Et si l’engagement jihadiste était le signe d’un besoin spirituel ?

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Depuis plus d’une décennie, le Moyen Orient connaît des troubles importants. L’actualité a surtout mis l’accent sur la guerre en Syrie et en Irak, mais il ne faut pas oublier  qu’une guerre similaire se déroule aussi au Yémen.

Beaucoup de choses sont dites sur ces conflits et sur leur(s) origine(s). On parle souvent des intérêts financiers qui sont en jeu. Certes, une guerre n’a jamais un motif unique et l’aspect financier n’est pas à négliger. Pourtant, on sous-estime beaucoup un autre facteur : la religion.

En effet, que ce soit en Syrie, en Irak ou au Yémen, ces conflits se nourrissent de l’hostilité réciproque des différentes communautés religieuses, et en particulier de la haine entre sunnites et chiites. Ces luttes ne datent pas d’hier et remontent aux origines même de l’islam. Dès la mort de Muhammad, deux groupes se sont affrontés pour prendre le contrôle de la Oummah (la communauté musulmane) et cet affrontement a perduré tout au long de l’histoire. Ces conflits furent tellement meurtriers, que durant les trois premiers siècles de l’islam, les guerres « civiles » entre musulmans ont fait plus de morts que les guerres de conquêtes contre les non-musulmans.

A l’exception du 10e siècle, qui fût l’âge d’or chiite, ce sont globalement les sunnites qui ont dominé politiquement. De fait, les pouvoirs sunnites successifs ont tenté à plusieurs reprises d’éradiquer les mouvements chiites. Parmi les chiites, un groupe est particulièrement détesté par les sunnites, celui des alaouites. Or, c’est justement à cette minorité religieuse qu’appartient la famille Assad.

Au 20e siècle, plusieurs dictatures laïques ont été mises en place, notamment avec le parti Baas (Irak, Syrie, Egypte). Ce parti prônait le panarabisme, c’est-à-dire l’union de tous les Arabes, et insistait plus sur « l’arabité » que sur « l’islamité ». Il ne s’agit pas de vanter (ou regretter) ces régimes violents, loin de là, mais de constater qu’ils étaient malgré tout un rempart de protection pour les minorités religieuses, puisqu’ils combattaient les mouvements islamistes. Ainsi, par la force, ils imposaient la coexistence des différents groupes confessionnels. Cependant, cette « coexistence par la terreur » n’a jamais réglé le problème de fond et le renversement de ces régimes (comme en Irak lors de l’intervention américaine) ou les tentatives de renversement (comme en Syrie actuellement) n’ont fait que révéler et réveiller les problèmes de fond.

Le facteur religieux est donc absolument central pour comprendre la situation actuelle du Moyen-OrientLe facteur religieux est donc absolument central pour comprendre la situation actuelle du Moyen-Orient. Pourtant, il est complètement négligé dans bon nombre d’analyses. Pourquoi un tel oubli ? En réalité, à bien des égards, la France est encore tributaire de la pensée marxiste qui fût dominante chez les intellectuels du 20e siècle. Cette pensée marxiste place au cœur de son raisonnement l’économie et la politique. Elle a ainsi une grille de lecture du monde uniquement matérialiste et occulte complètement la dimension spirituelle.

Avant de continuer, j’aimerais illustrer cela par une petite anecdote qui nous avait été racontée par un professeur de sociologie lors de ma première année de master.

“Il y a quelques décennies deux sociologues marxistes avaient mené une enquête sur les facteurs déterminants du vote. Quels sont les facteurs qui sont les plus influents pour orienter le vote d’un citoyen français ? Dans leur hypothèse de départ, conformément à leurs convictions marxistes, c’est le statut économique des individus qui était le facteur le plus influent. Or, à leur grande surprise, ils ont constaté que la pratique religieuse était un facteur bien plus important. Même si cela bouleversait leur théorie de départ, ils ont eu l’honnêteté d’accepter cette conclusion de leur travail d’enquête.”

Dieu a encore de l’importanceComment expliquer une telle sous-évaluation du phénomène religieux ? La France est un pays fortement sécularisé. La sécularisation (à ne pas confondre avec la laïcité !) est le détachement de Dieu. On veut mettre Dieu de côté et on considère que cela n’a plus aucune importance. Cette sécularisation tend à promouvoir le matérialisme comme idéologie dominante. Inconsciemment, cela pousse ceux qui y adhèrent à sous-estimer le poids des facteurs dépassant ce matérialisme. Parce qu’ils ne se soucient plus de Dieu, ces penseurs matérialistes croient que la question religieuse n’a plus d’importance pour personne et cherchent d’autres causes, des causes matérielles. Or, il faut bien admettre que pour beaucoup de personnes, Dieu a encore de l’importance.

En oubliant Dieu, certaines personnes peuvent passer à côté des vraies causes du problèmeEn quoi cela concerne-t-il les conflits actuels et le problème de la radicalisation (et de la déradicalisation) ? En oubliant Dieu, certaines personnes peuvent passer à côté des vraies causes du problème. On entend depuis quelques temps plusieurs personnes de différents secteurs (intellectuels, journalistes, hommes politiques, etc.) affirmer que les causes de la radicalisation seraient essentiellement économiques et que le développement matériel pourrait résoudre tout cela. Pour résumer, il faut, selon eux, redonner aux jeunes de « l’espérance matérielle » et le goût de la consommation de masse pour éviter qu’ils aillent détruire leur vie ailleurs. Il me semble que c’est une grande erreur. Les enquêtes sociologiques montrent que les jihadistes sont loin d’être des marginaux malheureux. On peut aussi penser à des exemples célèbres, comme celui d’Oussama Ben Laden. Celui-ci venait d’une des plus riches familles saoudiennes et il a abandonné tout son confort matériel pour aller combattre dans les montagnes afghanes et d’autres zones peu hospitalières. Peut-on avec toutes ces informations continuer à penser que le jihadisme ne serait qu’un problème matériel ?

Beaucoup de jeunes sont insatisfaits du simple horizon consumériste que leur propose la sociétéEn réalité, je pense que le jihadisme témoigne surtout d’un manque beaucoup plus profond, un besoin spirituel. Beaucoup de jeunes sont insatisfaits du simple horizon consumériste que leur propose la société et veulent autre chose. Pas simplement en quantité, mais en qualité. Ils sont à la recherche d’une cause plus grande et d’aspirations plus élevées pour lesquelles ils pourront s’engager tout entier, quitte à y laisser leur vie. Et ce désir ne pourra jamais être comblé par des offres matérielles. Dans cette quête, un certain nombre ont pu penser avoir trouvé la solution dans ce que leurs proposaient les différentes organisations terroristes. Face à ces offres, la société occidentale ne pourra jamais rivaliser auprès de ces jeunes si elle n’a qu’une perspective matérielle à proposer.

Heureusement, il ne faut pas chercher bien loin pour trouver une vraie alternative et un engagement sans limite. Depuis l’Antiquité, de nombreuses personnes ont été prêtes à mourir pour une cause. A la différence près, qu’elles mourraient pour donner la vie et non la mort. Cette cause, c’est bien sûr la foi en Jésus, car lui-même, exemple suprême, a donné sa vie pour les autres.

Loin de nous désespérer, la situation actuelle devrait donc être pour les chrétiens un encouragement à faire découvrir l’Evangile à tous nos concitoyens. On ne peut pas forcer quelqu’un qui n’a pas soif à boire, mais on peut être assuré que beaucoup ont soif et ne demandent qu’à découvrir cette source d’eau vive. Leur proposer cette source, c’est leur éviter de s’égarer vers le mirage jihadiste.


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