
Avec 640 incidents recensés, les persécutions contre les chrétiens atteignent un niveau critique en Inde, selon le rapport de l’Evangelical Fellowship of India. Un phénomène alarmant qui s’intensifie dans plusieurs États, sur fond d’instrumentalisation des lois anti-conversion.
Selon le dernier rapport de la Religious Liberty Commission de l’Evangelical Fellowship of India (EFI), les violences contre les chrétiens ont atteint un record en 2024, avec 640 incidents recensés, contre 601 en 2023.
Ce chiffre marque une multiplication par quatre en dix ans. Uttar Pradesh est l’État le plus touché, suivi de Chhattisgarh et du Rajasthan. "Ce sont en moyenne quatre à cinq églises ou pasteurs attaqués chaque jour", alerte Vijayesh Lal, secrétaire général de l’EFI, dans une déclaration à Morning Star News. En plus des attaques physiques, le rapport dénonce des arrestations arbitraires, des actes de vandalisme, des menaces et des violences sexuelles.
Les lois anti-conversion, un outil de persécution
Le rapport pointe du doigt l’usage abusif des lois anti-conversion dans onze États indiens. Initialement censées protéger la liberté religieuse, elles sont détournées pour cibler les minorités chrétiennes. En Uttar Pradesh, la législation a été durcie en 2024, rendant certaines infractions passibles de peines de prison à perpétuité. Désormais, toute personne peut porter plainte pour une conversion supposée, ce qui facilite les dénonciations abusives. "Plus de 60 chrétiens sont actuellement détenus en raison de ces lois", précise un responsable local. Des pasteurs sont régulièrement arrêtés après des cultes ou des réunions privées, souvent sans preuves, instaurant un climat de peur dans les communautés.
Au-delà des chiffres, le rapport documente des cas de violence extrême. En mai 2024, dans l’État du Chhattisgarh, un jeune chrétien de 22 ans a été assassiné sous les yeux de sa femme pour avoir refusé d’abandonner sa foi. D’autres familles chrétiennes ont été forcées de fuir leurs villages, privées de ressources élémentaires, voire interdites de sépulture pour leurs proches décédés. En Punjab, onze agressions ont été recensées pendant la période de Noël, symbole d’une hostilité qui ne faiblit pas, même lors des célébrations religieuses.
Des appels à la violence relayés sur les réseaux sociaux
La rhétorique violente à l’encontre des chrétiens prend également de l’ampleur lors de rassemblements religieux et sur les réseaux sociaux. Le 26 janvier dernier, lors du "Hindu Religious Parliament" organisé par le Vishwa Hindu Parishad (VHP), Aadesh Soni, militant hindouiste de Raipur, a publiquement incité à des actions violentes contre les chrétiens, les accusant de consommer de la viande de vache. Devant une foule acquise à sa cause, il a exhorté 5 000 hindous à marcher sur les villages chrétiens de Bishrampur, Ganeshpur et Jhanakpur pour, selon ses mots, "les mutiler et les massacrer". Ces discours haineux ont ensuite circulé sur les réseaux sociaux, notamment via une vidéo appelant à un massacre le 1er mars. Selon l’ONG Portes Ouvertes, la vidéo a depuis été supprimée et la police locale a pris la menace au sérieux. Un chrétien de la région a confirmé qu’aucune attaque n’avait finalement eu lieu ce jour-là, mais la peur demeure dans les communautés visées.
Un appel pressant aux autorités indiennes
Face à cette situation, des leaders chrétiens ont adressé une lettre ouverte au Premier ministre Narendra Modi, dénonçant le silence des autorités face aux violences. "La montée des discours de haine, y compris de la part d’élus, encourage la violence", souligne le texte. L’EFI exhorte le gouvernement à faire respecter la liberté de culte inscrite dans la Constitution et à protéger les minorités religieuses contre les attaques et la stigmatisation. "Ces droits sont le fondement de notre société pluraliste", rappelle Vijayesh Lal, qui appelle à des mesures urgentes pour garantir la justice et la sécurité des chrétiens en Inde.
Camille Westphal Perrier