Au Pakistan, 4 articles du Code Pénal font régner la terreur auprès de toutes les minorités, chrétienne ou non : la loi sur le blasphème. Dans un pays où 95% de la population est musulmane, elle a pour objectif l’islamisation du Pakistan, mais sert souvent de prétextes à la résolution de conflits anodins entre voisins ou collègues.
Quand l’actuel Pakistan était encore une colonie anglaise, les autorités britanniques considéraient comme un crime les « actes délibérés offensant les sentiments religieux. » Au cours des siècles, cette loi sera conservée, annulée, puis modifiée jusqu’à devenir un chapitre du Code Pénal pakistanais, « Sur les délits liés à la religion ». Parmi ces articles, on peut lire :
- « Profaner, etc..., le saint Coran
- Tenir des propos insultants, etc... au saint prophète
- Mauvaise utilisation d’adjectifs, descriptions et titres réservés à certaines places ou certains personnages saints »
Profaner le prophète est passible de la peine de mort. Profaner le coran vaut la prison à perpétuité. Le rapport de la Commission des Etats Unis sur la liberté religieuse internationale donne des chiffres accablants. Depuis 2011, 100 cas de blasphèmes ont été déclarés, quasi autant de peines. 40 personnes attendent la peine capitale dans les couloirs de la mort, ou purgent la perpétuité. Mais ces chiffres, pourtant tragiques, ne représentent qu’une petite partie des victimes de ces lois. La plupart des accusés sont lynchés sur la place publique par la foule, dès l’annonce d’un éventuel blasphème. Ce fut le cas pour Shahzad et Shama Masih. Ce couple, accusé d’avoir profané le Coran, parent de 3 enfants, a été lynché et brûlé vif sur leur lieu de travail, sans même avoir été jugé. Les 5 policiers n’ont rien pu faire contre la foule des 600 personnes présentes. Les suspects agissent en quasi-totale impunité. La Commission des États-Unis parle d’une « atmosphère de harcèlement social et de violence ».
Al Albeen Mirza, avocate pakistanaise, déplore:
« Une accusation de blasphème n’aboutit presque jamais à une procédure judiciaire. Quand quelqu’un fait une accusation, les voisins font le reste. »
Les enfants ne sont pas à l’abri. Au Pakistan, les enfants aussi risquent la peine de mort. En 2016, un jeune garçon de 9 ans a échappé in extremis à la peine capitale.
Les musulmans n’ont pas besoin d’apporter de preuves pour porter une accusation. La Charia prévoit que la voix d’un musulman a autorité sur le témoignage d’un non-musulman. Les dérives sont inévitables comme le note le rapport de la Commission :
« Les accusateurs n’ont pas besoin d’amener une quelconque preuve que le blasphème ait eu lieu, ce qui conduit à des abus, y compris de fausses accusations. »
Dans ce contexte, une utilisation abusive est faite de cette loi. Elle sert le plus souvent à régler de simples conflits entre voisins ou entre collègues.
De simples conflits qui mènent à la mort, comme l’explique Yasser Latif Hamdani, avocat pakistanais :
« Tout peut être blasphème, c’est très large. Je ne pense pas qu’on puisse se défendre contre de telles allégations. Être poursuivi pour blasphème est une peine de mort garantie. »
Certains hommes politiques tentent de réformer cette loi. Mais ils subissent alors une pression parfois funeste. Comme Salmaan Taseer, ancien gouverneur du Pendjab, assassiné par Mumtaz Qadri, policier d’élite pourtant chargé de sa sécurité.
C’est à cause de cette loi qu’Asia Bibi, chrétienne et mère de famille, accusée d’avoir profané le nom du prophète, est retenue depuis 2010 en attente de l’exécution de sa peine de mort par pendaison.
Mais l’heure ne semble pas être à la révision de cette loi. Imran Khan, nouveau Premier Ministre du pays, réaffirme le soutien « total » de son parti pour cette loi et assure qu’il la « défendra ».
La rédaction
Crédit image : Asianet-Pakistan / Shutterstock.com
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