En créant des organoïdes humains qui développent une activité spontanée, les scientifiques ont franchi un « Rubicon éthique »

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Des ondes cérébrales proches de celles des bébés prématurés ont été observées chez des organoïdes, sans aucun stimulus extérieur.

Réunis au Congrès Neuroscience 2019 de Chicago, des scientifiques viennent de soulever une question éthique primordiale en révélant les résultats d’une étude, publiée le 3 octobre dernier. Des organoïdes corticaux humains ont été créés en laboratoire et ont présenté « une augmentation constante de l’activité électrique sur une période de plusieurs mois ». Les ondes cérébrales observées avaient des caractéristiques similaires à celles observées chez les bébés prématurés.

« La formation de réseau spontanée a présenté des événements oscillatoires périodiques et réguliers dépendant de la signalisation glutamatergique et GABAergique. L’activité oscillatoire est passée à des schémas plus irréguliers spatio-temporellement, et les événements de réseau synchrones ressemblaient à des caractéristiques similaires à celles observées en électroencéphalographie humaine prématurée. »

Les organoïdes sont développés depuis une dizaine d’années par la communauté scientifique. Ils concernent plusieurs organes, dont le cerveau. Mais la nouveauté est que ces organoïdes ont développé une activité électrique seuls, sans stimuli extérieurs.

Pour certains des chercheurs rassemblés au congrès de Chicago, les scientifiques qui se consacrent à ces études sont « dangereusement » près de franchir une ligne éthique.

« Les recherches actuelles sur les organoïdes sont dangereusement proches du franchissement de ce Rubicon éthique, et l’ont peut-être déjà fait. Malgré la perception du terrain selon laquelle la complexité et la diversité des éléments cellulaires in vivo restent inégalées par les organoïdes actuels, les cultures actuelles sont déjà isomorphes par rapport à la structure et à l’activité du cerveau sensible dans des domaines critiques, et peuvent donc être capables de supporter l’activité et le comportement sensibles »

Elan Ohayon, directeur du Green Neuroscience Laboratory à San Diego, en Californie, ajoute même :

« S’il existe même une possibilité que l’organoïde soit sensible, nous pourrions franchir cette ligne. »

The Guardian rappelle les conclusions d’études précédentes. En 2017, des organoïdes cultivés pendant 8 mois avaient développé « leurs propres réseaux neuronaux qui ont déclenché une activité et qui ont réagi lorsque la lumière les a éclairés ». Une autre étude, au cours de laquelle des organoïdes de cerveau humain avaient été transplantés dans le cerveau de souris « se connectaient à l’approvisionnement en sang de l’animal et faisaient naître de nouvelles connexions ».

L’année dernière déjà, le professeur Hank Greely, directeur du Centre pour le droit et les biosciences à l’Université de Stanford en Californie, alertait sur la situation, qui s’attaque « aux problèmes éthiques de l’expérimentation humaine » .

« Ce n’est pas un problème imminent, mais plus ces modèles ressemblent à des cerveaux humains, plus nous nous attaquons potentiellement aux problèmes éthiques de l’expérimentation humaine. »

Alexandra Gros, post-doctorante au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, était interviewée le 23 octobre sur France Culture. Elle concède que la question à se poser est « à partir de quand considère-t-on qu’il y a conscience ». Et elle l’avoue, « la conscience en elle-même, le substrat nous reste inconnu ».

« Étant donné qu’on ne connait pas le substrat, on ne peut pas en déduire qu’il y a de la conscience dans ces organoïdes et on en est encore très très loin, étant donné que la complexité du cerveau est quand même bien supérieur à la complexité qui est déjà assez impressionnante des organoïdes. »

Mais pour Fred Gage, du Salk Institute de San Diego, « il n’est jamais trop tôt pour soulever des questions relatives à l’éthique dans la science ».

M.C.


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