La COP23, une « petite » COP ? Si la mobilisation autour de cette nouvelle conférence climat – qui se tient à Bonn en Allemagne du 6 au 17 novembre 2017 – semble moins forte que pour d’autres sommets, à l’image de la COP21 de novembre 2015, c’est loin d’être un signal négatif.
Dans la dynamique post-COP21, cette moindre mobilisation apparente est annonciatrice d’une bonne nouvelle : les agendas de négociation sur la question du climat s’autonomisent. Ils sont désormais portés dans d’autres cercles, moins étroits – et certainement plus légitimes sur certains sujets – que le cercle des négociateurs internationaux habitués de ces rencontres.
Après la COP21
En entérinant un nouveau régime multilatéral sur le climat, l’Accord de Paris, négocié en 2015 lors de la COP21, a impulsé une dynamique inédite, à travers ses objectifs ambitieux : orienter les pays vers des trajectoires de développement bas-carbone et résilientes au changement climatique ; passer à une économie mondiale neutre en émissions de gaz à effet de serre avant la fin du siècle ; canaliser, enfin, les flux financiers ainsi requis pour une reconfiguration profonde des économies.
L’essentiel des pays de la planète se sont mis d’accord le 12 décembre 2015, et ont confirmé en signant individuellement l’Accord de Paris dans les mois qui suivaient, permettant ainsi à l’Accord d’entrer en vigueur moins d’un an après – ce qui constitue sans doute un record dans la diplomatie internationale moderne.
À quoi servent désormais les conférences des pays (COP) signataires de la Convention-cadre des Nations unies contre les changements climatiques ?
Good COP, bad COP
Certaines COP ont bénéficié d’une large couverture médiatique, soit avant l’événement du fait de l’enjeu, soit après l’événement du fait du résultat remarquable de la conférence.
On se souvient ainsi de quelques conférences marquantes : la conférence de Kyoto (COP3, 1997) qui a vu l’adoption du protocole du même nom ; celle de Montréal (COP11, 2005) qui a vu l’entrée en vigueur dudit protocole ; celle de Copenhague, perçue comme un échec politique (COP15, 2009) ; celle de Paris (COP21, 2015) qui a permis de négocier l’Accord de Paris ; et celle de Marrakech (COP22, 2016), qui s’est ouverte sur l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris, a vu l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche, et s’est close sur un Appel des États signataires, rappelant le caractère universel et irréversible de la dynamique enclenchée par l’Accord de Paris.
D’autres COP, plus techniques mais non moins importantes, étaient qualifiées par les négociateurs de « COP de respiration ». La COP23, sous présidence fidjienne, prend place dans cette lignée… même si elle s’inscrit dans un calendrier et un contexte particuliers.
Les petits États insulaires en première ligne
Moins de deux ans après l’adoption de l’Accord de Paris, les COP offrent un moment politique pour conserver la dynamique de l’Accord. Et la présidence fidjienne de cette COP23 porte ici une responsabilité particulière : c’est la première fois qu’un petit État insulaire assume la présidence d’une telle rencontre.
Les Îles Fidji devraient notamment mettre l’accent sur l’adaptation au changement climatique et sur l’atteinte de l’objectif – figurant dans l’Accord de Paris – de maintenir l’augmentation du réchauffement planétaire en dessous de 1,5 °C ; pour les petits États insulaires, c’est une question de survie.
Par ailleurs, la volonté de l’administration Trump de concrétiser sa sortie de l’Accord de Paris apporte à cette COP23 un piquant particulier. La présidence fidjienne devant à la fois gérer les négociateurs américains – la sortie effective des États-Unis n’intervenant pas avant 2020 – et resserrer les rangs pour éviter que d’autres États ne soient tentés de faire défection.
Préparer 2018 et la COP24
Un second enjeu, plus technique, d’une conférence post-COP21 consiste à proposer un cadre multilatéral pour avancer au sujet des instruments indispensables à la mise en œuvre de l’Accord de Paris.
L’Accord de 2015 a en effet fixé un objectif de long terme, avec une logique de mise en œuvre se déployant dans le temps, et prévoyant une dynamique collective d’accroissement de l’ambition. Or, deux processus doivent aboutir en 2018.
