Face aux grands périls économiques, climatiques, sociaux, est-il encore temps de changer de modèle de vie ?

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La fin possible de l’humanité n’est plus une simple hypothèse envisagée de façon théorique. Cette fin est d’autant plus envisageable qu’elle est la résultante de phénomènes climatiques combinés avec l’existence d’un système productiviste et économique mortifère, qui tendent au fil de ces dernières décennies à s’accentuer et s’aggraver.

Certains experts annoncent la fin d’une partie de l’humanité dans les très prochaines décennies ou le prochain siècle, si d’ici-là nous ne changeons pas de modèle économique !

Entre délitement européen et basculement de l’ordre mondial, une nouvelle voie semble être à trouver, un nouvel équilibre à réinventer, mais autour de quel dénominateur commun : locaux, globaux, à l’échelle de l’homme ou à l’échelle planétaire ? Aujourd’hui aucune décision ne semble pouvoir être prise sans prendre conscience de ces deux échelons. Ces phénomènes climatiques intrinsèquement associés à l’expansion de la mondialisation de l’industrie et du commerce, semblent annoncer un véritable tsunami. Un péril réel du fait de l’élévation du niveau de la mer, qui impacte de nombreux pays notamment les villes côtières, auquel il convient d’ajouter une autre forme de péril, suscité par des troubles sociaux  qui naissent des inégalités de plus en plus criantes entre le monde occidental et l’Afrique. A cela s’ajoute la surexploitation des ressources en eau, ainsi, la consommation aux Etats-Unis puise dangereusement dans les réserves : un américain utilise 700 litres d’eau par jour en moyenne. Les réserves se vident plus vite qu’elles ne se remplissent. Selon le site Agir pour la planète,

« C’est le cas de l’aquifère d’Ogallala qui, en approvisionnant la ville de Phoenix en Arizona, est prélevé 14 fois plus vite que son renouvellement naturel. » 

Les changements climatiques affectent toute la planète

Les sécheresses gagnent l’Afrique subsaharienne et tropicale. Les changements climatiques affectent toute la planète et particulièrement l’ensemble du continent Africain. Il est inévitable, que les coûts économiques seront considérables, entraînant dans leurs sillages des migrations majeures, ce qui est le cas aujourd’hui en raison des situations extrêmes vécues par l’Afrique. Certes les migrations des hommes et des femmes en provenance d’Afrique ne sont pas seulement la conséquence des transformations climatiques, mais sont aussi en partie liées aux tensions politiques voire djihadistes qui fragilisent considérablement leurs pays.

Ce changement climatique, qui survient partout dans le monde, est aujourd’hui communément attribué et nous en sommes convaincus, à un modèle économique fondé sur une dimension de conquête outrancière du progrès. Nous assistons depuis la révolution industrielle à une mécanisation démesurée de la planète dans son intégralité. Tant et si bien que ce type de modèle fondé sur une confiance aveugle dans le ‘tout technologique’ risque inévitablement de compromettre le bien-être des générations à venir.

Les résultats écologiques de ce progrès sans conscience et sans solidarités, ont des effets désastreux pour l’ensemble de notre planète. L’industrialisation occidentale a délocalisé, puis exporté les dommages industriels, puis colonisé les nuisances dans les pays où elle est allée piller les ressources.

Nous avons créé des dépendances

Nous avons créé des dépendances via des dispositifs agroalimentaires fondés sur une dimension intensive en pensant que l’agriculture faisant usage, d’intrants chimiques fongicides, pesticides, serait en mesure de satisfaire les besoins de toute l’humanité… Longtemps, ainsi nous avons pensé que ce modèle était le seul à répondre aux besoins de l’humanité, or l’usage massif et productiviste de ce mode agricole a mis en péril les grands équilibres naturels et sanitaires, les grands équilibres des écosystèmes. Nous avons par ailleurs élargi les distances pour favoriser puis démultiplier les importations de marchandises au lieu de rendre possible les solidarités, en favorisant les productions locales.

Le monde « occidental » mais également  la Chine et  le  Brésil ont été soucieux et à bon compte d’exploiter les ressources

Le monde « occidental » mais également  la Chine et le Brésil ont été soucieux et à bon compte d’exploiter les ressources. Ils n’ont nullement songé à tisser les coopérations nécessaires avec l’Afrique et parfois avec leurs propres populations comme au Brésil, à transférer les expertises, les compétences pour autonomiser les régions sous développées. En accélérant ainsi les processus d’échanges et une forme de mondialisation d’un modèle économique fondé sur la conquête et l’expansion, nous avons été les auteurs d’une forme d’injustice environnementale, sociale et économique. Nous avons appauvri l’humanité, nous avons contraint aujourd’hui ces populations à migrer, nous portons collectivement une lourde responsabilité en faisant apparaître les inégalités de plus en plus criantes entre le Nord et le Sud. Pour asseoir notre propos et nous ne serons pas exhaustifs sur ce sujet, nous pouvons citer le Brésil qui a joué un rôle destructeur et particulièrement mortifère en saccageant sa propre terre par l’extraction de minerais et de ressources forestières. Le même Brésil n’hésitant pas à briser des vies humaines, à écraser l’écologie, déraciner, puis réduire en poussière l’habitat des communautés autochtones.

