États-Unis : une étude établit un lien entre la chute de la foi et l’absence des pères

États-Unis  une étude établit un lien entre la chute de la foi et l’absence des pères

La présence du père dans les familles chrétiennes est importante pour la transmission de la foi, selon une étude publiée en mai dernier. Les chrétiens qui fréquentent une église seraient plus susceptibles que les autres d’avoir eu un père présent dans leur vie, mais les chiffres inquiètent l’organisation Communio qui souligne que la majorité des églises n’investissent pas dans les ministères en faveur des familles.

Communio est une association à but non lucratif qui travaille avec des communautés chrétiennes à travers le pays afin de renforcer les familles. Dans son étude fondée sur une enquête nationale menée auprès de 19 000 chrétiens fréquentant des églises évangéliques, protestantes traditionnelles et catholiques, l’organisation indique que "le déclin de la famille semble alimenter le déclin de la foi". Communio entend par là la chute du mariage et de la présence du père dans les foyers chrétiens.

L’évolution des familles façonne les mentalités

L’étude relève que 5 % des naissances se produisaient hors mariage en 1960, le double en 1970, 20 % en 1980 et 30 % en 1990. Parallèlement, les États-Unis ont connu une explosion du nombre de divorces.

Alors qu’en 1960, on relevait que 8 % des femmes âgées de 50 à 54 ans avaient divorcé, elles étaient 11 % en 1970, 16 % en 1980 et 10 % en 2010.

Dans la dernière décennie, moins de la moitié des jeunes ont atteint leurs 17 ans avec leurs deux parents toujours mariés et vivant ensemble. Communio ajoute qu’entre 1986 et 1991, 25 à 30 ans après les débuts de la révolution sexuelle, la non-affiliation religieuse a commencé à se développer, passant de 7 % en 1980 à 13 % en 1990, 22 % à la fin des années 2010, et aujourd’hui 29 %.

Mais alors que les chercheurs estiment que le déclin de l’affiliation religieuse est liée au phénomène de la "succession des générations" et, plus précisément, le glissement politique et l’autonomie des points de vue, Communion considère que l’explication est insuffisante.

Selon l’organisation chrétienne, "l’évolution des structures familiales au cours des 60 dernières années entre les générations est statistiquement significative et précède - et façonne probablement - la formation de points de vue personnels, de perspectives politiques et de comportements, y compris quant à la fréquentation de l’église."

L’enquête a révélé qu’environ 80 % des fidèles ont été élevés dans des foyers où leurs parents biologiques étaient mariés l'un à l'autre pendant toute leur enfance, et que les hommes de 25 ans jamais mariés et nés de parents non mariés ne représentaient que 10 % des hommes de cette catégorie d’âge fréquentant les églises.

"En d’autres mots, les garçons qui ont grandi dans des foyers où les parents étaient mariés sont bien plus susceptibles de fréquenter régulièrement l’église à l’âge adulte", estime Communio.

Pas une question d’investissement financier de l’église mais de présence paternelle

Le président de Communio, J.P. DeGance, a déclaré au Christian Post que cela indique que le départ des jeunes des églises n’est pas à chercher dans une lacune pastorale les concernant :

"Nous n'avons jamais dépensé autant d'argent, dans l'histoire de l'Église, pour transmettre notre foi à nos jeunes, et pourtant ils sont de plus en plus nombreux à quitter l'Église. La raison du déclin de la foi est expliquée dans l'étude : l'absence d'un foyer marié où le père est chaleureusement engagé dans la vie de son enfant a causé cet incendie qui a conduit de moins en moins de gens à croire."

Si les églises investissent beaucoup pour les ministères et activités à destination des jeunes, l’étude relève que 85 % d’entre elles déclarent ne dépenser aucun dollar dans un ministère sur le mariage et les relations, omettant les questions situées bien plus en amont. Communio en tire les leçons suivantes :

"Pour évangéliser de manière féconde au XXIe siècle, il faut renverser la baisse du nombre de mariages, améliorer la santé conjugale et développer l’efficacité des pères dans ces mariages. En abordant ces trois questions, nous pouvons susciter un réveil soutenu dans la foi chrétienne et la participation active à l’église. La relation entre le mariage et la foi est claire."

L’enquête révèle également que les personnes qui n’ont pas vécu avec leurs pères sont moins susceptibles que les autres de considérer Dieu comme leur père céleste.

