La Bible n’a pas sans doute pas fini d’être le livre le plus lu au monde. Chaque année de nouvelles populations la découvrent grâce à la traduction qui en est faite dans leur langue, parler, dialecte. Le défi pour couvrir les besoins est énorme car on estime à pas moins de 6860 le nombre de langues parlées sur la planète.
L’association internationale qui le mène a pris le nom de Wycliffe, du nom du pionnier en la matière, John Wycliffe, qui a eu l’audace de traduire les Ecritures en anglais. C’était en 1382 lorsque, avec ses amis d’Oxford, il a publié cette traduction à partir du latin (la Vulgate), bravant là l’interdit de l’Église.
Sept siècles plus tard, en 2016, toute la Bible est disponible en 554 langues, le seul Nouveau Testament en 1333 langues et un ou plusieurs livres en 1045 langues.
L’Alliance Mondiale Wycliffe a été créée pour contribuer à ce travail en 1917. L’idée est née de Cameron Townsend lorsqu’il s’est entendu dire au Guatemala :
« Si votre Dieu est vraiment grand, pourquoi ne parle-t-il pas ma langue ? ». Il s’est mis au travail…
Présente dans 45 pays et avec une soixantaine d’organisations partenaires, cette structure déploie actuellement 6000 missionnaires dans le monde pour mener sur le terrain ce travail de traduction.
La structure française basée à Valence. En France, la structure membre existe depuis 1971 et depuis 1993, elle est basée dans le centre-ville de Valence. C’est là, dans un bâtiment à étages, que travaillent en permanence la directrice Karine Berndt, ainsi que six autres salariés qui occupent des fonctions administratives et où sont rattachés une vingtaine de bénévoles. Sur place existe un service de traduction anglais-français pour que les documents ressources reçus en anglais puissent être renvoyés traduits à une coordinatrice en Afrique. Il n’y a là que des femmes, et la direction aimerait bien recruter un homme pour assurer la communication entre Wycliffe France et les églises, compte tenu du fait que « certains milieux sont plus réfractaires aux femmes.
Ce sont 35 permanents qui dépendent de l’association française, également compétente pour la partie wallone de la Belgique. Car le travail de traduction s’effectue sur le terrain, loin de la France. Pour une grande majorité, il s’agit du continent africain et pas toujours dans des pays où le christianisme est en odeur de sainteté et où partie francophone est moins une priorité qu’auparavant. Ce travail de terrain suppose une longue immersion des traducteurs et de leur famille dans le pays, sachant qu’il faut compter dix à quinze ans rien que pour la traduction d’un Nouveau Testament. Ce délai a d’ailleurs passablement été raccourci grâce au développement de l’outil informatique puisqu’il tournait autour de 25 ans auparavant, souligne Karine Berndt, qui fut elle-même sur le terrain africain pendant plusieurs années. Elle y a d’ailleurs mené un travail d’alphabétisation, qui se déroule en parallèle de la mission de traduction (voir par ailleurs) pour permettre le développement d’églises locales.
Techniquement, l’ordinateur se révèle précieux pour les traductions. Les logiciels d’analyse de la voix sont précieux pour découvrir les règles de la langue par la tonalité, quelquefois plus importante que la lettre elle-même. Utiliser l’écoute et de la phonétique, chercher des langues apparentées à partir d’une liste de mots, essayer de découvrir un alphabet ou retrouver une grammaire permettent de traduire d’un parler à un autre et même de donner une structure écrite à des langues orales. Par exemple le Feulfude parlé par une douzaine de millions d’habitants de l’ouest à l’est de l’Afrique nécessite à lui seul une dizaine de traductions du fait qu’il existe des nuances importantes dans son utilisation.
Des partenariats et un rôle de formation. Cette œuvre se fait en corrélation avec les églises locales protestantes, de toutes dénominations (baptises, évangéliques, réformées…) et aussi catholique. D’ailleurs, c’est l’évêque qui a présidé la récente remise de Bibles en nawdba au Togo.
« Nous encourageons les églises à traduire la Bible, et nous recrutons alors des missionnaires pour les aider. En plus, nous travaillons avec des partenaires locaux, des organisations comme la SIL, des ONG, qu’elles soient chrétiennes ou non, des universités…On travaille de plus en plus avec les églises locales et leurs responsables , les pasteurs, des responsables d’écoles du dimanche (NDLR : approches de la foi pour les enfants pendant les temps de culte) car ils n’ont pas forcément l’habitude d’utiliser la Bible dans leur langue pour la prédication la prière, l’enseignement » indique la directrice.
Des programmes d’amélioration de la santé et de l’hygiène, touchant aussi les questions d’eau et de gestion agricole ou environnementale sont aussi menés par les structures de Wycliffe, également attachées à la préservation des cultures : donner envie de lire, développer la louange locale basée sur des instruments traditionnels.
A Wycliffe, on est d’ailleurs très soucieux de ne pas faire de paternalisme en faisant en sorte que les peuplades concernées puissent se prendre en charge. Et on préfère agir comme conseiller auprès d’elles pour qu’elles s’investissent dans des projets propres auxquels l’association apportera son assistance.
Depuis une douzaine d’années, cette tendance s’est accentuée et Wycliffe joue de plus en plus un rôle de formateur, souligne Karine Berndt :
« On soutient toujours les mouvements, mais de façon différente en matière de partenariat-collaboration ».
Chrétiens et non aventuriers. Ces traducteurs sont avant tout des chrétiens qui doivent être des membres actifs d’une église avec des références données par leur pasteur. Ce sont des protestants qui doivent être en accord avec la charte commune à l’Alliance Mondiale « On veut éviter le côté aventurier. On a une liste interne des besoins les plus urgents pour les volontaires qui veulent partir. On est vraiment dans la mission de Dieu comme l’évangélisation. L’accent est mis sur la prière avec des temps qui y sont dévolus chaque matin, chacun reçoit un bulletin de prière mensuel » précise la directrice France. Ils reçoivent leur formation en Angleterre, au collège Radcliffe de Gloucester, tandis que des cours d’apprentissage sont donnés à l’institut Emmaüs en Suisse.
Mais en ce XXI° siècle, l’association constate une tendance chez les volontaires : celle de s’engager pour des temps plus courts.
« Maintenant les jeunes raisonnent sur le court terme, pour certains c’est même quelques mois avec l’envie de changer le monde … C’est un défi pour nous de savoir comment y répondre, pour quelque chose de concret ; et ce n’est pas facile » constate Karine Berndt. Et d’ajouter : « Nous manquons de bénévoles ou de personnes en temps salarié. Mais la difficulté vient du fait qu’il n’est pas facile de trouver un soutien financier personnel suffisant ». Car côté recrutement justement, à la différence de l’Europe de l’Est où les candidats sont nombreux, ce n’est pas l’abondance en Europe occidentale et particulièrement en France».
Le travail ne manque pourtant pas pour cette œuvre missionnaire au niveau international. Il y a encore 1780 zones de langues où pas un seul verset de la Bible n’a été traduit.
Côté français, deux projets ont dernièrement abouti, au Niger et au Sénégal. Et Wycliffe-France procède actuellement, avec un nouveau conseil d’administration, à une redéfinition de sa vision dans la place qu’elle occupe au sein de la structure internationale en matière de traduction.