À l’occasion de la présentation de l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2023, InfoChrétienne a rencontré la pasteure évangélique iranienne Dabrina Bet-Tamraz. La jeune femme de 37 ans ayant fui l’Iran en 2009 en raison de sa foi, témoigne et milite depuis sans relâche pour la liberté dans son pays. Elle nous a raconté son histoire.
Depuis la mort de Mahsa Amini, jeune iranienne décédée en septembre dernier après avoir été détenue par la police des mœurs, l’Iran connaît des manifestations massives que rien ne semble pouvoir arrêter. Malgré la violente répression du gouvernement et les exécutions, le peuple continue de protester dans les rues.
C’est dans ce contexte, que l’ONG Portes Ouvertes qui présentait la semaine dernière son Index Mondial 2023, a mis l’accent sur la condition de vie des chrétiens dans le pays (classé 8e dans l’Index) et a invité Dabrina Bet Tamraz, pasteure iranienne d’origine assyrienne, à témoigner.
La persécution, une habitude pour les chrétiens en Iran
La militante des droits humains de 37 ans ayant fui Téhéran en 2009 a raconté combien « au cours des quatre dernières décennies, les chrétiens ont été harcelés, emprisonnés, interrogés et surveillés de bien des manières ». Elle a évoqué avec émotion des persécutions endurées par la minorité, expliquant que cette situation était devenue une habitude, au point qu’elle avait fini par croire que c’était normal.
« Je pensais que c’était normal que mon père, pasteur, disparaisse juste avant le culte. Que c’était normal d’être convoquée deux fois par semaine pour des interrogatoires, que des caméras soient installées juste devant notre maison, que notre église soit fermée, que je sois constamment menacée d’être violée, torturée, emprisonnée ou pendue. »
Dabrina nous a confié avoir grandi en étant consciente qu’il y avait un prix à payer pour sa foi chrétienne.
« Nous savions qu’il y avait une possibilité que mes parents soient tués. Et nous devions être calmes et en paix avec cela. J’ai grandi en sachant que moi ou un membre de ma famille pouvait mourir pour sa foi, que nous irions probablement en prison et que je serai persécutée pour ce que je crois. »
Pourtant, malgré le danger et la peur, la jeune fille a grandi avec cette foi chevillée au corps, déterminée à suivre l’exemple de ses parents. Après le lycée, elle a vécu plusieurs années en Angleterre pour y étudier la théologie avant de revenir en 2007 dans son pays pour étudier la psychologie, tout en travaillant dans une église.
« Mon rêve était de devenir psychologue chrétienne en Iran. C’était chez moi et c’est là où je voulais vivre. »
Déjà douze ans d’exil
Cependant en 2009, l’étau se resserre pour les chrétiens du pays. En mars, le gouvernement a fermé son église et peu de temps après ils sont venus à l’université pour l’interroger. La même année Dabrina a été expulsée de l’université et menacée de cinq ans de prison.
En 2010, elle a pris la décision de partir, « juste pour quelques mois ».
« Lorsque je suis sortie de prison, j’ai eu deux jours pour quitter le pays. J’ai préparé une valise et je suis partie ». Elle évoque le choc qu’elle a ressenti en descendant du train lors de son arrivée en Suisse, essayant de se convaincre que cette situation ne serait que temporaire.
« Je devais partir, juste le temps que la situation se calme et que je rentre chez moi ». C’était il y a douze ans. Elle espère pouvoir un jour retourner en Iran, « quand le pays sera libre ». Pour l’heure, la jeune femme est considérée comme une terroriste et sait qu’elle risque de passer des années derrière les barreaux si elle pose le pied sur le sol iranien.
Finalement, c’est dans la confédération helvétique qu’elle s’est installée. Elle a réussi à finir ses études, un master en business et management. Aujourd’hui, elle partage son temps entre une l’église évangélique où elle travaille comme pasteure et un poste de consultante pour aider les réfugiés politiques iraniens.
« La peur ne fonctionne plus »
À propos de la situation actuelle de l’Iran, elle nous confie être « très optimiste » pour le futur, estimant que le soulèvement auquel nous assistons aujourd’hui amènera du changement.
« Les gens en ont assez, la peur ne fonctionne plus pour les faire taire. La prochaine génération ne veut pas de ce régime. »
« Ils ont officiellement tué 500 personnes, bien que ce soit probablement bien plus. Et pourtant le peuple continue de protester et de descendre dans la rue. La peur ne fonctionne plus parce que les gens sont fatigués, ils veulent du changement », estime-t-elle.
Selon Dabrina, les Iraniens, notamment les chrétiens, ont accepté pendant trop longtemps une situation inacceptable.
« Nous n’avons pas élevé la voix. Nous n’avons pas documenté la répression. Nous avons accepté la situation. Quand ils ont commencé à fermer des églises, les autres pasteurs se sont contentés de se taire, en pensant qu’ainsi la leur resterait ouverte. Et c’est notre abandon qui leur a permis de continuer cette persécution. »
Femme, vie, liberté
Alors aujourd’hui, elle a décidé qu’elle ne se tairait plus. À la Maison Blanche, à l’ONU, elle témoigne sans relâche de ce que vivent les chrétiens iraniens dans son pays. Si elle évoque pour l’heure les « petits pas » qui sont faits pour les aider, elle estime que sa voix, comme celle d’autres militants des droits de l’homme iraniens, commence à être entendue à l’international et s’en réjouit.
Pour l’avenir, « tout est possible » affirme la pasteure évangélique qui souligne que les Iraniens doivent s’unir, mettre de côté leurs différences et leurs religions pour s’allier. Elle cite enfin le slogan des manifestations iraniennes, « Femme, vie, liberté ».
« C’est ce que nous voulons, la liberté pour tous ! ».
Camille Westphal Perrier