Comme sa sœur de la côte Est, la région de Nouvelle-Angleterre qui couvre plusieurs États, la Californie est très libérale sur le plan sociétal, avec des communautés davantage progressistes que la moyenne des démocrates. Mais celle qui serait la sixième puissance économique du monde, si elle ne dépendait pas de Washington, comporte aussi un mouvement d’indépendantistes. L’élection du républicain Donald, considéré comme aux antipodes de leurs valeurs, est pour eux l’occasion de se placer sur le devant de la scène, et une proposition a été présentée le 21 novembre au ministre de la Justice de l’État pour demander indirectement l’organisation d’un référendum, rapporte le Los Angeles Times du même jour. Les nouveaux Zorro de la Californie, américaine depuis 1850, risquent-ils d’être davantage des Don Quichotte ?
La demande a été déposée lundi matin pour qu’un référendum soit tenu en 2018. « Nous le faisons maintenant parce que l’attention est très forte », a déclaré Marcus Ruiz Evans, le vice-président de Yes California qui précise que le son mouvement avait prévu d’attendre une élection ultérieure pour déposer sa requête, mais que l’élection de Donald Trump a accéléré son calendrier. Les souverainistes se plaignent de contribuer donner davantage à l’Union qu’ils ne reçoivent d’elle, font valoir que la culture des Californiens diffère de celle du reste du pays, et demandent le Calexit, sur le mode du Brexit qui les a encouragés, méconnaissant, volontairement ou non, les différences juridiques entre les conditions pour quitter l’Union européenne et celles requises pour se séparer d’avec Washington. L’État dont le PIB est supérieur à celui de la France, ce qui en fait officieusement la sixième puissance économique mondiale, a une santé florissante grâce à l’agriculture et à la Silicon Valley.
Yes California Independence Campaign, plus couramment ramené aux deux premiers mots de l’intitulé, c’est depuis août 2015 le nom du mouvement qui milite en faveur de la sécession et qui a été substitué au nom Sovereign California après la campagne des indépendantistes écossais sous le nom Yes Scotland. Le but du changement de nom est de ne pas être confondu avec certains groupes non indépendantistes, mais anti-fédéraux qui se disent parfois souverainistes, dont certains, conspirationnistes, estiment même être fondés à prendre les armes contre l’État américain, ainsi le Mouvement des miliciens qui tua 168 personnes et fit 600 blessés dans un attentat contre un bâtiment fédéral en Oklahoma en 1995. Les souverainistes du Golden State ont d’ailleurs repris le logo de leurs amis d’outre-Atlantique. Le mouvement affirme, au doigt mouillé, que 40% des Californiens sont en faveur de la séparation d’avec les États-Unis. A ce jour, plus de 28 300 personnes aiment sa page Facebook, sans que l’on sache si parmi elles se trouvent de nombreux indépendantistes d’autres régions du monde, ces mouvements se soutenant mutuellement.
Durant la campagne présidentielle, les sécessionnistes avaient soutenu la campagne de Donald Trump dont le discours et le programme étaient profondément en opposition non seulement avec les idées des socialistes partisans de Bernie Sanders qui avait obtenu 43,3% des votes à la primaire démocrate, hormis sur la question du libre-échange, mais également avec celles des démocrates majoritaires dans l’État. Trump y a été largement dominé, n’obtenant que 32,7% des voix contre 61,6 pour Clinton, mais le candidat conciliant le plus progressisme sociétal et distance envers le pouvoir fédéral, le libertarien Gary Johnson, n’y a récolté que 3,4% des suffrages. L’intention de Yes California était d’obtenir un motif de division, et l’éventuelle victoire du républicain devait donner au mouvement une vitrine où exposer sa solution, l’indépendance, peu importe qu’elle fût déjà demandée sous les démocrates.
La quasi impossible sécession ou l’effet cliquet
La demande n’a cependant aucune chance d’aboutir, la citoyenneté est fédérale, selon le XIVe amendement, ce qui empêcherait les électeurs inscrits dans le Golden State de voter en tant que citoyens californiens pour réclamer la sécession : leur référendum ne serait pas reconnu. Et la jurisprudence de la Cour suprême fédérale Texas v. White de 1869 va dans ce sens de l’effet cliquet empêchant tout retour en arrière. Dans cet arrêt, la Cour ultime avait estimé que la séparation n’était possible que par la révolution ou avec le consentement des autres États de l’Union.
Au cours de l’histoire, plus de 200 demandes en vue d’obtenir l’indépendance ont déjà été déposées en Californie. Et ce n’est pas la première fois que des citoyens réclament le détachement de leur État de l’Union suite à l’élection d’un Président qu’ils refusent absolument. En 2012, des pétitions avaient été déposées dans une vingtaine d’États pour demander à faire sécession suite à la réélection de Barack Obama. La question se pose même depuis quelques années concernant la division transétatique entre les conservateurs et les progressistes dont certains ne croient plus en la devise américaine E pluribus unum signifiant l’unité du pays, De plusieurs, un. Toutefois, ce mouvement reste marginal, et 84% des Américains sondés déclarent accepter la future Présidence Trump comme légitime.
Yes California bénéficie actuellement de la motivation de 13 000 bénévoles, selon Marcus Ruiz Evans, disposés a recueillir les 400 000 signatures nécessaires pour obtenir l’organisation d’un référendum afin de proposer une modification de la Constitution de l’État, une fois que le ministère de la Justice aura donné un titre et un résumé à la demande.
Hans-Søren Dag