Le 12 décembre 2015 a été adopté un premier accord universel sur le climat par 195 pays, lors de la COP 21 à Paris. L’objectif de cet accord de Paris est de contenir le réchauffement climatique en dessous de 2° C d’ici 2100. Suite à cet accord entré en vigueur le 4 novembre 2016, la COP 22 qui se déroule à Marrakech du 7 au 18 novembre, doit définir le plan d’action. Après une année 2016 classée comme étant la plus chaude, il y a urgence à agir. L’enjeu pour notre humanité dépasse les simples questions climatiques et pose aussi des questions éthiques de partage, de solidarité… car la Terre est notre bien commun. Avec la COP 22 le temps de l’action est-il réellement arrivé ? Ou quelques tempêtes climatiques viendront-elles encore balayer la planète en brisant cet espoir ?
Fallait-il se réjouir de l’Accord de Paris adopté lors de la COP 21 ? Certes cet accord afin de lutter contre le réchauffement climatique est une avancée notable d’un point de vue diplomatique. J’ai écrit quatre chroniques sur la COP 21 pour Info Chrétienne mais je me suis gardé d’en rédiger une sur sa signature bien que je fusse tenté de le faire. Pourquoi ? Parce qu’il y avait (et il y a toujours) urgence à agir pour ralentir le réchauffement climatique et le maintenir en dessous des 2° C. Il n’y avait d’ailleurs pas obligation pour les pays signataires d’attendre la ratification de l’accord afin de commencer à s’engager dans cette démarche. Alors même que l’année 2016 a battu tous les records de chaleur, il faut se rendre compte que dans la pratique, en France, en Europe (et ailleurs ?) peu de changements de politique sont intervenus comme le soulignait le mouvement altermondialiste ATTAC dans sa tribune d’avril 2016, proposant 14 actions pour le climat :
« Au lendemain de la COP 21, l’ONU et le Gouvernement français, ainsi que des lobbies économiques et financiers, insistent sur l’urgence de ratifier l’Accord de Paris sans pour autant prendre les décisions courageuses et visionnaires qui sont nécessaires alors que l’État d’urgence climatique s’aggrave. »
La fondation Hulot présente à la COP 22 émet un « Avis de tempête sur le climat »
La fondation Hulot présente à la COP 22 émet un « Avis de tempête sur le climat », et appelle dans un communiqué les états à « être plus ferme dans leur détermination ». Le réchauffement climatique a des conséquences sur la nature, sur les hommes et sur l’économie qui ne feront que s’aggraver s’il n’y a pas une réelle détermination. Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE ou UNEP pour United Nations Environment Programme), si les pays n’accélèrent pas leur ambition afin de lutter contre le réchauffement climatique, la porte qui permettrait de maintenir l’augmentation de la température en dessous de 1,5° C pourrait être définitivement close en 2020. Il resterait donc 3 ans seulement afin de sauver l’objectif de 1,5° C fixé dans l’Accord de Paris.
« Même dans le cas d’une mise en œuvre intégrale des engagements pris à Paris, les émissions prévues d’ici à 2030 entraîneront une hausse des températures mondiales de 2,9° C à 3,4° C d’ici la fin du siècle. »
Extrait rapport annuel sur la réduction des émissions du Programme des Nations Unies pour l’Environnement
L’Accord de Paris, ratifié par 180 pays à la veille de la COP 22, est entré en vigueur le 4 novembre 2016 soit moins d’un an après avoir été adopté. Ce délai est exceptionnellement court pour un accord international. La COP 22 se détermine comme étant « le temps de l’action ». Le temps pour agir est très court dans les domaines influant le climat, ou concernant les adaptations nécessaires.
Côté énergie, ce sont les pays en voie de développement qui s’engagent très fortement dans les énergies renouvelables.
