Le Défenseur du peuple espagnol, équivalent du Défenseur des Droits français, a exhorté jeudi l'Etat et l'Eglise catholique à coopérer pour indemniser les victimes d'agressions sexuelles commises par des religieux, ce que la hiérarchie ecclésiastique a refusé de faire jusqu'à présent.
"Je considère qu'il est essentiel que, pour le bien des victimes, l'Église et l'État adoptent des engagements communs" en ce sens, a déclaré Ángel Gabilondo devant le Congrès des députés, où il a présenté un rapport d'une commission d'enquête indépendante sur la pédocriminalité dans l'Eglise.
Ce rapport, coordonné par le Défenseur du peuple (Ombudsman), avait été rendu public en octobre 2023. Il a estimé à 200.000 le nombre de mineurs victimes d'agressions sexuelles de la part de religieux catholiques depuis 1940 en Espagne, un chiffre qui monterait à 400.000 en comptabilisant les agressions commises par des laïcs travaillant pour l'Eglise.
Il est nécessaire de "prioriser la réparation aux victimes avant toute autre différence idéologique ou de croyance", a insisté M. Gabilondo, en regrettant que, contrairement à d'autres pays comme la France, l'Allemagne, l'Irlande, les États-Unis ou l'Australie, l'Espagne n'ait toujours pas agi sur le sujet.
En avril, le gouvernement espagnol de gauche a approuvé un plan visant à mettre en œuvre les recommandations de ce rapport, notamment la création d'un fonds public pour indemniser les personnes concernées. Mais il se plaint que l'Église refuse de contribuer aux coûts.
La Conférence épiscopale espagnole (CEE), qui a présenté en juillet son propre plan d'indemnisation mais ne l'a toujours pas mis en pratique, refuse de participer au fonds s'il n'est pas ouvert à toutes les victimes mineures d'abus sexuels dans le pays et pas uniquement aux victimes de l'Église.
Le gouvernement a répondu qu'"il n'acceptera en aucun cas un système unilatéral" de l'Église.
Plusieurs associations d'aide aux victimes ont dénoncé le fait d'avoir été tenues à l'écart par l'Église lors de l'élaboration de son plan de réparations.
Après des années de dénégation, l'Église catholique espagnole a accepté en 2022 d'enquêter sur les abus sexuels en son sein.
Mettant en doute les chiffres du rapport du Défenseur du peuple, la CEE a commandé un audit auprès d'un cabinet d'avocats qui a dénombré quelque 2.056 victimes.
La Rédaction (avec AFP)