Ceux qui ne connaissent pas Nick Cave ont peut-être en tête la chanson "Red Right Hand" du générique de la série "Peaky Blinders", interprétée par le groupe "Nick Cave and The Bad Seeds". Le chanteur, dont la vie a été traversée par les décès brutaux de membres de sa famille, se présente comme un lecteur avide de la Bible en cheminement après une vie tumultueuse.
Une image : celle de Nick Cave en compagnie du révérend Rowan Williams, ancien archevêque de Canterbury en tête d’un entretien entre les deux hommes publié par le Sunday Times Magazine le 4 mars dernier, et dont Premier Christianity a donné un aperçu. La rencontre, dans la sacristie d’une église du centre de Londres, est celle de la réémergence d’un homme au passé tourmenté et qui a perdu deux de ses fils en sept ans, le premier en 2015 et le second en septembre 2022.
L’entretien est celui accordé par un homme en recherche et qui ne voit dès lors aucun intérêt à masquer ses questionnements. L’artiste polyvalent qui a grandi et chanté comme enfant de chœur dans la cathédrale anglicane Holy Trinity de Wangaratta en Australie a connu un parcours marqué par la violence et les dépendances après avoir perdu à 21 ans son père dans un accident de la route. La rébellion s’est installée là où manquaient des fondements sur lesquels s’appuyer. Aux chants sacrés ont succédé les concerts faisant les titres des journaux pour les bagarres avec le public au point que lui et ses musiciens ont été qualifiés de « groupe le plus violent de Grande-Bretagne ».
De l’attirance pour l’Ancien Testament à l’intérêt pour le Christ
Cependant, les chansons qu’il écrivait contenaient des allusions à la Bible, parlant de débauche et de damnation. Ce lecteur de la Bible était alors attiré par la violence dans les récits de l’Ancien Testament :
"J’éprouvais un intérêt croissant pour la littérature violente associé à un sens anonyme de la divinité dans les choses et, à l’aube de la vingtaine, l’Ancien Testament parlait à cette partie de moi qui vitupérait, persiflait et crachait sur le monde."
En 1988, sa chanson "The Mercy Seat" prend le prétexte d’une histoire de condamnation à la peine capitale pour articuler la question de la loi dans l’Ancien Testament et la celle de la grâce incarnée par le Christ.
Alors qu’il s’intéresse de plus en plus au Nouveau Testament dans les années 1990, il est appelé à contribuer à une introduction à l’Évangile selon Marc. Cave a lu ce livre après qu’un vicaire lui eut conseillé de faire une pause dans sa lecture de l’Ancien Testament. Ce fut une révélation, explique-t-il :
"Le Christ qui émerge de Marc, traversant les événements hasardeux de sa vie, avait en lui une intensité retentissante à laquelle je ne pouvais pas résister."
Dans cette présentation de cet évangile, il déclare :
"Je croyais en Dieu, mais je croyais aussi que Dieu était malveillant."
La mort accidentelle de son fils Arthur à l’âge de 15 ans, il y a huit ans, le conduit à chanter sa tristesse face au sentiment d’abandon. Les paroles de "Sun forest" en 2019 parle d’un "homme appelé Jésus" qui a promis d’illuminer la nuit. Cave se désole en pensant à sa solitude sous les étoiles qui "clignotent une par une". Mais c’est au milieu de ces lamentations qu’apparaît une foi plus développée lors de l’écriture du livre "Faith, Hope & Carnage" (Foi, Espoir & Carnage". Cet ouvrage "m’a permis de rassembler les fragments épars de ma pensée sur la religion", explique-t-il à Williams. C’est à la suite de ce livre qu’il a décidé de retourner à l’église.
S’il ne se qualifie pas de chrétien en raison de sa méfiance envers les connotations que peut avoir le terme, dit-il, il trouve dans l’Église un lieu de refuge où il peut ressentir et exprimer sa douleur et ses doutes, quand bien même son chagrin se renforce avec la perte d’autres êtres chers, comme sa mère en 2020 et son fils aîné l’an dernier à l’âge de 31 ans.
Soucieux des autres, Cave répond personnellement à ceux qui lui écrivent sur son site theredhandfiles.com pour demander conseil ou partager leurs luttes. C’est ainsi qu’il écrit à Claire qu’il est comme elle gêné par la religion organisée, mais qu’il pense que l’église qu’il fréquente lui "offre une structure durable qui peut contenir [son] incrédulité et [sa] foi en même temps."
Jean Sarpédon