Côté énergie, ce sont les pays en voie de développement qui s’engagent très fortement dans les énergies renouvelables. Que ce soit sur le continent africain ou ailleurs, l’accès à l’énergie est un « besoin » émergeant et tout doit être fait afin de faciliter ces pays dans une production propre et non émettrice de gaz à effet de serres. Il est prévu de les aider par une contribution des pays industrialisés, les engagements seront-ils respectés ? Étonnamment c’est la Chine qui a investi massivement dans les énergies renouvelables. L’énorme pollution créée par le boum économique de ce pays causant d’importants problèmes de santé publique, a obligé le Gouvernement chinois à agir très rapidement. La Chine détient le leadership de cette énergie. L’Inde avec la France sont cofondateurs de l’Alliance Solaire Internationale qui a l’objectif de « déployer l’énergie solaire dans les pays situés entre les tropiques du Cancer et du Capricorne ». Durant la COP 22, 11 pays d’Afrique, d’Amérique, d’Asie et du Pacifique ont signé les statuts de cette alliance. Si la France soutient plusieurs coalitions afin de développer les énergies renouvelables ou des actions concrètes suites à la COP 21, il faut admettre que son obsession de l’énergie nucléaire sur son propre territoire ne contribue pas à la transition énergétique, contrairement à l’Allemagne qui s’est engagée dans ce processus. La Suisse se prononce le 27 novembre sur cette transition. Dans les arguments, il est noté les effets bénéfiques sur l’économie : 7000 emplois créés dans les énergies renouvelables, alors que les centrales helvétiques auraient perdu environ 500 millions de francs suisses en 2015 et 2016.
La Suisse peut sortir du nucléaire https://t.co/fzZRX9YUSI via @bilanmagazine
— Désiré Rusovsky (@DeSky) 15 novembre 2016
Comme signe d’espoir, en 2015, la production des énergies renouvelables a dépassé celle du charbon. 500 000 panneaux solaires sont produits par jour. Le virage de la transition énergétique est bien pris, mais doit être encore accéléré pour freiner durablement le réchauffement climatique.
Les énergies fossiles sont sources de conflits politiques et économiques
En parlant des énergies fossiles, on comprend que celles-ci sont source de conflits politiques et économiques alors que les énergies renouvelables sont « librement » disponibles partout autour de la Terre. Le soleil, le vent, les courants marins, les fleuves et rivières, la géothermie, la biomasse, les bioénergies sont autant de possibilités pour créer durablement et localement une nouvelle économie et des nouveaux emplois. Elles permettent de se passer des énergies fossiles (le nucléaire est aussi une énergie fossile) polluantes, qui relâchent le gaz carbonique qu’elles ont stocké pendant des millénaires. Selon plusieurs écologistes, l’abandon des énergies fossiles pourrait rendre le monde plus paisible et économiquement plus vivable.
« Embrasser une consommation et une production durable est un moyen par lequel les individus peuvent contribuer à l’atténuation du changement climatique en s’adaptant. »
UN Environment Programme
Embracing sustainable consumption & production is a way in which individuals can contribute to #climatechange mitigation through adaptation pic.twitter.com/aRj7PIPDQT
— UN Environment (@UNEP) 14 novembre 2016
La transition énergétique doit être une ouverture vers une économie plus solidaire, mieux partagée, dans la mesure où nos gouvernants sauront résister aux lobbies des énergies fossiles, qui cherchent à défendre leurs intérêts sans s’apercevoir (ou vouloir le voir) qu’ils vont dans un mur. La mondialisation, les libres échanges (et les accords CETA, TAFTA) ne vont pas dans le sens d’une économie participative, plus solidaire, plus respectueuse de l’environnement et des hommes.
La COP 22 comme la COP 21 n’ont pas réellement travaillé sur le modèle économique lié au réchauffement climatique. Pourtant selon un rapport de la Banque Mondiale, présenté à Marrakech le 14 novembre, le coût des catastrophes conséquentes au réchauffement climatiques serait sous-estimé. Les pertes annuelles s’élèvent à 520 milliards de dollars et ces catastrophes plongent 26 millions de personnes dans la pauvreté. Cette étude plaide pour l’adoption urgente de politiques capables de mieux protéger les plus vulnérables face aux enjeux du changement climatique.
Catastrophes naturelles: les coûts économiques et humains sous -estimés de 60%. Ces catastrophes poussent 26 M de personnes dans la pauvreté pic.twitter.com/HESY2tSIgR
— franceinfo (@franceinfo) 14 novembre 2016
Les conséquences du réchauffement climatique sur l’homme et la nature sont multiples et complexes. Notre système énergétique inégalitaire, basé sur les énergies fossiles, non seulement met déjà de nombreux réfugiés sur les routes à cause des conflits qu’il génère, mais il pourrait aussi prochainement engendrer des ‘réfugiés climatiques’ fuyant leur pays devenu inhabitable ou leur pauvreté afin de survivre. Les humains, à tout niveau, doivent faire preuve d’imagination afin de lutter contre le réchauffement climatique et être créatifs pour s’adapter, et ne pas croire que ‘je peux vivre seul’ ou égoïstement, en engrangeant dans mon grenier (ou ma banque) sans tenir compte des autres habitants de la planète.
