L'euthanasie va-t-elle devenir possible en France ? Après avoir réuni pendant plusieurs mois des Français tirés au sort, la Convention citoyenne s'est majoritairement prononcée pour ouvrir une "aide active à mourir", mais à d'importantes conditions. Le chef de l'Etat doit indiquer lundi la suite qu'il entend donner à cette réflexion.
"Pour une majorité de citoyennes et citoyens de la Convention, l'accès à l'aide active à mourir doit être ouvert", dit le rapport validé dimanche par les participants.
Mais cette position, qui recouvre l'ouverture de l'euthanasie et du suicide assisté, comprend "de nombreuses nuances", prévient la Convention qui a désormais conclu ses débats.
Ces derniers réunissaient depuis décembre 184 Français tirés au sort. Le but était d'évaluer, à l'appel du gouvernement, le cadre actuel de la fin de vie en France et la nécessité d'y apporter des changements.
Les débats sur le sujet ont repris à l'initiative du président Emmanuel Macron.
Le chef de l'Etat envisage de longue date de modifier la législation actuelle, fixée par la loi Claeys-Leonetti de 2016. Celle-ci permet aux soignants de mettre sous sédation irréversible des patients proches de la mort, dont le cas est désespéré et les souffrances sont intolérables.
Mais elle ne va pas jusqu'à autoriser une "aide active à mourir", c'est-à-dire une assistance au suicide ou un acte d'euthanasie.
"Acte II"
Un organisme consultatif, le Comité d'éthique (CCNE), a ouvert la voie à une telle évolution, en septembre, en jugeant possible - sous de nombreuses conditions - de légaliser cette aide active à mourir.
Au final, c'est un "oui, mais" au suicide assisté et à l'euthanasie, parallèlement à de nombreuses recommandations pour mieux développer les soins palliatifs.
La Convention confirme que ses participants sont favorables, aux trois quarts, à une ouverture de l'aide active à mourir, mais avec d'importants garde-fous.
Il ne peut pas, selon eux, y avoir de tel acte sans que le patient ait auparavant bénéficié d'un accompagnement approfondi, et qu'il ait pu à tout moment exprimer sa volonté.
"Le discernement de la personne est une condition essentielle", insiste le rapport. Que faire quand un patient n'est plus en mesure de dire quel est son choix ?
Sur ce sujet, faute de position majoritaire, la Convention ne tranche pas. De même sur un volet très sensible: l'ouverture de l'euthanasie ou du suicide assisté aux mineurs. Emmanuel Macron, qui reçoit lundi matin les membres de la Convention à l'Elysée, va "tirer les conclusions de ce travail et tracer les voies d'un Acte II dans ce débat national", a précisé dimanche la présidence.
"Oxygène démocratique"
Concrètement, le chef de l'Etat pourrait annoncer le recours à une nouvelle loi pour faire évoluer le dispositif, la voie du référendum n'étant en principe pas ouverte pour ce type de questions sociétales, selon la Constitution.
Concernant les mineurs et le discernement, "on voit bien que ce sont deux sujets très bloquants et donc il n'y a pas forcément un intérêt à aller plus loin en la matière", relève par ailleurs un conseiller présidentiel.
Le président, qui a reçu à dîner début mars plusieurs personnalités - religieux, médecins, intellectuels - pour évoquer le sujet, n'a de son côté rien dévoilé de ses convictions personnelles. "Dès le départ il y a eu la conviction profonde que ce travail ne pouvait pas aboutir à la conclusion qui serait celle d'un homme seul mais plutôt un travail collectif", souligne l'Elysée.
Parallèlement à la Convention, le gouvernement a engagé ses propres travaux de réflexion sous l'égide de la ministre déléguée à la Santé, Agnès Firmin Le Bodo, et de celui chargé du Renouveau démocratique, Olivier Véran En pleine crise politique sur les retraites, la présidence a salué "l'expérience in vivo inédite" de la Convention, dont elle ambitionne de faire un "modèle de participation citoyenne" en Europe.
Il faut arriver, "tout en ayant une démocratie représentative, avec un Parlement, à introduire cette espèce d'oxygène démocratique qui permet de traiter de questions pour lesquelles il n'y a pas nécessité de polariser la société", a esquissé le conseiller présidentiel.
Le gouvernement, qui s'était vu reprocher d'avoir largement négligé les conclusions d'une précédente convention sur le climat, a néanmoins plusieurs fois prévenu qu'il ne reprendrait pas telles quelles celles sur la fin de vie.
La Rédaction (avec AFP)