Au Kenya, les électeurs ont été appelés aux urnes pour choisir leur nouveau président, mais aussi leurs représentants au Parlement et dans les comtés. Des élections très importantes pour le pays, qui inquiètent les observateurs en raison des tensions qui avaient éclaté au scrutin il y a une dizaine d’années.
Le 8 août, guerriers masaïs, citadins de la capitale, villageois, cultivateurs, descendants de colons se sont mêlés dans des files d’attente, pendant parfois 7 à 8 heures. Le calme de cette journée est déjà une réussite. 180 000 policiers ont été déployés dans différentes régions kényanes pour assurer le bon déroulement. En dehors des conflits politiques et inter-tribaux, le risque d’un attentat perpétré par le groupe islamiste Al- Shabaab existait.
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8 candidats se sont affrontés pour le titre de président, mais c’est en réalité un duel qui se joue entre : Uhuru Kenyatta (55 ans) le président sortant et leader des Kikuyu, et Raila Odinga (72 ans), le leader de l’opposition qui compte sur le soutien de plusieurs tribus (luhya, kamba, Mijikenda et Masaï).
Des premiers résultats contestés Les premiers résultats donnent la victoire au président sortant Kenyatta. La coalition du candidat à l’opposition, Raila Odinga, conteste déjà les résultats. Dans l’attente du résultat définitif, l’ancien secrétaire d’Etat américain John Kerry a appelé au calme, et a rappelé l’importance d’utiliser les recours légaux en cas de contestation.
« C’est un moment d’une grande importance pour le Kenya. La longueur des files d’attente devant les bureaux montre l’énorme intérêt des Kenyans et leur engagement à voter. Vu ce qui s’est passé dans le passé et ce qui est en jeu pour l’avenir, c’est une élection cruciale. Le système a été mis à l’épreuve aujourd’hui. Beaucoup d’efforts ont été faits pour qu’il n’y ait pas de défaillance. Maintenant il est essentiel que ceux qui ont des questions, qu’ils suivent la procédure officielle. Il y a une méthode pour déposer une plainte, et c’est très important que la loi soit respectée. La déclaration des résultats va prendre un peu de temps, les gens vont devoir être patients, mais bien évidemment la transition entre le vote et le décompte est cruciale. »
Crainte de violences après les résultats Les violences post-électorales de 2007-2008 ont en effet laissé des séquelles et « ...après le vote (de ce mois-ci), on ne sait pas ce qui pourrait arriver » a confié une habitante de Kawangware. Il y a 10 ans plus de 1 000 personnes avaient trouvé la mort et 650 000 avaient été déplacées lors des affrontements intertribaux ayant fait suite aux élections. Kawangware fut le plus touché lorsque les kikuyus ont attaqué les luhyas.
Comme si cela ne suffisait pas, le groupe extrémiste Al-Shabaab entre en jeu. Créé en 2006, ce groupe terroriste islamiste somalien a pour objectif d’instaurer la charia dans la région. Le fait qu’ils aient promis de se venger après que le Kenya ait envoyé des troupes en Somalie en 2011 pour les combattre pousse à croire que le groupe extrémiste pourrait perturber les élections présidentielles. Selon le diocèse catholique au Mombasa, Wilybard Lagho :
« Al-Shabaab s’oppose aux élections, qui sont basées sur les valeurs démocratiques. Pour eux, les élections vont légitimer les valeurs séculières qui s’opposent à leur idéologie de la charia ou à leur régime théocratique. »
Selon des sources de sécurité, les militants du groupe extrémiste auraient installé leurs bases dans une forêt sur la frontière du Kenya dans le but d’attaquer des villages. Selon le père Lagho,
« Les attaquants sont soupçonnés d’être des jeunes kenyan entraînés par le groupe en Somalie...ayant subi un lavage de cerveau, radicalisés et recrutés...pour avoir une vie meilleure [...] certaines personnes ont été payées par les militants pour assurer l’approvisionnement continu de jeunes guerriers. »
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Al-Shabaab de plus en plus actif Dans le passé, l’affilié d’Al-Qaïda a causé énormément de préjudices au chrétiens kenyan. La liste est longue. 68 morts en 2013 lors d’un attentat visant le centre commercial Westgate,148 personnes tuées à l’université de Garissa en 2015. Au mois de juillet, 13 personnes ont été mises à mort par décapitation. Il y a seulement quelques jours, 4 personnes ont été assassinées et 4 autres blessées lors d’une attaque perpétrée dans le comté de la rivière Tana.
Le bishop anglican Julius Kalu du Mombasa explique « qu’initialement (les chrétiens) ne participaient pas dans la politique locale ». Les indigènes se sont mis en colère lorsqu’ils ont « commencé à s’enregistrer en tant que votants ». La présence d’Al-Shabaab a dégradé la situation. Selon les chrétiens kenyan, les candidats aux élections leur ont promis protection et une meilleure intégration, mais ils ont également reçu des menaces, exigeant de ne pas gâcher les élections en votant pour le mauvais candidat.
Kwame Owino, le directeur de l’institut des affaires économiques au Kenya, se dit « fatigué à l’idée » de savoir si oui ou non les élections se dérouleront dans la paix. Il pense que les kenyan devraient se montrer plus « ambitieux » en se disant qu’ils auront « une élection pacifique, une présidence légitime et une transition efficace ». Mais l’assassinat de Christopher Chege Msando, l’un des hauts responsables de la commission électorale (IEBC), le 29 juillet a ravivé les tensions. Il s’avère que Christopher était en possession de données confidentielles : Mots de passe des ordinateurs IEBC, les emplacements des serveurs qui dirigeront les élections...
Des risques numériques En effet, des tablettes tactiles et biométriques mises à la disposition des 41 000 bureaux de vote, permettront d’identifier les votants et de sauvegarder leurs votes dans un système sécurisé et ce processus sera surveillé de près par des centaines d’observateurs de l’Union européenne, les États-Unis ou l’Union africaine. Un système semblerait-il très sécurisé et fiable, à condition qu’il ne s’effondre pas comme en 2013…
M.A.G.