La foule a pris d'assaut un poste de police au Pakistan et a lynché à mort un homme accusé de blasphème.
Une foule de jeunes gens a battu à mort samedi Muhammad Waris, un homme musulman accusé de blasphème dans la province du Pendjab, au Pakistan. Cette annonce a été faite par la police, qui avait pourtant enfermé la victime dans ses locaux pour assurer sa protection.
Des centaines de personnes ont pris d'assaut le poste de police où cet homme était détenu pour assurer sa protection, dans le district de Nankana, à quelque 80 km de la capitale provinciale Lahore. Les émeutiers ont blessé des agents de police et dévasté les locaux avant de battre l'homme à mort.
Le porte-parole de la police locale Waqas Khalid raconte à l'Agence France Presse comment la victime, un trentenaire, accusé d'avoir profané le Coran, a été prise à partie par la foule.
"La foule a pris d'assaut le poste de police et battu l'homme à mort. Après l'avoir tué, ils ont tenté de brûler son corps."
Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux montrent des centaines de jeunes gens faisant le siège des locaux de la police. Parmi eux, un homme escalade un portail à l'aide d'une échelle avant de l'ouvrir. La foule se rue alors à l'intérieur et fracasse les fenêtres.
D'autres vidéos insoutenables montrent son lynchage, comment il a été trainé nu dans la rue et le moment où les assaillants mettent le feu à son corps.
Une enquête est désormais en cours pour identifier les auteurs du crime. Plus de 900 vidéos ont été prises lors du lynchage. Elles sont en cours d'analyse. 60 personnes soupçonnées d'être impliquées dans cette mise à mort ont d'ores et déjà été arrêtées.
"Le gouvernement n'a pas développé de stratégies pour résoudre ces problèmes et faire face aux situations d'urgence comme le récent lynchage", dénonce Naveed Walter, président de l'organisation Human Rights Focus Pakistan, dont les propos ont été repris par Asia News. Il réclame que la Cour Suprême ne juge pas ce lynchage comme une affaire individuelle mais cherche une stratégie permanente.
"Dans quelques jours, les actions des autorités seront sans valeur. Les affaires de blasphème sont sensibles et la sécurité de chaque accusé doit être renforcée. Aucun gouvernement n'a pris de mesures sérieuses pour freiner les lynchages, au contraire, la police a également dans d'autres cas permis à des foules en colère de mener ces actions . Mais seuls les tribunaux ont le droit de confirmer qui est coupable. L'incapacité d'arrêter les violations de l'État de droit devient ainsi un soutien aux fanatiques."
Pour Samson Salamat, président de Readari Tehreek, un mouvement interreligieux contre l'extrémisme, "le lynchage d'une autre personne accusée de blasphème est une preuve supplémentaire de l'incapacité de l'appareil d'État à garder le contrôle de la situation lorsque les réactions du public à des accusations de blasphème se produisent".
"Le Pakistan affiche les fruits de la semence de l'intolérance religieuse, rendue possible par des années de programmes déformés dans les séminaires religieux, l'impunité accordée aux groupes extrémistes et la propagande religieuse facilitée par les lois sur le blasphème."
La victime avait déjà été inculpée de blasphème en 2019. Un tribunal venait de le déclarer innocent et de le libérer.
M.C. (avec AFP)
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