« Il faut impérativement renforcer la résilience pour parvenir à mettre fin à la pauvreté dans le monde et à promouvoir une prospérité partagée… »
Extrait du rapport de la Banque Mondiale
Un des éléments clé de notre survie est la biodiversité
Un des éléments clé de notre vie ou survie, comme je le soulignais dans un article au sujet des semences, est la biodiversité. La nature peut dans une certaine mesure s’adapter mais au-delà d’un certain seuil de réchauffement, les océans s’acidifieraient et toute la vie maritime serait impactée. Moins de (ou aucune) vie dans les océans impactera toute notre chaîne alimentaire. C’est pourquoi des actions ont été entreprises spécifiquement vers la protection des océans qui constituent 96% de la biosphère et qui peut être une importante source d’énergie renouvelable.
Outre les catastrophes naturelles, il faut comprendre que le dérèglement climatique est à l’origine de la destruction de milliers d’écosystèmes terrestres et marins. Ceux-ci sont pourtant fondamentaux dans l’équilibre de notre planète.
Equilibre est bien le mot ! Mais il est compris très différemment selon le regard qu’on porte sur la question climatique
Equilibre est bien le mot ! Mais il est compris très différemment selon le regard qu’on porte sur la question climatique. Déjà, après la COP 21 se posaient des questions sur le comment et la réelle volonté des états. Dave Bookless, participant d’A Rocha à la COP 21, dressait un tableau très mitigé de la COP 21, posant la question d’une COP équitable ? Comme lui, d’autres écologistes et moi-même, avons souligné que « l’Accord de Paris plaide en faveur de solutions technologiques et commerciales pour produire de l’énergie verte et réduire les émissions, mais ces solutions n’ont pas encore été communiquées à ce jour ». Aucun changement de paradigme ne ressortait de cet accord laissant nombre de solutions ou d’actions nécessaires, utiles et urgentes en suspens. L’un des aspects est que pour limiter le réchauffement climatique, nous devons arrêter d’extraire les énergies fossiles. Si, par exemple, en France l’extraction des gaz de schistes a été stoppée, freinée voire interdite, ce n’est pas le cas d’autres pays comme le Canada ou les Etats Unis. En ce sens les accords de libre échange CETA et TAFTA sont catastrophiques pour le climat et un réel commerce équitable. L’élection récente de Trump comme président des Etats Unis laisse planer un doute sur le respect de l’Accord de Paris signé et ratifié par ce pays. Pourtant New York, au premier rang des villes concernées, se prépare à la montée du niveau des océans.
Dans la logique inverse, il est tentant de voir la nature comme pouvant être un « puit de carbone » servant à stocker le CO2 produit par nos activités humaines. Des agriculteurs se posent alors la question des terres agricoles qui deviendraient un capital afin de compenser les émissions de gaz à effet de serre. Il y a un danger que les paysans se voient alors spolier de leur terre ! La nature n’a pas de prix et ne peut être comprise comme un capital. Une financiarisation de sa conservation ou de son utilité ne peut pas être comprise dans un développement durable et équitable.
« Alors que l’année 2016 sera certainement la plus chaude de l’ère industrielle, l’essentiel du travail est reporté aux négociations inter-sessionnelles de Bonn l’année prochaine. Cet attentisme se fait, comme toujours, aux dépens des populations les plus vulnérables qui souffrent déjà des changements climatiques »
déclare Jean Vettraino, chargé de plaidoyer sécurité alimentaire au Secours Catholique – Caritas France. (source CCFD-Terre Solidaire)
La chanson créée pour la COP 22 parle de notre maison « Our Home » et donne un certain espoir mais qu’en est-il, qu’en sera-t-il des actions réellement entreprises ? C’est là toute la question à laquelle la COP 22 devait répondre ! Si nous voulons que les aspirations pensées dans l’Accord de Paris se concrétisent, alors le travail ne fait que commencer en passant équitablement à l’action, en accélérant, par nécessité et obligation, l’aide aux populations les plus vulnérables face au changement climatique. La déclaration finale de la COP 22 laisse présager que cet urgent message est passé mais les décisions importantes tardent. L’avis de tempête lié au climat est maintenu. Restons vigilants, afin de faire entendre notre voix, une voix d’équité, de justice climatique, afin de révéler à la Création que nous sommes fils de Dieu (Romains 8 v 19)
Nathanaël Bechdolff
Lire aussi les articles précédents sur la COP 21 ou sur le climat.