La récente visite du pape François au Canada visait à demander « pardon pour le mal commis » à 150 000 enfants autochtones jadis coupés de leur famille. Mais un autre sujet, contemporain cette fois, aurait aussi pu retenir son attention lors de sa venue : le fait que le travail des enfants soit encore et toujours légal au Québec. En effet, chez nos cousins d’outre-Atlantique, la loi sur les normes du travail permet que les moins de 14 ans travaillent, avec l’accord de leurs parents. Les moins de 16 ans ne peuvent juste pas le faire durant les heures de classe...
Le Québec est en effet la seule province canadienne à ne pas avoir fixé d’âge minimum pour le travail des enfants. Face au manque de main-d’œuvre actuel, la province canadienne a désormais recours aux enfants de 11 ans pour occuper certains emplois pérennes. Ce phénomène de l’emploi des enfants n’a fait que s’accentuer année après année, gagnant dix points entre 2016 et 2019. Alors qu’il n’existe pas d’âge minimum requis pour commencer à travailler dans cette province canadienne, le taux d’emploi des mineurs y dépasse désormais les 50%. Et ils ne travaillent pas juste pour le plaisir : selon une étude de la Chaire-réseau sur la jeunesse du Québec, 82% des 15 ans et plus avouent travailler pour financer leurs études, 7% pour d’autres raisons économiques. Seulement 5,4% disent le faire par choix personnel.
C’est en fait la déréglementation des horaires d’ouverture des commerces de détail en soirée et le week-end qui a fait exploser les besoins en main-d’œuvre à temps partiel. Des emplois occupés par des jeunes, voire par des enfants, dans la Belle Province. Il faut dire qu’avec un taux de chômage de seulement 3,9%, et environ 250 000 postes à pourvoir, la pénurie de main d’œuvre y est réelle. À cela s’ajoute une culture très nord-américaine prônant l’autonomisation des enfants par le travail. Mais, dorénavant, au lieu de se contenter de baby-sitting, de distribuer les journaux ou de ramasser fruits et légumes au sein des exploitations, voilà que ces enfants se retrouvent sur le circuit officiel du marché du travail, à occuper de vrais emplois à temps partiel, et assumant de véritables responsabilités. Avec aussi pour conséquence une multiplication des accidents du travail : 149 concernaient des enfants de moins de 16 ans en 2020, selon La Presse. Alors que le ministère québécois du travail et de l’emploi a récemment reconnu qu’il n’était pas normal que des enfants de 11 ans travaillent, il se peut que le Québec aligne à l’avenir ses textes sur ceux de la Colombie-Britannique qui, l’an passé, a fixé à 16 ans l’âge minimum pour travailler.
Judikael Hirel
Source : Le Figaro
Cet article est publié à partir de La Sélection du Jour.