Bouleversant témoignage de Monique Lépine, mère de l’auteur de la première tuerie de masse au Canada
« Moralement, j’étais à terre, comme un vase brisé. [...] En mille miettes. [...] Et je me suis dit, personne au monde ne peut m’aider, sauf Dieu. Et c’est là que j’ai décidé de crier ma détresse à l’Éternel, et finalement d’essayer de seulement être en mode survie. »
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onique Lépine était hier l’invitée de #OnEstEnsemble L’Hebdo. Elle est la mère de l’auteur de la première tuerie de masse au Canada et témoigne dans ce live de sa vie brisée, et de son chemin vers le pardon et la résilience.
Le 6 décembre 1989, Marc Lépine, armé d’un fusil semi-automatique et d’un poignard de chasse, entre dans une salle de cours de l’école polytechnique de l’université de Montréal, tue 14 jeunes femmes, en blesse 12 autres, puis s’enlève la vie. Ce drame qui choque le Québec est la première tuerie de masse qui a eu lieu au Canada.
« J’ai appris que mon fils était l’auteur de ce terrible massacre le lendemain soir. Je n’arrivais pas à y croire, parce que finalement je ne savais même pas que mon fils pouvait manipuler ces armes. Il n’habitait plus chez moi, il avait 25 ans. Et mon fils était très secret, donc je ne pouvais pas savoir ce qu’il pensait ou ce qu’il ressentait à l’intérieur de lui-même parce qu’il était secret. J’ai été vraiment dépassée par les événements quand j’ai entendu ça. Surtout que c’était dans une université, dans mon université, où j’avais passé 10 ans de ma vie. [...] Trente ans après, personne ne peut me dire vraiment ce qui s’était passé. Il est mort avec ses secrets. »
Le 6 décembre est désormais la journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. Une commémoration particulièrement douloureuse pour Monique Lépine.
« Chaque année, depuis 30 ans, dès qu’arrive le 6 décembre, on me remet toujours devant les événements. Je ne peux pas les oublier. Mais heureusement qu’aujourd’hui, j’ai pu quand même guérir de cette douleur. »
Sept ans après, en 1996, sa fille meurt d’une overdose. Pendant des années, elle plonge dans « un processus de douleur émotionnelle », n’osant pas révéler qu’elle est la soeur du tueur, et cherche alors à « paralyser sa douleur » dans la drogue.
« À cause de ma fille, qui me restait, qui était fragile, j’ai consacré ma vie à essayer de la protéger. Et peut-être que je l’ai trop protégée. Mais quoi qu’il en soit c’est ce qui est arrivé, sept ans après la mort de mon fils, ma fille n’a pas pu accepter cette situation. Elle est morte d’une surdose de cocaïne, qui l’a emportée. Mais j’ai eu le privilège de l’accompagner dans ses derniers instants et de lui parler de Jésus, et je suis certaine que je la reverrai au Ciel. »
Après la mort de sa fille, Nicole dit être dans un « état de complète désorganisation ».
« Moralement, j’étais à terre, comme un vase brisé. [...] En mille miettes. Et là, j’avais toute la peine du monde à accepter la situation. Je pleurais, je dormais, je me suis réfugiée dans le sommeil. Et je me suis dit, personne au monde ne peut m’aider, sauf Dieu. Et c’est là que j’ai décidé de crier ma détresse à l’Éternel, et finalement d’essayer de seulement être en mode survie. »
Alors qu’elle est proche de « mourir de peine », comme le rappelle Claude Houde, elle va dans une église. À ce moment-là elle préfèrerait la mort à la vie.
« Là on était en 2001. J’étais à l’église. C’était un dimanche matin. Mais j’avais une tristesse profonde à l’intérieur de moi. Alors que j’étais assise, je pleurais et tout à coup, j’ai senti mon âme sortir de mon corps. Et quand c’est arrivé au niveau du cou, j’avais une personne à côté de moi, et je me suis appuyée sur elle, je ne pouvais pas tenir ma tête droite. Je lui ai dit, ‘si je tombe, laissez-moi par terre, je ne veux plus aucune réanimation cardio-respiratoire’. Mais voyez, j’étais rendue au fond, au fond du baril, je ne pouvais plus rien par mes propres forces. Et c’est là que le Seigneur est venu me visiter et m’a dit, ‘qui fait battre ton coeur ?’. Et à ce moment-là, j’ai réalisé que si je suis en vie, c’est que le Seigneur veut que je sois en vie. Mes deux enfants sont morts, mais moi je suis vivante. »
Elle explique que Dieu a alors placé deux chemins devant elle.
« La mort, la vie. Et il m’a demandé, ‘quel chemin vas-tu emprunter pour le futur ?’. Et c’est là où j’ai dit, ‘Seigneur, puisque tu me le demandes, je vais, avec ta grâce, choisir le chemin de la vie, pour aider des personnes qui comme moi souffrent en silence’. »
Nicole explique qu’elle a recherché dans la Bible toutes les émotions qu’elle ressentait, la honte, la culpabilité, la colère, la peur, pour savoir ce que Dieu en disait.
« Il fallait que je fasse le ménage dans mes propres émotions. »
En 2002, le pasteur Claude Houde l’encourage à donner son témoignage. Immédiatement, la honte et la culpabilité disparaissent.
« J’ai arrêté de me cacher, et j’ai reçu ma nouvelle identité en Christ. [...] Le Seigneur me restaurait. »
Le pasteur Claude Houde raconte alors :
« La façon dont Dieu s’est servi de Monique par la suite est tout simplement miraculeuse. Dans notre église, il y a tellement de personnes qui ont été inspirées par Monique. Et Dieu lui a ouvert des portes sans précédent. Elle s’est retrouvée à parler à des prisonniers, à des criminels endurcis, derrière les portes des prisons, avec la sécurité maximum. On a mis devant elle des centaines de travailleurs dans les prisons, de policiers. Elle est devenue une formatrice des policiers. J’ai vu l’onction de Dieu sur Monique. Des cendres ont émergé un témoignage absolument magnifique. Et je me souviens ce soir-là, lorsqu’elle a donné son témoignage, toute une église a mis ses bras autour d’elle. Et aujourd’hui Monique a des centaines, si ce n’est des milliers, de fils et de filles. Elle est une maman spirituelle, et une inspiration pour nous. »
Monique a du commencer par se pardonner soi-même.
« J’ai fait plusieurs lettres de pardon, mais surtout à moi-même. Parce que les gens sont très faciles à accuser la maman, et à penser que c’est une mère indigne ou ainsi de suite. Il a fallu que je fasse la paix avec ça, en me disant, au moment où j’ai pris mes décisions, je les ai prises au meilleur de ma connaissance dans la situation dans laquelle je me trouvais. Donc, je ne pouvais pas me culpabiliser d’avoir été imparfaite. On est tous imparfaits. Il n’y a aucun parent parfait. »
Monique apprend alors à vivre « une journée à la fois », pour « être fidèle jusqu’au bout » en s’appuyant sur la fidélité de Dieu.
Si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à regarder le replay du live de #OnEstEnsemble L’hebdo dans la vidéo ci-dessous.
M.C.
Crédit Image : Monique Lépine