Jeûne mortel au Kenya : 90 corps exhumés, un bilan en hausse et des recherches en pause

Jeûner jusqu'à la mort  la police exhume 39 corps lors d'une enquête sur une secte au Kenya

"L'horreur que nous avons vue ces quatre derniers jours est traumatisante. Rien ne vous prépare à des fosses peu profondes contenant des enfants posés tête-bêche et enveloppés dans un simple leso (tissu de coton, ndlr)."

Les corps de 90 personnes, tous membres de l'Eglise Internationale de Bonne Nouvelle, ont été retrouvés dans la ferme de Paul Mackenzie Nthenge, qui incitait ses fidèles à se priver de nourriture jusqu'à la mort pour rencontrer Dieu.

La semaine dernière, une opération de sauvetage de la police avait permis de secourir 15 membres de cette communauté. Quatre personnes étaient décédées, mais la découverte de fosses communes avait laissé supposer l'existence d'un drame encore plus terrible. Depuis plusieurs jours, les 325 hectares de cette ferme sont fouillés. Et il pourrait y avoir des dizaines de fosses communes.

Mardi, le ministre de l'Intérieur Kithure Kindiki est venu sur les lieux. "Nous ne savons pas combien de fosses communes, combien de corps nous allons découvrir", a-t-il affirmé.

"La majorité des corps exhumés sont des enfants", a déclaré un médecin légiste sur place, sous couvert d'anonymat. "Nous avons exhumé en majorité des enfants, puis viennent les femmes", a confirmé un officier du Directoire des enquêtes criminelles (DCI).

Mais ce bilan n'est que provisoire, puisque les fouilles ont cessé mardi. L'ampleur de ce que l'on appelle désormais le "massacre de la forêt de Shakahola", oblige à faire une pause dans les opérations de recherche de fosses communes.

"Nous ne creuserons pas dans les deux prochains jours pour avoir le temps de mener les autopsies car les morgues sont pleines", a déclaré à l'AFP l'officier de la DCI. Selon Hussein Khalid est le directeur exécutif de l'ONG Haki qui avait alerté sur les agissements de cette secte. Il témoigne de "l'horreur".

"L'horreur que nous avons vue ces quatre derniers jours est traumatisante. Rien ne vous prépare à des fosses peu profondes contenant des enfants posés tête-bêche et enveloppés dans un simple leso (tissu de coton, ndlr)", a-t-il ajouté.

Trente-quatre personnes ont par ailleurs été retrouvées vivantes, a indiqué M. Kindiki, soulignant "le choc et la douleur" du pays face à cet "acte de barbarie". Le ministre a évoqué la possibilité de poursuites pour "terrorisme" contre Paul Mackenzie Nthenge, le "pasteur" autoproclamé de ce groupe.

"Ceux qui appelaient à jeûner et mourir mangeaient et buvaient, et prétendaient qu'ils les préparaient à rencontrer leur Créateur", a-t-il fustigé. Selon Citizen TV, Kithure Kindiki envisage le fait que le pasteur soit présenté devant la Cour pénale internationale pour répondre de ses atrocités.

Lundi, le président William Ruto avait qualifié Paul Mackenzie Nthenge de "terroriste" et promis des mesures sévères contre ceux "qui veulent utiliser la religion pour faire avancer une idéologie louche et inacceptable".

En 2017, Paul Mackenzie Nthenge avait déjà été arrêté en 2017. Accusé de "radicalisation", il prônait de ne pas mettre les enfants à l'école, affirmant que l'éducation n'est pas reconnue dans la Bible. En mars dernier, il avait à nouveau été arrêté, avant d'être libéré sous caution, après que deux enfants étaient morts de faim sous la garde de leurs parents, qui les avaient ensuite enterrés.

Il est désormais en détention après s'être rendu à la police le 14 avril, quand les opérations policières ont débuté dans la forêt. Il doit comparaître devant un tribunal le 2 mai.

Le directeur des poursuites pénales (DPP) Noordin Hajia ordonne la saisie des biens de Paul Mackenzie Nthenge. Il s'est engagé à poursuivre le prédicateur controversé et ses co-accusés.

"Les enquêtes préliminaires indiquent que les suspects pourraient avoir commis des crimes graves, y compris, mais sans s'y limiter, un meurtre ; recruter, conseiller et aider des personnes à se suicider ; des actes terroristes en menaçant la sécurité nationale et la sécurité publique et la radicalisation." Kithure Kindiki a affirmé que ce massacre constitue "un tournant dans la façon dont le Kenya gère les graves menaces à la sécurité posées par les extrémistes religieux".

"Nous allons renforcer les lois régissant les organisations religieuses. Tout prédicateur qui prêche un message contraire à la Constitution du Kenya ou qui se livre à des activités criminelles doit être arrêté. Il doit y avoir des comptes à rendre", a-t-il affirmé dans des propos repris par Citizen TV.

Selon Metro, d'autres survivants pourraient actuellement se cacher à proximité. Ils risquent la mort s'ils ne sont pas retrouvés rapidement.

La Croix Rouge kényane affirme que 212 personnes sont portées disparues. Parmi elles, deux ont été secourues lundi et remises à leurs familles.

M.C. (avec AFP)


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