Impact de la priorisation du succès professionnel et de la pornographie sur le mariage

Communio souligne que les élites non chrétiennes choisissent le mariage quand elles bénéficient de niveaux de vie élevés et estime que les élites chrétiennes devraient chercher à leur proposer un autre modèle. Cependant, l’influence se fait dans le sens opposé.

L’étude rappelle que des chercheurs expliquent l’augmentation du nombre de mariages tardifs par le passage d’une vision du mariage comme “pierre angulaire” à une vision du mariage comme "pierre de finition".

Alors que dans la vision traditionnelle chrétienne, celle de la "pierre angulaire", le mariage est considéré comme une relation essentielle pour bâtir une vie heureuse et réussie, dans la vision de la société en général, celle de la "pierre de finition", on ne se marie qu’après avoir atteint un certain niveau de réussite financière et personnelle.

Cela se traduit chez les chrétiens qui adoptent ce second schéma par des relations sexuelles en attendant de se marier ou le recours à la pornographie, souligne l’étude, ce qui, au-delà, aboutirait à des relations moins stables.

Les personnes vivant en concubinage auraient cinq fois plus de risques de rompre que celles qui sont mariées, et les conséquences d’une rupture après une longue cohabitation se ressentiraient dans les relations suivantes.

Interrogé par Fox News, DeGance a critiqué la primauté accordée au succès professionnel sur le foyer :

"On nous dit qu'il ne faut pas donner la priorité au mariage et à la fondation d’une famille, mais plutôt favoriser l'ascension professionnelle et la maximisation des revenus."

DeGance insiste sur l’absence de prise en compte par de nombreuses églises de cette entrée tardive dans le mariage qui conduit à la généralisation des relations sexuelles libres et à la pornographie, et il cite le sociologue Mark Regnurus, professeur à l'université du Texas à Austin et auteur de "Cheap Sex" : The Transformation of Men, Marriage, and Monogamy" (Sexe bon marché : la transformation des hommes, du mariage et de la monogamie) :

"Lorsque le sexe est bon marché - c’est-à-dire sous-évalué et non valorisé -, il finit par conduire au mariage comme "pierre de finition", c’est-à-dire à retarder la décision de se marier. Et la pornographie est une épidémie, elle augmente, de manière choquante, chez les jeunes femmes, ainsi que chez les hommes. Et, de plus en plus, les hommes en particulier sont tout simplement incapables de former les types de relations qui peuvent mener à un mariage sain à cause de la pornographie."

DeGance raconte qu’une femme lui a récemmet dit que ses deux filles avaient rompu six fois de suite avec des chrétiens qui ne pouvaient se défaire de leur dépendance à la pornographie.

Pour lui, les églises ne prennent pas assez au sérieux le sujet alors que l’âge moyen auquel les enfants y sont exposés pour la première fois est inférieur à 10 ans :

"Nous vivons à une époque étrange, dans un monde paradoxalement puritain, où le sexe est partout autour de nous, mais où nous ne voulons pas vraiment en parler. Le sexe est partout, sauf dans nos églises, et je veux dire par là que nous devons être capables de parler de manière saine de la sexualité dans le cadre du mariage chrétien, et de ce à quoi ressemblent des relations sexuelles et un mariage authentiques, qui donnent la vie."

Communio s’appuie notamment sur les recherches menées par le Dr Paul Vitz, professeur émérite de psychologie à l'Université de New York selon lesquelles la paternité hors mariage ne produit pas les styles parentaux qui conduisent à la fois à l’épanouissement humain des enfants et à un modèle de foi adéquat.

Pour Vitz, l’incapacité d’un enfant à développer un attachement sain à son père se manifeste souvent par la perte de la foi, l’intérêt pour la spiritualité New Age ou l’agnosticisme. Pour DeGance, la grande majorité des sondages révèlent cependant que les jeunes veulent toujours se marier mais ne le peuvent pas.

Il considère que les églises ont un rôle à jouer en devenant des écoles d’amour :

"Elles peuvent aider les gens à bien discerner les relations, à nouer des relations amoureuses saines qui peuvent mener au mariage et à aider les chrétiens qui se sont mariés à avoir un mariage florissant et sain centré sur le Christ."

Jean Sarpédon

Crédit image : Shutterstock/ Rawpixel.com

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