Au lendemain du premier tour des législatives, le CNEF exhorte à "refuser les postures de haine, d’invective et de rejet"
Alors que la France entre ce lundi dans une semaine décisive de tractations politiques au lendemain du premier tour de législatives historiques, le Conseil national des évangéliques de France réitère son appel à "rechercher de manière exigeante, constructive et apaisée, à faire société ensemble" et à "refuser les postures de haine, d’invective et de rejet".
Trois semaines après le séisme politique provoqué par le président Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale, les Français ont voté massivement dimanche au premier tour du scrutin.
Avec 33,2-33,5% des suffrages, le Rassemblement national (RN, extrême droite) et ses alliés obtiennent leur meilleur score au premier tour d'un scrutin dans le sillage des européennes, selon les dernières estimations.
Ils devancent le Nouveau Front populaire réunissant la gauche (28,1-28,5%), loin devant le camp d'Emmanuel Macron (21-22,1%).
Au lendemain de ce vote historique, le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) a réitéré sur X son appel à "rechercher de manière exigeante, constructive et apaisée, à faire société ensemble avec les autorités qui auront été désignées". L'organisation exhorte également à refuser "les postures de haine, d'invective et de rejet".
Au-delà de ces échéances il nous faudra continuer à rechercher de manière exigeante, constructive et apaisée, à faire société ensemble, avec les autorités qui auront été désignées.
— Romain CHOISNET (@comcnef) July 1, 2024
Prenons dès lors le parti de refuser les postures de haine, d’invective et de rejet.
Une déclaration qui fait écho au communiqué publié par le CNEF, quelques jours avant le scrutin, pour "participer à la réflexion commune". Un document intitulé "Retrouver la force d'aimer" qui listait "un ensemble de valeurs issues de leur foi" telles que "le rejet de toute forme de racisme et d’antisémitisme" ou encore "la valeur inaltérable et absolue de toute vie humaine".
Le CNEF n'avait pas donné de consignes de vote, refusant les "postures partisanes" et le "prêt-à-penser". Citant Jésus lorsqu'il encourage ses disciples à ne pas se laisser gagner par la peur, le président du CNEF, le pasteur Erwan Cloarec, invitait toutefois les chrétiens à résister à "la tentation d’un vote qui obéisse aux passions tristes du repli, de la colère ou encore des promesses humaines de lendemains qui chantent".
Un second tour "déterminant"
L'extrême droite a demandé aux Français de lui donner une majorité absolue au deuxième tour. Le second tour des législatives de dimanche prochain sera "l'un des plus déterminants de toute l'histoire de la Ve République" française, fondée en 1958, a lancé le jeune président du RN, Jordan Bardella, 28 ans. Les Français "ont rendu un verdict sans appel", s'est-il réjoui dimanche soir. Trente-neuf députés RN ont été élus dès le premier tour, contre 32 pour le Nouveau Front populaire.
"Il nous faut une majorité absolue", a lancé de son côté la cheffe de l'extrême droite française, Marine Le Pen, présidente des députés RN, élue dès le premier tour dans le Nord.
Si Jordan Bardella devenait Premier ministre, ce serait la première fois qu'un gouvernement issu de l'extrême droite dirigerait la France depuis la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle un régime collaborationniste non élu avait été mis en place.
Le père de Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen, avait co-fondé en 1972, avec deux anciens Waffen-SS, le Front national (devenu RN en 2018). M. Le Pen avait alors choisi le même emblème que celui du parti néo-fasciste italien: une flamme tricolore.
Obsédé par l'immigration et les juifs, Jean-Marie Le Pen a été condamné plusieurs fois pour ses dérapages, qualifiant notamment les chambres à gaz de "point de détail de l'histoire".
Assemblée bloquée ?
Alors que le traditionnel "front républicain" en France contre le RN apparaît moins systématique que par le passé, le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen est en mesure d'obtenir une forte majorité relative voire une majorité absolue dimanche prochain.
Mais le scénario d'une Assemblée nationale bloquée, sans alliances majoritaires envisageables entre les trois blocs en présence, reste aussi une possibilité, un scénario qui plongerait la France dans l'inconnu.
Le pari d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale au soir de la déroute de ses candidats aux élections européennes du 9 juin, est dans tous les cas définitivement perdu.
Visage d'apparence lisse incarnant un parti lepéniste dédiabolisé, Jordan Bardella, qui aspire à entrer à Matignon, a promis d'être "un Premier ministre de cohabitation, respectueux de la Constitution et de la fonction du président de la République, mais intransigeant" sur son projet de gouvernement.
Il s'agirait d'une cohabitation inédite entre Emmanuel Macron, président pro-européen, et un gouvernement beaucoup plus hostile à l'Union européenne, qui pourrait faire des étincelles au sujet des prérogatives des deux têtes de l'exécutif, notamment en matière de diplomatie et défense.
"L'extrême droite est aux portes du pouvoir", a alerté le Premier ministre Gabriel Attal, appelant à "empêcher le Rassemblement national d'avoir une majorité absolue". "Nous avons sept jours pour éviter à la France une catastrophe", a lancé de son côté le député européen de gauche Raphaël Glucksmann, qui a appelé tous les candidats arrivés en troisième position à se désister.
Une centaine d'organisations en France, dont des associations et des syndicats, ont appelé dimanche soir à voter contre le RN au second tour. "Pas une voix ne doit manquer à la défaite du RN", ont estimé les signataires de cet appel, rédigé à l'initiative de la Ligue des droits de l'homme (LDH).
Interrogé séparément par l'AFP, SOS Racisme a regretté une tendance à la dédiabolisation du RN et du FN depuis une vingtaine d'années.
"Progressivement il a été expliqué qu'il ne fallait pas diaboliser le FN, évoquer le racisme et les racines de ce parti, parce qu’on nous disait que cette façon de lutter ne permettait pas de contrer le RN", a déclaré Dominique Sopo, président de SOS Racisme. "Au bout de plus de 20 ans de cette doxa, on voit que ça ne marche pas: le RN a vu ses scores exploser".
Camille Westphal (avec AFP)