À ce modèle agricole aux effets finalement désastreux s’est ajouté notre adulation pour l’or noir

À ce modèle agricole aux effets finalement désastreux s’est ajouté notre adulation pour l’or noir, la consommation de pétrole, de tous les fossiles polluants. L’usage généralisé des fossiles savamment enterrés par la nature et déterré par les activités de l’homme, a conduit à l’émission de CO2 qui s’accumule dans l’atmosphère. Ainsi le monde industriel en surexploitant la nature a été responsable en grande partie des émissions de gaz à effet de serre, retenant la chaleur solaire et bouleversant en partie les conditions climatiques. Ce changement de paradigme climatique est connu sous le nom de réchauffement planétaire. Ce réchauffement planétaire a des incidences sur les chutes de pluies et autres phénomènes atmosphériques et climatiques, mettant en danger la vie humaine, animale et végétale du fait des conséquences potentiellement catastrophiques associées à ces changements.

Georges Bernanos dans son fameux livre « la France contre » les robots » publié en 1947, fustigeait la civilisation moderne responsable aujourd’hui des graves mutations connues à ce jour. Pour l’écrivain cette civilisation moderne s’est inscrite comme « une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure », nous pourrions ajouter une conspiration intégrale, une conspiration écologique contre l’homme et la nature.

En critiquant le choix civilisationnel du progrès, c’est l’esprit de ce monde qui doit être interrogé selon Georges Bernanos. Pour l’auteur de “La France contre les Robots”, c’est ce monde industriel qui n’a été rendu possible que par un long processus idéologique et économique qui ensuite a fait émerger cette mécanisation envahissante dans tous les processus de vie. L’humanité dans son ensemble a été bercée par l’idée du progrès non pas que cette idée soit en soi négative, mais elle a occulté la dimension des solidarités au profit des notions de compétitivité et du bien-être individuel.

Cette humanité a voulu s’affranchir de l’échelle du jardin Cette humanité a voulu s’affranchir de l’échelle du jardin, de la norme biblique du partage solidaire pour gagner coûte que coûte le bien-être individuel au détriment du bien commun. Au lieu de servir l’humanité, le capitalisme sauvage a préféré s’engouffrer dans l’économie de la rentabilité et de la dépendance plutôt que de favoriser les solidarités, les liens de fraternité et l’autonomie qui sont le gage de la liberté.

Depuis des décennies, il semblerait que l’industrie se soit employée à fragiliser la biodiversité, à épuiser les ressources du sol, à dérégler les climats, à dévaster les grands équilibres de la planète.

Il serait tout à fait sot de ne pas partager ce constat. Notre civilisation humaine est en effet malade, elle est menacée, menacée d’un péril grave en raison de la surexploitation chronique des ressources de la terre. Plusieurs chercheurs de différentes grandes universités américaines ont fait ce constat alarmant : « la demande de l’humanité en ressources écologiques exigerait une fois et demie la capacité de la Terre pour être satisfaite », or nous ne sommes pas loin d’avoir atteint les limites en termes de ressources, des ressources en nourritures et en eau.

Est-ce sans espoir ? Allons-nous vers cette catastrophe annoncée, c’est-à-dire la disparition ou la fin de l’humanité comme il y a plusieurs millénaires, la terre avait connu la fin des dinosaures.

C’est inéluctable, d’autant que certains mettent une confiance absolue dans la technologie. C’est inéluctable, d’autant que certains mettent une confiance absolue dans la technologie. S’il est vrai que la technologie a augmenté l’efficacité pour produire mieux et plus. Paradoxalement la même technologie n’est pas en mesure d’éviter l’échéance d’une catastrophe. Nous avons créé un modèle technologique fondé sur le progrès, mais c’est une technologie énergivore, orientée sur la surconsommation dépensière. C’est cette surconsommation qui aggrave les grands équilibres qui touchent la biodiversité, qui épuise la terre. Nous avons adoré la société de confort et nous avons chéri son standing, mais l’obtention du bien être fonctionnel s’est faite au prix de dégâts toujours plus croissants sur les écosystèmes de la planète.

La crise identitaire de peuples en colère à la fois contre leurs élites et contre les modèles économiques qui privilégient la mondialisation, et les fermetures notamment de sites industriels ( favorisant le chômage), pose également la question du modèle de vie. Les “cahiers du développement durable” posent cette question:

“En 2050, la population mondiale atteindra probablement les 9,3 milliards d’individus. Comment nourrir tout ce monde et répondre à leurs envies de consommation, alors que les ressources se raréfient et que l’état de l’environnement se dégrade ?”

