Dans l'ex-bassin minier, des catholiques déboussolés entre "sentiment d'abandon" et "valeurs chrétiennes"

Dans l'ex-bassin minier, des catholiques déboussolés entre "sentiment d'abandon" et "valeurs chrétiennes"

Pour certains, "l'extrême droite est incompatible avec l'engagement chrétien", mais d'autres veulent "du changement" face à "l'insécurité" et "la dureté du quotidien". Dans l'ex-bassin minier du Pas-de-Calais, des catholiques se disent "perdus" à une semaine des législatives où "aucun parti ne leur correspond".

"En ces périodes troubles, nous devons nous ancrer dans notre foi chrétienne qui nous permet de s'ouvrir aux autres", estime Guy-Aimé Koffi, cadre de 45 ans venu assister à la messe dominicale d'Hersin-Coupigny (Pas-de-Calais).

Dans ce département où la tradition chrétienne est bien ancrée en dépit d'une pratique en perte de vitesse, le Rassemblement national (RN) a enregistré parmi ses plus hauts scores aux européennes avec 47,46% des voix.

Lors de ces élections, le vote des catholiques pratiquants s'est porté à 42% sur l'extrême droite et 21% sur un parti de gauche, selon un sondage Ifop pour La Croix. Chez les pratiquants réguliers (allant à la messe au moins une fois par mois), l'extrême droite tombe néanmoins à 28%, soit le même niveau que la gauche.

Au lendemain de la victoire du RN aux européennes, les évêques d'Arras, Lille et Cambrai ont appelé dans un communiqué à une "sagesse politique", mettant en garde contre "la quête d'un bouc émissaire" et critiquant entre les lignes les partis qui font campagne contre l'immigration.

Mais pour Manon Coupet, infirmière de 26 ans, "la politique et la religion sont deux sujets différents. Il y a une envie de changement après des années assez dures".

"Je comprends ce vote pour le Rassemblement national," réagit également Sarah, venue assister à la messe au centre paroissial d'Henin-Beaumont, fief de Marine Le Pen. "L'immigration, la sécurité, on laisse trop faire et chacun défend son pain", estime cette femme de ménage de 61 ans. "Le vote n'a rien à voir avec la religion, on en a marre, c'est tout", balaie-t-elle.

"aucun parti"

Le curé de cette ancienne cité minière, Michel Delannoy, regrette que les réfugiés soient "souvent pointés du doigt" pour "tous les maux qui arrivent en France". Mais "ce n'est pas mon rôle de donner des consignes de vote", dit-il, entre la fin de la messe et le début du feu de la Saint-Jean.

Ce vote pour l'extrême droite, "c'est aussi la faute de nos dirigeants, qui n'ont pas fait attention aux petits, aux pauvres, ils sont en colère, on n'a pas écouté leur cri", estime-t-il.

Frédéric, ouvrier de 43 ans, est "choqué" de la montée de l'extrême droite chez les catholiques. Mais comme "aucun parti" ne le représente, il s'abstiendra pour les législatives.

"L'IVG dans la Constitution, le débat sur la fin de vie, c'est en contradiction totale avec nos valeurs. Comment voulez-vous que des catholiques se retrouvent dans le parti" de Macron ?, questionne-t-il.

Dans le Pas-de-Calais, "je vois un sentiment de délaissement, d'abandon, un sentiment que beaucoup a été promis et que peu a été réalisé", analyse Olivier Leborgne, évêque d'Arras, co-signataire du communiqué appelant à la "solidarité universelle".

"J'entends non pas une adhésion fondamentale à ce qui peut être dit, mais +et si on essayait autre chose ?+", témoigne Mgr Leborgne. Mais "la dignité de la personne humaine, quelle que soit sa situation, pour un chrétien, est incontournable, y compris dans une situation migratoire", martèle-t-il.

Rappelant que parmi les "repères" de la doctrine sociale de l'Église se trouvent "l'attention à tous, à commencer par les plus pauvres", "l'engagement pour la justice et la paix", et "la dignité inaliénable de la personne humaine" - "j'ai lu un certain nombre de programmes politiques et je ne vois aucun parti qui ne correspond", regrette-t-il aussi.

Mais il souligne que le vote n'est ni dicté par l'Eglise ni directement par l'Evangile: "il vient d'expériences, d'une tradition familiale, d'analyses, de rencontres". "Les chrétiens sont des citoyens français et beaucoup de citoyens français sont perdus", conclut-il.

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : Shutterstock / Vernerie Yann

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