Débat sur les tradwives : Dans le couple, chacun son rôle pour vivre en harmonie ?

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Avec leur maquillage impeccable, leurs robes midi plissées et leurs tabliers à carreaux, elles ont tout de la ménagère des années 50. Elles préparent de savoureux repas, sont heureuses de dépendre financièrement de leur époux et dédient leur vie au bien être de leur famille. "Soyez féminines, pas féministes", clament ses tradwives ou "épouses traditionnelles" en français qui basent souvent leur discours sur des valeurs chrétiennes. 

Nos deux chroniqueurs Jonathan Peterschmitt et Raphaël Anzenberger s'emparent de ce sujet pour nous apporter leur éclairage sur cette tendance qui a enflammé les réseaux sociaux de l'autre côté de l'Atlantique et commence à se propager en France, au point d'inquiéter le Haut Conseil à l’Egalité dans son rapport annuel sur l’état du sexisme.

Comprendre le néologisme de "tradwife" ou "épouse à l’ancienne" par la vitrine médiatique  française, confronte le lecteur à de nombreux mots-clefs comme "ultraconservatrices", "chrétiennes", "Donald Trump", "maquillage", "antifeminisme", "rétro" ou encore "extrême  droite".  

Un tableau peu engageant qui ne semble pas prêter à discussion. 

Il est alors utile de contextualiser notre approche du phénomène en n’oubliant pas la distance  culturelle qui nous sépare des États-Unis et l’atmosphère politique et sociale qui entoure ce type  de mouvement (les «tradicônes» sont très populaires).  

Pour ne pas manquer les questions de fond, il faut donc prendre du recul.  

En effet, si ce type de "lifestyle coaching" fait parler plus que d’autres, c’est moins pour son  impact politique ou générationnel (très relatif), que pour la discordance de son discours,  dissonant d’avec les ritournelles féministes hégémoniques qui consacrent la femme indépendante  comme nouvelle norme sociale, femme maîtresse de son destin et libre des contraintes d’une  société patriarcale oppressive.  

Or, cette fausse note "ultra-conservatrice" fait d’autant plus grincer qu’elle émane de jeunes  femmes supposément bénéficiaires ultimes de tous les avantages évidents que des décennies  des luttes sociales en leur faveur leur auront apporté, avantages durement acquis à force de  ruptures, d’oppositions et de déconstructions à l’envi. 

Mais, cela étant écrit, le phénomène en devient-il pour autant désirable en lui-même?  Dois-je, en tant que disciple de Jésus, faire d’un avis une règle, sur le plan des rapports  intrafamiliaux, du simple fait que l’avis en question émane d’un tiers se revendiquant du même  Seigneur ?  

Personnellement, je ne le crois pas.  

La Bible est constellée de femmes vertueuses, entreprenantes et engagées, jouant un rôle de  premier plan, nous autorisant à nuancer cette position.  

Le Christ a souvent agi en faveur de l’émancipation des femmes de son entourage d’un joug "ultra-conservateur" qui par "tradition" les gardait en périphérie des questions spirituelles. Il a pris  le parti d’une femme adultère condamnée par la foule des religieux (où était son partenaire?), il  n’a pas condamné la femme impure qui l’avait touché, allant à l’encontre des lois, il offrira à  l’étrangère samaritaine, un regard sur elle-même et sur le Royaume de Dieu, à contre-courant des  habitudes de discrimination culturelle, après sa résurrection, il se révélera premièrement aux  femmes, asseyant la valeur de leur témoignage contre tous les principes culturels de son temps.  

Cependant, il ne les a pas affranchies de leurs responsabilités.  

"Qui m’a touché ?", "va, et ne pèche plus", "appelle ton mari, et viens ici", "va trouver mes  frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père".  

Or c’est probablement à ce niveau qu’une méprise fondamentale crée la confusion.  Car, si l’on ne peut cantonner la place de la femme "à la cuisine" en se justifiant par la Bible, on  ne peut éluder la notion de rôles clairement établis par cette même Parole de Dieu.  Et c’est là que le bât blesse, car il n’est pas envisageable de comprendre ces rôles sans poser la question de la finalité de ce qui est discuté depuis le début, le couple.  

Car si la finalité du couple se résume à défendre l’hédonisme individuel conjoint contre conjointe, la notion de "chef" n’est alors pas recevable, car créant de facto une asymétrie incompatible avec ladite finalité.  

Mais au contraire, quand le but du couple se trouve dans l’inversion sublime des valeurs qui oblige l’homme, chef de la femme, à se sacrifier pour elle comme le Christ pour l’Église, alors la notion de rôles devient synonyme d’harmonie. 

Il ne s’agit plus d’une compétition à celui qui tirera la couverture le plus à lui en s’imposant  comme un «vrai homme» (masculinisme) ou en se libérant de son "joug" quitte à briser l’alliance  (féminisme). Il s’agit alors d’un réel abandon réciproque où la priorité de l’un consiste en l’épanouissement de l’autre.  

Alors certes, dans ce schéma conjugal, certaines femmes choisiront naturellement d’assumer des  responsabilités domestiques et maternelles en complémentarité avec leurs époux, d’autres non, d’autres en partie, à chacune son choix. 

Mais dans ce cas de figure, le Haut Conseil à l’Égalité devra se poser la question de l’égalité entre  ces différents choix plutôt que d’une "égalité" selon ses préjugés. Les femmes ayant choisi d’être  "au foyer" devraient alors être valorisées socialement et économiquement comme les autres au nom de l’égalité entre les femmes

Pour conclure, je dirais que considérer le couple pour ce qu’il est au regard de Dieu, une seule chair, permet de saisir que dans le couple, le "nous" vaut mieux que le "je".

Jonathan Peterschmitt est médecin, il fait partie de l'église la Porte Ouverte à Mulhouse.


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