Existe-t-il un autre modèle économique qui permettrait d’endiguer les catastrophes annoncées ?

Le Film « Demain » souligne avec force que dénoncer n’est pas suffisant, il faut aujourd’hui retrousser nos manches et investir de nouvelles solutions qui réconcilient par ailleurs l’écologie humaine qui crée du lien et l’écologie qui protège les ressources naturelles. Pierre Rabhi fait partie probablement de ces pionniers qui entendent préserver et promouvoir des techniques agricoles qui protègent l’humain, le vivant et la biodiversité. Oui, il existe ainsi des modèles agricoles, économiques et des exemples qui nous viennent également de Détroit aux Etats-Unis, de Todmorden en Angleterre et de France, qui vont à l’encontre des conceptions libérales de l’économie…

À partir de quels modèles économiques, pourrons-nous sauver l’humanité et notre terre ?

Ces modèles remettent en question ou renversent la table des organisations industrielles productivistes qui envahissent les sols et les épuisent

Ces modèles remettent en question ou renversent la table des organisations industrielles productivistes qui envahissent les sols et les épuisent. Il faut ainsi comme l’inspire Coline Serreau “rétablir le lien honnête entre le champ cultivé et l’assiette de chacun”. La santé et la fertilité doivent notamment être améliorées en ayant recours à la plus grande biodiversité qui est la clé d’un véritable renouveau agricole. Cette agriculture doit se diversifier en reproduisant des mécanismes naturels à petite échelle qu’inspire par exemple la permaculture. Aujourd’hui un certain nombre de chercheurs et d’agronomes tendent à démontrer l’efficience du jardin agricole, des mini-fermes ou de champs à l’échelle d’une organisation sociale et solidaire améliorant considérablement les ressources. L’efficience se traduit par le fruit des récoltes issues d’une démarche respectueuse de la nature, tout en ayant un impact significatif sur une gestion qui n’a pas eu recours à une mécanisation outrancière. Les fruits d’une telle démarche ont pour conséquence d’activer une proximité avec le monde des villes en rapprochant les approches d’une agriculture qui facilitent les accès des friches industrielles auprès des habitants, ces mêmes friches qui pourraient être aménagés par les paysans faisant ainsi le lien entre le monde rural et le monde urbain.

  • À Détroit, des hommes et des femmes ont ainsi investi des zones industrielles abandonnées pour cultiver la terre et ont inventé des mini-fermes urbaines. Ces hommes et ces femmes ont ainsi démontré qu’en rapprochant les ressources nourritures dans les villes, ils réduisaient de façon significative la consommation de C02.
  • A Todmodern en Angleterre, est né le mouvement des Incroyables comestibles, des habitants ont transformé des rues en massifs potagers, ils y ont fait pousser partout dans la ville des jardinières de légumes des poireaux, des concombres, des radis pour rendre la nourriture gratuite et accessible à tous.
  • En France, des paysans ont expérimenté une agriculture sans pesticides et sans mécanisation outrancière qui démontre une rentabilité qui passionne les chercheurs de l’INRA. Ces paysans ont inventé un modèle qui serait de nature à répondre aux besoins de l’humanité, si l’expérimentation de ces mini-fermes s’étendait aussi à l’Afrique.

“Socialement équitable, économiquement viable et environnementalement vivable”

Il est important de réfléchir à un autre modèle économique à l’échelle de l’homme, qui serait un vrai grain de sel pour toute l’humanité, si elle cessait de croire aux lubies d’un progrès technologique exponentiel mais sans conscience. Un développement qui serait réellement “durable” déjà défini comme “socialement équitable, économiquement viable et environnementalement vivable”,  semble être une voie possible, prenant en compte ces trois piliers, et dessinant ainsi une nouvelle feuille de route pour l’humanité et les marchés.

Nous, chrétiens évangéliques nous rejoignons parfaitement l’appel du pape François :

« Je voudrais demander, s’il vous plaît, à tous ceux qui occupent des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou social, à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : nous sommes « gardiens » de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre, de l’environnement ; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde ! »

Ainsi comme chrétiens, nous devons viser au travers de nos vies une absolue cohérence avec ce mandat de prendre soin de l’homme, mais également de prendre soin de la création. Nos actes ont des effets papillon et ces derniers peuvent avoir des incidences positives ou négatives selon que nous avons été attentifs à gérer ce capital de vie avec l’attention qui nous a été demandée comme témoin de l’évangile.

Éric Lemaitre auteur de cette chronique tient vivement à remercier Bérengère Séries pour sa contribution et ses apports riches.


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