"Il faut vivre quand même": au marché de Noël de Strasbourg, visiteurs et commerçants s'efforcent samedi de profiter des festivités malgré le lourd bilan de l'attaque à la voiture-bélier commise sur un marché de Noël à Magdebourg en Allemagne la veille.
Au pied du grand sapin décoré sur la place Kléber, l'ambiance reste familiale et détendue en ce dernier week-end avant Noël, et la fréquentation paraît encore plus forte que les semaines précédentes.
"Je trouve ça très festif, on est ravi, même s'il y a beaucoup de monde", se réjouit Marie de la Brosse, 77 ans, venue de Bordeaux visiter Strasbourg avec son mari pour la première fois.
Comme la plupart des touristes et des riverains, elle a bien en tête le drame qui a fait cinq morts et plus de 200 blessés à Magdebourg, et qui l'a beaucoup touchée.
"C'est dramatique ce qui c'est passé, c'est abominable", réagit-elle. "Mais si on a peur de tout, on reste enfermé chez soi. On a vu des voitures de police un petit peu partout, donc je crois qu'il faut sortir. La vie ne peut pas s'arrêter, il faut aller de l'avant".
"Brutal"
De fait, la présence des forces de l'ordre est particulièrement importante à Strasbourg, après l'attentat qui avait fait cinq morts et onze blessés dans les rues de la capitale alsacienne en décembre 2018.
Pour sécuriser cet événement qui attire plus de trois millions de visiteurs en un mois, plus de 1.000 agents de police ou de gendarmerie et militaires de l'opération Sentinelle sont mobilisés chaque jour, en plus des pompiers et de la sécurité civile.
A chaque entrée du marché, des contrôles des sacs sont réalisés, auxquels se plient sans rechigner les visiteurs, et la circulation automobile est interdite dans tout le périmètre de la manifestation: des fossés ont été formés pour empêcher les véhicules d'y pénétrer.
Le dispositif de sécurité "est très conséquent et prend déjà en compte le risque d'attentat à la voiture bélier", assure à la presse le préfet du Bas-Rhin, Jacques Witkowski. Il ne sera pas réévalué après l'attaque en Allemagne.
Pour Jasmin Schmitt, touriste allemande venue de la région voisine du Bade-Wurtemberg avec son mari et son fils, cette sombre actualité reste difficile à vivre.
"Magdebourg, ce n'est pas une ville où j'aurais pensé qu'il pourrait se produire une telle chose", explique-t-elle. "J'ai vu la vidéo de l'attaque, c'est très dur, très brutal, c'est presque insoutenable de la regarder".
La famille avait évité le marché de Noël de Strasbourg après l'attentat de 2018, et pour sa première visite depuis six ans, la voilà à rediscuter de l'attitude à adopter.
"Il faut vivre quand même", se résout, fataliste, cette femme de 58 ans, bonnet noir sur les cheveux, un verre de vin chaud à la main. "Si ça arrive, ça arrive. Je me dis que je peux aussi mourir sur la route... C'est le destin".
"Des cibles"
Très occupés dans leurs petits chalets derrière les étals de décorations de Noël, objets en bois et autres produits de l'artisanat, les commerçants évitent de trop penser aux attaques.
"C'est sûr que les marchés de Noël sont devenus des cibles très attractives pour ceux qui veulent se venger de +je ne sais quoi+", reconnaît Jean-Luc Pradels, 66 ans, qui tient un stand de livres pour une association protestante. "C'est inquiétant dans le fond, même si on a un système de surveillance qui me rassure. Mais on ne peut pas éviter le malheur".
Dans son association, plusieurs bénévoles s'étaient désistés pour tenir le stand après l'attentat de 2018. Mais cette fois-ci, malgré son ampleur, l'attaque de Magdebourg lui semble trop lointaine pour affecter véritablement le marché de Noël de Strasbourg.
"Les gens ont déjà prévu de venir ici, je ne pense pas que ça puisse avoir véritablement de répercussions, ou alors seulement à la marge", veut-il croire.
Les autorités locales ont tenu à exprimer leur sympathie auprès de leurs homologues allemandes. "Nous sommes profondément choqués (...) l'effroi est immense", a déclaré la maire écologiste de Strasbourg Jeanne Barseghian, se disant sur X "solidaires dans ces heures terribles".
La Rédaction (avec AFP)