
Le Canada a annoncé qu’un accord de principe d’un montant de 40 milliards de dollars canadiens a été conclu pour indemniser des enfants des Premières Nations retirés de leur foyer.
Un épisode tragique de l’histoire canadienne a créé la stupeur fin mai dans le pays après que les restes de 215 enfants des Premières Nations aient été localisés dans une fosse commune non répertoriée, localisée sur le terrain d’un ancien pensionnat autochtone de Kamloops.
Moins d’un mois plus tard, 751 tombes anonymes ont été découvertes sur le site d’un autre ancien pensionnat autochtone géré par l’Eglise catholique à Marieval, en Saskatchewan. Le 30 juin, ce sont encore 182 tombes anonymes qui ont été détectées, sur un terrain qui abritait également un ancien pensionnat, comme l’a annoncé la communauté autochtone de Lower Kootenay, en Colombie Britannique.
Ces enfants, dont certains n’avaient que trois ans, avaient été arrachés à leur famille comme ce fut le cas pour 150 000 enfants des Premières Nations au XXe siècle. Ils faisaient partie d’un programme visant à « tuer l’Indien dans l’enfant » . Des institutions, dont la dernière a fermé ses portes en 1997, qui étaient destinées à « scolariser, évangéliser et assimiler les enfants autochtones ».
Ces découvertes ont mis en lumière un sombre chapitre de l’histoire du Canada et sa politique d’assimilation forcée considérée depuis 2015 comme un « génocide culturel ». Elles ont également poussé l’Eglise Catholique du Canada à présenter en septembre des excuses officielles aux peuples autochtones.
C’est dans ce contexte d’introspection du pays sur les torts causés aux inuits, métis ou membres des Premières Nations (Dene, Mohawks, Ojibway, Cris et Algonquins...) qu’a été conclu hier un accord de principe d’un montant de 40 milliards de dollars canadiens (soit 27,8 milliards d’euros) pour indemniser les enfants autochtones et leur famille et réformer le système de protection de l’enfance dont ils dépendent.
Selon le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones, Mark Miller, qui s’est exprimé mardi lors d’une conférence de presse en vidéo, il s’agit du « plus important accord d’indemnisation dans l’histoire du Canada ».
L’accord de principe, qui sera finalisé dans les mois à venir, vise à mettre fin à des années de litiges portant sur les sommes allouées par l’Etat fédéral aux services de protection de l’enfance pour les Premières Nations en comparaison à ceux offerts aux enfants non-autochtones.
La moitié de cette somme servira à compenser les enfants autochtones retirés de la garde de leurs parents et placés dans le système de protection de l’enfance, l’autre permettra de réformer ce système durant les cinq prochaines années.
« Aucune indemnisation ne peut compenser le traumatisme qu’ont subi les gens », a observé la ministre des Services aux Autochtones, Patty Hadju. Mais l’accord « reconnaît pour les survivants et leur famille la douleur et le préjudice causés par la discrimination dans le financement et les services ».
Le montant exact qui sera versé à chaque personne, ainsi que les modalités et le calendrier, seront déterminés lors de consultations entre des experts et la principale organisation autochtone du pays, l’Assemblée des Premières Nations, ont expliqué des avocats de plaignants dans deux affaires.
« Cet accord est historique et nous espérons qu’il marquera un tournant décisif dans le travail de réconciliation de ce pays », a observé l’un de ces avocats, Robert Kugler, dans un communiqué. Il estime également que le montant de l’accord « souligne la gravité du dommage subi et fournira un soutien financier pour permettre aux victimes d’améliorer leur vie en allant de l’avant ».
Camille Westphal Perrier (avec l’AFP)