Premier processus : la finalisation du rulebook de l’Accord de Paris, qui doit rendre opérationnels la plupart des éléments de l’Accord, notamment le cadre de transparence, les différents mécanismes de coopération, et la solidarité Nord-Sud – souvent ramenée à la promesse des pays du Nord de mobiliser chaque année à partir de 2020 un minimum de 100 milliards de dollars au bénéfice des pays du Sud.
Second processus : le « dialogue de Talanoa » visant à faire un premier bilan « à blanc » des contributions des États dans le cadre de l’Accord de Paris.
Sans surprise, la présidence fidjienne a annoncé qu’elle souhaitait que ce dialogue soit notamment alimenté par les conclusions du rapport du GIEC, prévu courant 2018, sur les trajectoires « 1,5 °C », et qu’elle conduirait le dialogue en lien étroit avec la Pologne, pays charbonnier, et future présidente de la COP24.
La COP, un rouage de la machine
La COP n’est cependant qu’un des rouages de la machine mise en branle par l’Accord de Paris. D’autres processus avancent à leur rythme, en parallèle des négociations, sans être formellement reliées aux COP.
L’émergence de tels processus parallèles, prévue dans l’Accord de Paris, vient renforcer la mise en œuvre de l’Accord. La transition vers une économie bas carbone et résiliente aux effets du changement climatique se diffuse ainsi dans différentes sphères qui ont les moyens d’avancer de façon autonome, en s’appuyant sur la vision, les objectifs et les outils communs négociés lors des COP.
Citons, par exemple, l’action des villes et des collectivités locales, qui se décline dans une pluralité d’initiatives et d’engagements portés par les élus, et mis en œuvre localement. Le gouverneur de Californie Jerry Brown a ainsi programmé, pour 2018 à San Francisco, un Sommet mondial pour l’action climatique autour des acteurs non étatiques.
L’attribution d’un prix au carbone ne se décide pas non plus au niveau mondial lors des COP, mais bien au sein des économies nationales, comme le rappelle le rapport Stern-Stiglitz. Et nombre de pays, développés ou en développement, ont bien compris que la mise en œuvre d’une tarification carbone leur permettait de générer des revenus appréciables.
La finance, la tortue qui devient lièvre
Mais le secteur où les progrès sont les plus nets – peut-être parce qu’il est parti après les autres – est celui de la finance.
Les acteurs financiers intègrent désormais de façon croissante le climat et la transition énergétique, non pas comme un objet environnemental (par nature extra-financier), mais comme un facteur impactant le couple « rendement/risque », donc intrinsèquement financier. L’intérêt ? Mobiliser au-delà des équipes « environnement » des institutions financières, les équipes en charge de la gestion des risques – souvent plus ou mieux écoutées – et les régulateurs financiers.
Parmi les principales avancées, on peut mentionner le rapport du groupe d’experts mandatés par le G20 pour faire des recommandations sur la prise en compte des risques et opportunités liés au changement climatique par les acteurs de la finance ; les travaux du groupe d’experts de haut niveau sur la finance durable convoqué par la Commission européenne ; les initiatives des institutions financières, banques ou investisseurs ; ou les initiatives des places financières pour qui être « vertes » devient un critère différenciant.
Rendez-vous le 12 décembre 2017
Le sommet international convoqué à Paris par Emmanuel Macron le 12 décembre 2017, soit deux ans jour pour jour après l’adoption de l’Accord de Paris, permettra de faire un point sur l’avancée de ces différents processus soutenant la mise en œuvre de l’Accord.
Ce sommet ouvrira également une fenêtre à certains acteurs pour faire de nouvelles annonces et plusieurs événements se sont d’ores et déjà accolés au sommet organisé par le chef de l’État français. Parmi ceux-ci, deux événements organisés la veille, lundi 11 décembre matin et après-midi, de façon coordonnée, par les acteurs publics et privés de la finance. À suivre !
Benoît Leguet, Économiste, directeur général d’I4CE (Institute for Climate Economics), Institut Louis Bachelier – PSL
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.