"D'ici la fin de l'été", le gouvernement doit dévoiler son projet de loi pour créer une "aide active à mourir" en France, dont les premières esquisses sont scrutées à la fois par les défenseurs d'une légalisation de l'assistance au suicide, voire de l'euthanasie, et par les opposants.
Gouvernement à tâtons
Début avril, lorsqu'il a reçu les Français ayant planché dans le cadre de la convention citoyenne, Emmanuel Macron a annoncé vouloir une nouvelle loi sur la fin de vie "d'ici la fin de l'été".
Ce texte doit tenir compte des conclusions de la convention, qui s'est prononcée en début d'année pour la légalisation sous conditions d'une "aide active à mourir", regroupant potentiellement l'assistance au suicide et/ou l'euthanasie.
Le président de la République a aussi parlé d'un "modèle français", avec plusieurs garde-fous.
Le projet de loi "comprendra trois blocs: aide active à mourir, soins palliatifs et droits des patients", selon Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, qui pilote le dossier.
Ces trois volets, consensuels pour les deux derniers, figurent bien dans un document de travail communiqué mi-juin à des parlementaires.
Sur le plus sensible et clivant, "l'aide active à mourir", l'exécutif avance sur une ligne de crête. "La définition ne doit pas comporter les termes +suicide+ ou +euthanasie+, mais en revanche utiliser le terme +mourir+", note son document, sans trancher sur le scénario final.
Conditions pour bénéficier de cette "aide active à mourir": être majeur lors de la demande, "justifiée par un motif d'ordre médical", atteint "d'une affection grave et incurable qui engage son pronostic vital à moyen terme", "capable de discernement pour exercer un choix autonome".
L'appréciation du discernement et du "moyen terme" -estimé entre 6 et 12 mois dans le texte- figurent dans les questions délicates.
Politiques à l'affût
La loi sera "co-construit(e) avec les parlementaires", martèle le gouvernement, sans forcément convaincre.
Pour la majorité présidentielle, si les élus Renaissance semblent largement favorables à une aide active à mourir, Horizons et MoDem sont plus difficiles à cerner.
La gauche, pour une "fin de vie digne" et librement choisie, défend majoritairement le suicide assisté et l'euthanasie, sous conditions, avec des positions proches de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
La droite et l'extrême droite y sont hostiles, s'inquiétant parfois d'un risque de "banaliser l'euthanasie", et réclament une meilleure application de la loi Claeys-Leonetti et des soins palliatifs. C'est la ligne d'un rapport de la commission des Affaires sociales du Sénat, à dominante LR, remis mercredi.
Des sensibilités différentes s'expriment au sein même du gouvernement.
À la différence d'Agnès Firmin Le Bodo, déterminée, François Braun s'est montré réservé sur une loi qui "changerait profondément notre société et notre rapport à la mort". Attention à "un message implicite" dangereux pour les "personnes vulnérables", a renchéri Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités.
À l'Elysée, la confiance semble de mise. Après "un cheminement engagé avec la Convention citoyenne, on saura trouver les voies et moyens qui permettront de dégager une majorité d'idées sur un texte important", estime une source proche de l'exécutif.
Soignants sous tension
En première ligne, les soignants exerçant en soins palliatifs martèlent que "donner la mort n'est pas un soin".
"Le débat semble parfois se réduire à un choix entre euthanasie et suicide assisté", a regretté la présidente de la Société française de soins palliatifs (Sfap), Claire Fourcade, lors du récent congrès de l'organisation.
Les réticences et inquiétudes se cristallisent chez nombre de soignants autour de leur rôle, malgré la promesse d'une "clause de conscience".
Après la trame dévoilée à des parlementaires, 15 organisations de soignants ont signifié par écrit leurs lignes rouges à Agnès Firmin Le Bodo -qui les réunit régulièrement dans un groupe de travail.
Ils souhaitent notamment que l'aide active à mourir figure "dans le code pénal, pas dans celui de la santé publique, comme une exception à l'interdit de tuer", et résulte d'"une décision collégiale et a priori" des médecins, a exposé Claire Fourcade à l'AFP.
La future loi devra ouvrir "un nouveau droit pour les Français", avec "équilibre" et prise en compte des "préoccupations légitimes" des soignants, a réaffirmé mercredi Agnès Firmin-Le Bodo, en clôture des assises de l'ADMD.
Le président de l'ADMD Jonathan Denis, défenseur de l'euthanasie, a plaidé auparavant pour une loi "d'humanité" et "sans obligation pour quiconque, y compris les soignants".
La Rédaction (avec AFP)