Fracas et flou : Trump teste d'emblée les limites du pouvoir présidentiel

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"Vous avez peut-être raison. Vous verrez bien". Donald Trump vient de signer un texte remettant en cause le droit du sol et il balaie la question d'un journaliste sur une possible contestation de la décision devant les tribunaux américains.

En lançant lundi cette remarque presque désinvolte dans le Bureau ovale, au côté d'un conseiller qui lui tend un décret fracassant après l'autre pour signature, le président américain fraîchement investi reconnaît lui-même que l'effet d'annonce de ses premières décisions est tout aussi important, voire plus, que leur mise en œuvre.

Historiquement, les décrets "étaient un aspect ennuyeux de la vie politique américaine", selon Nicholas Jacobs, professeur de politiques publiques à Colby College (Maine, nord-est), mais Donald Trump a su en faire "exactement le genre de spectacle" qui ravit sa base.

Après avoir prêté serment, lundi, il est allé signer une série de textes devant des partisans survoltés réunis dans une salle immense à Washington, dont un décret faisant sortir les Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat.

Batailles devant les tribunaux

Plus tard, il a signé une autre volée de textes à la Maison Blanche, devant les caméras.

Le Washington Post a compté que Donald Trump avait pris le jour de son investiture un total de 26 décrets, un record.

Certaines de ces décisions, et pas des moindres, prennent effet immédiatement. C'est le cas pour les grâces accordées à 1.500 personnes condamnées pour avoir attaqué le Capitole le 6 janvier 2021.

Mais d'autres promettent de longues et difficiles batailles devant les tribunaux, auxquelles le nouveau gouvernement "devra consacrer beaucoup de ressources", avertit le politologue Gerard Filitti, du centre de réflexion The Lawfare Project.

Le milliardaire de 78 ans peut par exemple difficilement rayer d'un trait de plume le droit du sol, garanti par la Constitution.

Une association historique de lutte pour les droits civiques, l'ACLU, a immédiatement déposé plainte contre le décret en question.

Décrets et steaks

D'autres organisations, dont le principal syndicat de fonctionnaires américains, ont, elles, attaqué en justice la légalité de la commission de l'"Eficacité gouvernementale" que doit diriger le milliardaire Elon Musk, allié aujourd'hui incontournable de Donald Trump.

D'autres projets du 47e président se heurtent aux réalités diplomatiques et économiques, et le principal intéressé le sait parfaitement.

Donald Trump a suspendu l'interdiction du réseau TikTok mais reste peu précis sur la suite. Lundi, il a évoqué une possible société commune détenue à égalité par son propriétaire d'origine chinois et par un ou plusieurs investisseurs américains.

"Peut-être que je ferai ce deal, peut-être pas", a-t-il commenté. "C'est l'une des nombreuses idées que j'ai", a encore dit le républicain, mêlant comme toujours le fracas et le flou.

Donald Trump "s'est toujours intéressé au spectacle plus qu'à la substance. (...) C'est un vendeur. Il met son nom sur des steaks, il a soutenu des ventes de bibles, il a mis son nom sur des bâtiments. Il se fiche de ce qu'il y a dans le bâtiment, de savoir si le steak est bon ou s'il a raison de soutenir la Bible", assène Peter Loge, professeur de politiques publiques à l'université George Washington, à propos de l'ancien promoteur immobilier et animateur de télé.

Congrès

Le stratège Mike Fahey souligne que certaines grandes promesses, sur l'immigration ou l'économie, devront prendre la forme de lois, or la majorité républicaine au Congrès est "mince", ce qui augure de négociations ardues.

"Cela pourrait conduire à un usage encore plus grand des décrets, avec des conséquences inquiétantes sur l'étendue du pouvoir du président" par rapport à celui des parlementaires, commente-t-il pour l'AFP.

Sur le plan diplomatique, les visées ouvertement impérialistes de Donald Trump se heurtent évidemment à des principes de base de l'ordre international.

Le Panama refuse tout net de céder le canal du même nom, que le président américain a juré de "reprendre", tandis que Danois et Groenlandais défendent l'autonomie du Groenland, cet immense territoire danois, face à la convoitise du milliardaire républicain.

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : Shutterstock / Anna Moneymaker

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