliser que ce qu’on lit aujourd’hui, est tributaire des choix d’autres personnes. Des traducteurs qui ont été les enfants de leur époque ce qui a bien souvent orienté leurs traductions.
J’aimerais donc les encourager à lire ce livre pour qu’ils puissent découvrir ce qui a été vraiment écrit en grec ou en hébreux et pas seulement ce qui est écrit dans leur traduction française. Un bon exemple, c’est Paul dans Romains 16 au verset 7 qui salue une femme apôtre, Junia. Cependant, les traducteurs gênés par une femme apôtre ont masculinisé le prénom et l’ont transformé en Junias. Ce qui fait qu’aujourd’hui dans un grand nombre de bibles en français il n’y a pas de femme apôtre du nom de Junia.
Jusqu’au XIIIe siècle, Junia apparait au féminin dans toutes les traductions, les manuscrits de la Bible, toutes les prédications. Après cette période, son nom a été masculinisé. Pourtant c’est un élément important, car si il y a une femme apôtre que Paul salue comme une collaboratrice, c’est que ce sont les autres textes que nous avons mal compris !
IC : Et peut-être aussi un point pour nos lectrices en particulier ?
Pour les lectrices, pour les femmes, j’aimerais leur dire que dans la bible il y a des tas de portraits de femmes très inspirants pour aujourd’hui. Je veux les inviter à la lecture de mon livre, à découvrir les femmes qu’elles ne connaissent pas, leur présenter par exemple la prophétesse Houldah dont on ne parle pratiquement jamais, ou encore Phœbé qui est aussi une collaboratrice de Paul.
Je les invite également à revisiter des portraits de femmes qu’elles pensent connaître pour voir en quoi elles sont encourageantes. Qu’il s’agisse de Déborah ou de Marie de Magdala qui était surnommée « apôtre des apôtres » puisqu’elle a été le premier témoin de la résurrection.
Alors, essayez de repartir à la découverte de ces femmes, celles moins connues comme Jeanne, Suzanne, Chloé, Appia, Nympha, celles dont on ne parle jamais et celles plus connues pour pouvoir redécouvrir une bonne nouvelle !
Des propos rapportés par Camille Westphal Perrier