Cinq musulmans pakistanais condamnés à mort pour avoir brûlé des chrétiens

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La justice pakistanaise vient d’admettre implicitement que la vie d’un chrétien vaut autant que celle d’un musulman. Il y a deux ans, un couple de chrétiens, Shahzad et Shama, était assassiné, brûlé vivant dans les flammes d’une briqueterie, par une foule en colère après que l’imam des lieux avait faussement accusé la jeune femme, enceinte, d’avoir profané le Coran. Les époux laissaient derrière eux quatre orphelins âgés de deux à sept ans. Le magistrat a condamné à mort cinq des coupables et prononcé d’autres peines.

Le 4 novembre 2014, un appel était lancé par les mégaphones de la mosquée de ce quartier où étaient employés Shahzad et Shama, dans une village attenant à la petite ville pendjabie de Kot Radha Kishan. Les musulmans étaient invités à se rassembler à la briqueterie ou travaillait le couple que l’on accusait alors d’avoir profané le Coran. Les époux tentèrent de se protéger de la foule en furie - dont le nombre de personnes ayant activement participé varie entre 400 et 1 000 selon les témoins - en se réfugiant dans une pièce, mais le toit de la fabrique fut rapidement éventré. Shahzad et Shama furent torturés avant d’être poussés vivants dans la fournaise pour y périr par les flammes, symbole du châtiment divin. Cinq policiers tentant de les sauver furent retenus par la foule, ils avaient été envoyés trop tard, leur hiérarchie n’ayant pas pris l’histoire au sérieux, selon un journaliste mentionné par la quotidien libéral pakistanais Dawn. Des employés des médias présents furent malmenés et leurs caméras arrachées. Selon le rapport initial de l’enquête le couple avait rapidement été réduit en cendres.

Le crime du couple résidait dans la destruction par Shama de papiers de son beau-père

Le crime du couple résidait dans la destruction par Shama de feuilles de papiers de son beau-père, un guérisseur religieux décédé quelques semaines auparavant. La jeune femme analphabète nettoyait la maison de ce dernier et ignorait que parmi les feuilles qu’elle allait brûler à la briqueterie se trouvaient des pages du Coran. Bilqees, un musulman du voisinage explique qu’un vendeur était dans l’usine quand il vit les pages sacrées rongées par le feu et qu’il les montra alors aux villageois. Les agresseurs refusèrent d’écouter Shama qui assurait qu’elle ne savait pas qu’il s’agissait du Coran. Pour le capitaine de police du district de Kasur, Jawad Qamar, Shama ne pouvait avoir blasphémé puisqu’elle ignorait totalement qu’elle brûlait des pages du livre sacré.

Le Premier ministre Nawaz Sharif, et le gouverneur du Pendjab, Shahbaz Sharif, prirent les mesures pour que justice soit faite et lancé une commission d’enquête. Les routes menant vers la localité furent bloquées et la police mena des raids dans les maisons des musulmans qui s’enfuirent, et se chargea de protéger les demeures de la douzaine de familles chrétiennes.

Venger le lynchage, justice de rue, par la justice d’État

Après un procès-verbal concernant 660 villageois, la police en arrêta 44. Le capitaine Qamar déclara qu’il s’agissait « d’un problème local initié par l’imam de la mosquée des lieux » et qu’il ne s’agissait pas d’une attaque menée par un groupe confessionnel particulier, excluant ainsi l’intervention d’une milice islamiste.

L’État pakistanais fit ce qu’il devait faire et se constitua plaignant

L’affaire avait secoué le Pakistan, les médias internationaux s’en étaient emparés, la justice se devait d’être impartiale. Pour éviter toute subornation de témoin, il fallait fallait qu’une instance supérieure s’emparât elle-même du cas et représentât elle-même les victimes. L’État pakistanais fit ce qu’il devait faire et se constitua plaignant. Les principaux coupables furent recherchés et traduits en justice. Ce sont des juges antiterroristes qui ont prononcé la peine capitale pour cinq assassins, faisant donc de ce crime une affaire de sécurité nationale. Les coupables ont par ailleurs été condamnés à payer chacun une amende de 200 000 roupies, l’équivalent actuel de 1 800 euros -  le salaire moyen au Pakistan est de 105 euros par mois. Parmi les condamnés à mort, il y a l’imam. Huit autres hommes ont reçu une peine de deux ans de prison pour leur participation au crime.

Souvent au Pakistan, les crimes dont les victimes appartiennent aux minorités, qu’elles soient chrétiennes, hindoues ou même de certaines communautés musulmanes, se résolvent dans l’injustice. Des pressions sont faites pour étouffer les affaires, les juges n’appliquent pas toujours le droit. Et l’accusation de blasphème aboutit à des lynchages, un fort sentiment d’impunité et de légitimité du crime prédominant alors. Cette décision de justice remet le droit au centre et fait des minorités des justiciables égaux aux musulmans majoritaires. En avril de l’an passé, Nauman Masih, un adolescent chrétien, avait été aspergé de kérosène puis brûlé vif après que des musulmans lui avaient demandé s’il était chrétien. Le jugement reconnaissant le tort fait à Shazhad et Shama pourrait faire jurisprudence.

Hans-Søren Dag


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