France : au procès de militants du suicide assisté, le secret d'un prêtre

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La dernière volonté de son père a été plus forte que le dogme religieux : au procès de militants de l'aide à mourir, le tribunal de Paris a entendu jeudi l'inattendu et "schizophrénique" cas de conscience d'un prêtre ayant eu recours au suicide assisté pour son père mourant.

Âgés de 74 à 89 ans, douze adhérents de l'association Ultime Liberté sont jugés pour avoir, entre août 2018 et novembre 2020, aidé des dizaines de personnes à acheter sur internet du pentobarbital, un barbiturique entraînant une mort rapide et sans douleur. 

Ces retraités français ne sont poursuivis que pour des délits liés au trafic de substances illicites, non pour incitation au suicide.

Au troisième jour d'audience s'avance soudain à la barre un imposant ecclésiastique en soutane noire et col romain, une lourde croix sur la poitrine.

"Mon témoignage n'est pas un témoignage de complaisance parce que je vais être soumis dans les jours qui viennent à des sanctions disciplinaires de mes supérieurs", prévient d'emblée Gilles-Marie, qui n'a pas souhaité que son patronyme soit publié pour des raisons de sécurité.

"Double peine"

En 2011, ce prêtre d'aujourd'hui 65 ans contacte le Dr Bernard Senet, l'un des principaux prévenus du procès, un médecin militant pour la fin de vie et dont il est de notoriété publique qu'il pratique illégalement des euthanasies pour des personnes gravement malades.

"Mon père était concerné par un cancer en phase terminale et il m'avait fait jurer d'abréger ses souffrances lorsque le moment serait venu. Ça a été une double peine pour moi puisque j'ai respecté ma parole. En tant que fils, cela a été très compliqué à vivre. En tant que chrétien et prêtre, c'était presque schizophrénique: 'Tu ne tueras pas'", raconte-t-il pudiquement en citant la Bible.

Au fil des intervenants cités à la barre par les avocats des prévenus, la défense transforme ce procès pénal en plaidoyer pour le suicide assisté et en dénonciation des limites de la législation française actuelle, notamment sur la question des soins palliatifs et de la sédation profonde.

"Saint Augustin disait 'je respecte la loi, juridiquement, moralement, mais nous avons le devoir moral de la combattre lorsqu'elle n'est pas juste'. Cette loi sur l'euthanasie est injuste parce qu'elle prive les gens de leur dignité" déclare le père Gilles-Marie, estimant que "l'euthanasie peut être un acte d'amour et de charité".

Ce brûlant sujet de bioéthique fait actuellement l'objet d'une proposition de loi d'un député du centre, votée en première lecture à l'Assemblée nationale en mai et qui créerait un "droit à l'aide à mourir" en France.

Ce texte légaliserait le suicide assisté, et de manière exceptionnelle l'euthanasie, sans pour autant que ces mots jugés connotés négativement ne figurent dans la proposition de loi. Le Sénat doit commencer son examen à partir du 7 octobre.

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : Shutterstock / Skrypnykov Dmytro

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