Au lendemain du coup de tonnerre de la dissolution de l'Assemblée nationale annoncée en France, les grandes manœuvres ont commencé : le leader d'extrême droite Jordan Bardella sera le candidat de son parti pour le poste de Premier ministre tandis que la majorité et la gauche font tout pour le mettre en échec. Les représentants des cultes ne se sont eux pas encore exprimés sur la question.
Le président Emmanuel Macron a répondu à la victoire historique de l'extrême droite française aux européennes dimanche par la convocation de législatives anticipées, plongeant le pays dans un profond flou politique.
"J'ai confiance en la capacité du peuple français à faire le choix le plus juste pour lui-même et pour les générations futures. Ma seule ambition est d'être utile à notre pays que j'aime tant", a affirmé lundi le chef de l'Etat, dans un message posté lundi sur le réseau social X.
Trois semaines éclair s'ouvrent avant le premier tour des législatives le 30 juin puis le second le 7 juillet, à la veille des Jeux Olympiques de Paris (26 juillet - 11 août) et le Rassemblement national (RN), le parti d'extrême droite présidé par M. Bardella, n'a pas perdu de temps pour lancer sa campagne.
"Jordan Bardella a été élu député européen, donc il a déjà l'onction populaire" et " c'est notre candidat pour aller Matignon", nom de la résidence officielle du Premier ministre, a annoncé lundi le vice-président du Rassemblement national (RN), Sébastien Chenu.
La dissolution sonne comme un "coup de tonnerre" autant qu'un "coup de poker", au moment où "il y a une très forte volonté de la part des Français de sanctionner le président de la République", souligne la sondeuse Céline Bracq, directrice générale de l'institut Odoxa.
Emmenée par Jordan Bardella, la liste du RN a triomphé avec quelque 31,36% des voix, très loin devant la candidate macroniste Valérie Hayer (14,60%) et la tête de liste du Parti socialiste Raphaël Glucksmann (13,83%).
Le parti d'extrême droite ne fera pas d'alliance avec d'autres partis mais proposera une plateforme électorale qui "s'adressera à tout le monde en dehors des partis politiques", a averti Sébastien Chenu.
Le RN est "prêt à exercer le pouvoir", avait affirmé dès dimanche Marine Le Pen, avant un bureau exécutif avec Jordan Bardella, sur un format mimant un conseil des ministres.
Une "dynamique nouvelle"
Emmanuel Macron a de son côté réuni le gouvernement dans la soirée. Le chef de l'Etat doit se rendre lundi à des commémorations à Tulle et Oradour-sur-Glane (centre), mais il a aussi promis de s'exprimer cette semaine pour dire "l'orientation" qu'il croit "juste pour la nation".
"Le président a pris les devants de quelque chose qui paraissait à chacun inéluctable", veut croire un membre du gouvernement, à cause du score de près de "40%" pour "l'extrême droite", souligne-t-il, en additionnant RN et Reconquête (5,47%).
"Il y avait un autre chemin", a regretté lundi la présidente sortante de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, espérant néanmoins que ces nouvelles élections permettent de constituer cette fois une "majorité solide" autour du chef de l'État, grâce à des "coalitions les plus larges possibles".
À Paris, la Bourse a ouvert en chute de 2,37% lundi. Les autres Bourses européennes reculaient aussi dans les premiers échanges mais moins fortement.
Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a estimé que les élections anticipées seraient celles qui auraient "les conséquences les plus lourdes de l'histoire de la Ve République".
Stéphane Séjourné, ministre des Affaires étrangères et patron du parti Renaissance a lancé un appel à "la mobilisation de toutes les forces républicaines". Les députés sortants issus "du champ républicain" pourront ainsi "bénéficier de notre investiture s'ils sont en accord avec le projet présenté", a-t-il annoncé.
"Il faut une dynamique nouvelle (...) nous sommes en train de travailler sur des axes que nous allons proposer aux Français dans les jours qui viennent", a annoncé lundi la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot.
Front populaire
À gauche, les tractations risquent d'être ardues entre les partis de gauche qui se sont abîmés dans ces européennes par des coups de boutoirs entre socialistes et insoumis (gauche radicale).
Lundi, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a lui rejoint la proposition du député du parti de la gauche radicale LFI, François Ruffin, de constituer un "front populaire" pour contrer l'extrême droite. Mais il avait estimé la veille que le "rapport de force a évolué" en faveur des socialistes avec l'avance de la liste de Raphaël Glucksmann devant celle de Manon Aubry (LFI, 9,89%).
En attendant le temps est suspendu à l'Assemblée nationale. "Tout le programme est annulé. C'est un peu le coup de massue. Personne n'avait vu le coup venir", glisse une source parlementaire
La réaction des cultes protestants
Suite à l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale, nous avons contacté la Fédération protestante de France (FPF) pour recueillir sa réaction. L'organisation protestante a choisi de prendre le temps d'aboutir à une "réflexion commune entre tous ses membres" pour "trouver une ligne directrice à la fédération" nous a-t-on indiqué. Une rencontre avec le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, est également prévue.
De son côté, le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) a rapidement évoqué la situation politique du pays dans un post sur X annonçant l'Assémblée plénière de l'organisation qui aura lieu demain, mardi 11 juin.
"Nous n'avions pas imaginé que ce serait dans un tel contexte politique que nous aborderions le sujet de l'engagement des protestants évangéliques de France dans la société", a écrit le directeur de la communication du CNEF, Romain Choisnet.
Nous n’avions pas imaginé que ce serait dans un tel contexte politique que nous aborderions le sujet de l’engagement des protestants évangéliques de France dans la société.
— Romain CHOISNET (@comcnef) June 10, 2024
On en parle demain en Assemblée plénière du CNEF.
Camille Westphal (avec AFP)