
Cet article s’inscrit dans un dossier plus large consacré aux abus sexuels dans les milieux évangéliques. Plusieurs affaires récentes ont mis en lumière des dérives systémiques, poussant les institutions protestantes et évangéliques à réagir. Parmi elles, la condamnation de Guillaume Bourin constitue un moment marquant pour la communauté évangélique française.
Le 17 décembre dernier, le Tribunal correctionnel de Créteil a reconnu l’ex-pasteur et blogueur Guillaume Bourin coupable d'atteinte sexuelle sur mineure de plus de quinze ans par personne ayant autorité. Il a été condamné à huit mois de prison avec sursis, assortis d’une interdiction d’exercer toute activité en lien avec des mineurs pendant cinq ans. Cependant, le tribunal a décidé de ne pas l’inscrire au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS).
Les faits jugés remontent à 2013, lorsque Guillaume Bourin, alors âgé de 34 ans, a eu des gestes inappropriés envers une jeune fille de 17 ans. Selon la victime, ces actes se sont déroulés sur plusieurs mois dans un cadre écclésial. Le tribunal a requalifié les faits en atteinte sexuelle, estimant que la relation était consentie mais marquée par une différence d’âge et une autorité de fait exercée par l'accusé.
Déjà, en mars 2023, le réseau FEF (Fédération des églises évangéliques de France) avait annoncé qu'il ne reconnaissait plus le ministère du pasteur. Quelques mois plus tard, après avoir mené une enquête, l'Action Biblique France le déclarait inapte à exercer le pastorat.
"Le dramatique constat auquel nous sommes parvenus, nous amène à considérer que Guillaume n’était pas apte au ministère, car il n’était pas dans la situation morale requise (selon 1Tm 3 et Tt 1). Nous concluons qu’il est désormais disqualifié pour tout ministère (ecclésial ou numérique), ce que Guillaume lui-même a reconnu devant nous."
Cette mise à l'écart ecclésiale précédait donc sa condamnation judiciaire. Aussi, l’ex-collègue de Guillaume Bourin, Pascal Denault, a exprimé publiquement ses regrets d'avoir initialement pris sa défense sans avoir suffisamment écouté les victimes. "Je veux demander pardon à ces femmes d’avoir cru Guillaume avant de vous avoir écoutées", a ainsi déclaré ce dernier dans une vidéo publiée en mars 2024.
“Je veux demander pardon à ces femmes d’avoir cru Guillaume avant de vous avoir écoutées. Je veux vous demander pardon qu’il m’ait fallu autant de temps avant d’entendre votre version des faits. Je regrette qu’il ait fallu une crise de cette ampleur pour que je remette en question mon jugement face à celui qui était mon ami et proche collaborateur pendant dix ans.”
La réaction de Guillaume Bourin
Suite à l’annonce de sa condamnation, Guillaume Bourin a pris la parole dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux en janvier. Il y conteste certains points relayés dans les médias et insiste sur la requalification des faits en atteinte sexuelle, soulignant "l’absence de violence" et le "caractère consentant" de la relation. Il affirme également ne pas avoir exercé un rôle de pasteur ou de responsable auprès du groupe de jeunes fréquenté par la victime au moment des faits.
Dans cette même vidéo, Guillaume Bourin déclare que l'Action Biblique France a été condamnée pour diffamation et menace à son encontre. Des accusations fermement réfutées par le président de l’Action Biblique France, Frédéric Bian, que nous avons contacté. Lors de notre échange, il a insisté sur le fait que ces propos étaient mensongers.
Guillaume Bourin maintient également qu'il n’y a jamais eu de relation sexuelle avec la victime, reconnaissant néanmoins un rapprochement inapproprié. Il accuse aussi Pascal Denault d’avoir menti publiquement à son sujet. Il exprime par ailleurs son amertume quant à la manière dont son attitude est perçue, en particulier concernant sa repentance : "La partie civile parle beaucoup de ma repentance, ou plutôt de mon absence de repentance. J'estime personnellement qu'en voulant me forcer à reconnaître des actes que je n'ai pas commis, on me vole ma repentance". L’ancien pasteur déclare toutefois dans cette vidéo, qu’il ne fera pas appel de la décision du tribunal.
Camille Westphal Perrier
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