
Une audience à huis clos s'est tenue mardi devant un tribunal de Barcelone pour statuer sur le cas d'une jeune femme paraplégique qui a obtenu le droit d'être euthanasiée en vertu de la loi en vigueur en Espagne, une décision à laquelle son père s'oppose.
Lors de cette audience, la première en Espagne concernant un cas d’euthanasie déjà approuvé depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2021, selon des associations spécialisées, la jeune femme a réitéré sa demande de mourir, a-t-on appris de sources judiciaires.
Le tribunal rendra sa décision après le dépôt par les parties de leurs conclusions écrites.
Mardi, plusieurs des spécialistes qui avaient validé la requête de la jeune femme étaient également présents et ont confirmé qu'elle était capable de prendre cette décision et répondait aux critères définis par la loi adoptée par le Parlement espagnol en 2021, selon les mêmes sources.
La jeune femme, âgée aujourd'hui de 24 ans, est devenue paraplégique après s’être jetée du cinquième étage lors d’une tentative de suicide en 2022 et avait officiellement demandé l'euthanasie en avril de l’année dernière.
Les spécialistes de la Commission de garantie et d’évaluation de Catalogne avaient estimé en juillet que sa demande était conforme à la loi qui stipule que toute personne jouissant de ses facultés et soufrant d’une "maladie grave et incurable" ou d’une affection "chronique et invalidante" pouvait demander de l’aide pour mourir, sous réserve de remplir certains critères.
Cependant, peu avant la date prévue pour son euthanasie, le 2 août, la justice avait accepté un recours introduit par l’association ultraconservatrice Abogados Cristianos (Avocats chrétiens), représentant son père, demandant que le processus soit stoppé.
Le père affirmait que sa fille souffrait de troubles mentaux qui "pouvaient affecter sa capacité à prendre une décision libre et consciente", selon le recours déposé.
"Idées suicidaires"
Il soutenait également que la jeune femme, qui avait tenté de se suicider à plusieurs reprises, laissait entendre qu'elle pouvait avoir changé d'avis et que la blessure dont elle souffrait ne lui causait pas une "souffrance physique ou psychique insupportable".
"Nous pensons que la patiente souffre d'un trouble obsessionnel compulsif, accompagné d'idées suicidaires et d'un trouble borderline de la personnalité, ce qui, selon nous, trouble sa décision", a assuré devant la presse José María Fernández, avocat du père de la requérante et membre d'Abogados Cristianos, mardi après l'audience.
Le parquet, qui ne s'est pas encore prononcé sur le fond du dossier, a reconnu dans un document judiciaire ses doutes quant à cette "question complexe", n'excluant pas de reconnaître qu'un membre de la famille pouvait intervenir dans cette décision de demander l'euthanasie, même si la loi la qualifie de "strictement personnelle".
Devant le tribunal mardi, la jeune femme qui réside dans un centre de soins mais s'est rendue à l'audience avec ses parents a confirmé sa demande et déclaré qu’elle subissait des pressions pour changer d’avis, ont rapporté des sources judiciaires.
Le Parlement espagnol a approuvé en 2021 la loi dépénalisant l'euthanasie, faisant de l'Espagne un des rares pays permettant à un patient incurable de recevoir de l'aide pour mourir et éviter "une souffrance insupportable".
Les règles pour y parvenir restent toutefois strictes : le demandeur doit être "apte et conscient" au moment de la demande, celle-ci doit être écrite et reconfirmée ultérieurement, et obtenir l’autorisation d’une commission d’évaluation.
Depuis l’adoption de la loi, plusieurs dossiers ont été portés devant les tribunaux, mais aucune audience n'avait été tenue jusqu’à présent.
"Nous nous inquiétons de la normalisation de la possibilité de contester judiciairement les résolutions administratives qui approuvent les euthanasies", a déploré l’association Droit de mourir dignement dans un communiqué.
"La loi sur l’euthanasie défend un droit fondamental et strictement personnel dans le cadre de la vie privée, où il ne devrait pas y avoir d’ingérence de tiers", a rappelé l’organisation, suggérant que "certaines forces politiques" tentaient d'entraver la loi dont ils n'avaient pas pu empêcher l'adoption devant le Parlement.
La Rédaction (avec AFP)