Guerre en Ukraine : Le général (2s) Jean-Fred Berger nous offre sa perspective de militaire et de croyant

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Général de division (en 2e section), Jean-Fred Berger a été directeur des opérations à l’état-major interallié de l’Otan à Naples, de 2013 à 2016. Il est également chrétien. Interrogé par InfoChrétienne, il nous offre sa perpective en tant que général sur la guerre en Ukraine, mais également en tant que croyant, il partage avec nous son espérance.

InfoChrétienne : Aujourd’hui on assiste au retour de la guerre en Europe, avec le conflit qui se déroule en Ukraine. En tant que général ayant servi au sein de l’Otan, quel est votre ressenti face à cette guerre ?

Jean-Fred Berger : J’éprouve un profond sentiment de tristesse pour le drame qui se déroule à 2.000 kilomètres de nos frontières; en même temps, je mesure que la France est directement concernée. Certes nous ne sommes pas en guerre, mais il s’agit d’une invasion menée par la première puissance nucléaire au monde, surarmée sur le plan conventionnel et conduite par un dirigeant déterminé et imprévisible qui s’inscrit dans la lignée d’Ivan le Terrible ou de Staline.

IC : Avant même le début du conflit, le Premier ministre britannique Boris Johnson avait déclaré que « toutes les preuves suggèrent que la Russie prépare la plus grande guerre en Europe depuis 1945 ». Est-ce que vous pensez que c’est le cas ? Se dirige-t-on vers un conflit plus global ?

JF Berger : Non, à ce stade, on ne peut pas le dire. Ce que Vladimir Poutine souhaite, c’est d’avoir les mains libres pour régler la question ukrainienne à sa manière, par la force avec ce qu’il a appelé cette « opération spéciale ». Il ne s’agit pas pour lui d’un conflit bloc contre bloc face à l’Otan, aux Etats-Unis, etc.

IC : Vladimir Poutine brandit la menace nucléaire, pensez-vous qu’il s’agit d’une menace sérieuse ? Devons-nous nous inquiéter ? Et que peut-on attendre si cette menace devait se concrétiser ?

JF Berger : Il est évident que quand quelqu’un comme Poutine parle nucléaire, il faut bien réfléchir à ce que l’on dit puisque la crise est entrée à cause de lui dans une dialectique propre à la dissuasion: elle en utilise la grammaire, les mots codés, les échelles de mise en alerte et les réactions attendues d’un adversaire connu. Il ne s’agit pas de provoquer ni de menacer à tout-va un tel interlocuteur car le déclenchement d’un conflit nucléaire généralisé signifierait la destruction totale du continent européen, voire de la vie humaine sur terre…

Donc il faut concentrer toute son attention et parler doucement, avec précision et fermeté: ce que vise la réassurance des pays limitrophes de l’OTAN par le déploiement de forces de réaction rapide à ses frontières et sur les mers.

IC : Quelles solutions vous semblent possibles pour sortir de cette guerre ?

JF Berger : La seule issue possible, et raisonnable, est celle de la diplomatie. Pour y parvenir, l’effet des sanctions économiques, politiques et même sportives sensibilisera le peuple russe, sous-informé sur une intervention présentée comme limitée - stopper un génocide contre les populations russes opprimées du Donbass et libérer l’Ukraine d’une clique de « responsables drogués ou nazis », ce qui n’est évidemment pas la réalité.

Cela signifie que la population russe doit être informée correctement de ce qu’il se passe: une guerre de haute intensité avec déjà des milliers de morts civils et militaires (dont beaucoup de jeunes conscrits), beaucoup de souffrances et des destructions importantes de l’infrastructure vitale pour un pays et un peuple frère.

Il est indispensable d’accueillir dignement tous les réfugiés ukrainiens qui fuient vers l’Ouest. Il nous faut aussi aider ce pays à résister et durer face à une invasion injustifiée. Les livraisons d’équipements sont indispensables pour rééquilibrer le rapport des forces militaires, mais en veillant à ne pas apparaître comme co-belligérants, car telle n’est pas l’intention de la France, de l’Europe et de l’OTAN.

L’armée russe engagée sur le sol ukrainien est confrontée à ce qui commence à devenir pour elle un « bourbier » : les grandes villes transformées en camps retranchés résistent, tout comme le gouvernement à Kiev, tandis que l’intérieur des terres est soumis à la « Raspoutitsa » (terme russe qui signifie « le temps des mauvaises routes », radoucissement des températures et fonte des neiges provoquant des semaines de gadoue qui gênent les mouvements russes NDLR).

Du fait de ses pertes et de son incapacité progressive à conquérir et occuper toute l’Ukraine, Poutine peut être ramené à la raison et à la table des négociations.

IC : Après une vie dans l’armée où vous avez été confronté à différentes crises, quels conseils pouvez-vous donner à nos lecteurs pour garder de l’espérance en tant que chrétien dans le contexte de la crise actuelle ?

JF Berger  : Ce que je recommande, c’est de se tenir informé de ce qu’il se passe réellement, afin de bien comprendre ce conflit dans sa globalité, dans toute ses dimensions.

La Bible nous montre que la guerre fait partie de la condition humaine; elle est mentionnée partout, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament: elle fait partie de notre lot et il faut l’accepter, au même titre que le Covid ou les catastrophes naturelles.

J’ai vécu bien des OPEX: la première guerre du Golfe, Sarajevo, le Kosovo et l’Afghanistan. Ce qui fait tenir debout dans un tel contexte, c’est sa relation avec Dieu, la lecture de Sa parole, la prière, et enfin la communion avec les frères et sœurs dans la foi.

Ce que l’Ecriture nous enseigne, c’est que la fidélité de Dieu ne nous lâche jamais et qu’il y a une espérance immense en Jésus-Christ (Romains 8): Dieu intervient individuellement au secours des personnes qui le lui demandent; il intervient aussi sur le cours de l’humanité, siècle après siècle.

Ce Dieu d’amour et de pardon nous connaît et nous comprend: on peut donc intercéder pour les belligérants, les victimes, les responsables politiques et militaires, et en même temps pour la destinée humaine, selon Sa volonté.

IC : Justement, comment peut-on prier pour ce conflit ?

JF Berger  : En tant que chrétien, je considère que nous avons tous un rôle à jouer dans ce conflit; nous sommes nous aussi acteurs dans cette tragédie humaine: pour intervenir et demander à Dieu d’étendre sa main puissante sur ce monde déchiré, en proie à la guerre.

Il faut prier pour que les souffrances des populations civiles soient limitées au maximum, pour que les vies innocentes soient épargnées.

Je pense enfin qu’il faut prier pour le président Poutine, afin qu’il soit éclairé, ému par ce qui est en train de se passer et pour que toute logique jusqu’auboutiste soit stoppée par le Saint Esprit.

Propos recueillis par Camille Westphal Perrier

Crédit image : Shutterstock / Giovanni Cancemi / KIEV, UKRAINE

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