Alex Zanardi, le miraculé du volant vainqueur aux Jeux Olympiques

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« Normalement, je ne remercie pas Dieu, je me dis qu’il a autre chose à faire que de s’occuper de moi. Mais lorsque je me suis aperçu que j’avais gagné, je me suis dit qu’il était temps de regarder le ciel ! » Par ces mots, Alessandro Zanardi, ancien pilote de Formule 1, amputé des deux jambes après un effroyable accident le 15 septembre 2001, a exprimé sa gratitude pour sa troisième médaille olympique obtenue à un jour du quinzième anniversaire de son amputation, à un mois et demi de ses 50 ans.

Dans le monde du sport automobile, Alex Zanardi est admiré, reconnu comme un battant. Sa carrière en Formule 1 n’a pas affolé les statistiques, mais un très violent accident a permis à ce pilote de révéler sa personnalité hors norme, caractérisée aussi bien par son extrême bonne humeur que par sa ténacité et son optimisme qui lui ont fait accepter sans fatalisme l’amputation de ses jambes, avec la conscience que l’important était d’être en vie. Une acceptation quasiment simultanée à la découverte de son handicap :

« Lorsque je me suis réveillé, ma femme Daniela était à mes côtés et m’a annoncé que je n’avais plus de jambes. Croyez-le ou non, pour moi, c’était une belle journée. J’étais en vie. Si avant mon accident j’avais croisé quelqu’un sans jambes, j’aurais dit « mieux vaut être mort qu’amputé. Maintenant que j’ai perdu mes jambes, je réalise que l’essentiel est ailleurs. »

JO : la renaissance récompensée d’Alessandro Zanardi

Il avait passé une cinquantaine de minutes sur le circuit et en hélicoptère avec seulement 25% de son sang encore présent dans le corps, il avait fait sept arrêts cardiaques ; la NASA s’est penchée sur son cas, la stupéfaction de l’agence spatiale  amuse Zanardi : « Soit il y a quelque chose qui nous a échappé, soit ce mec est mort et il ne le sait pas. Je ne crois pas être mort », rapporte L’Équipe dans son dossier EXPLORE intitulé « Alessandro Zanardi, plus fort que la mort. »

L’Italien relate son drame avec humour, il l’a saisi comme une chance, lui qui n’avait pu briller en Formule 1. « J’ai perdu le contrôle de la voiture, j’ai fait un tête-à-queue et j’ai terminé ma course à l’arrêt au milieu de la piste. Le premier pilote est passé, le deuxième – qui ironiquement s’appelle Alessandro Tagliani (qui signifie « couper » en italien) – m’a coupé en deux. Un morceau de la voiture est parti avec 60 % d’Alex, un autre avec 40 %. » Et le facétieux miraculé d’ironiser : « Ma grand-mère me disait toujours : « Ne cours pas trop vite, va doucement ! » Pour une fois que j’étais arrêté, c’est quelqu’un qui m’a tapé. C’est la vie. » Mais attention ! cette formidable capacité à s’amuser de soi est accompagnée d’une extraordinaire volonté de gagner...

D’une carrière ratée en Formule 1 à la reconnaissance olympique et des fans de F1

Après l’habituel parcours dans diverses catégories pour accéder à la Formule 1, pinacle du sport automobile, Alex débarque en 1991 dans l’écurie Jordan alors peu performante en vitesse pure, et peu fiable. Les deux années suivantes, il évolue toujours dans des écuries avec lesquelles il lui est impossible de se mettre en valeur. Il réussit à marquer un point en 1993 avec sa modeste Lotus-Ford avant d’être éloigné de la Formule 1 suite à un grave accident sur le terrifiant circuit de Spa-Francorchamps en Belgique. Il retrouve un volant l’année d’après avant de quitter la Formule 1 de baquet disponible. Alex se tourne alors le championnat de CART, l’équivalent américain de la Formule 1, moins prestigieux et notamment moins technique.

Là, l’Italien se révèle, avec trois victoires la première année, une fois les exigences de ce type de pilotage assimilées, et deux titres consécutifs les années suivantes. Fort de ces succès, il tente à nouveau sa chance en Formule 1 mais est dominé par son coéquipier, Ralf Schumacher, le frère d’un certain Michael. Zanardi retourne alors dans le championnat CART mais n’est plus que l’ombre du champion qu’il fut. Le 15 septembre 2001, il est victime d’un épouvantable accident sur le circuit allemand du Lausitzring. Alex perd le contrôle de sa monoplace et se retrouve en perpendiculaire par rapport à la voiture d’Alexandre Tagliani qui le percute de plein fouet. La voiture est éclatée, ses jambes sont séparées du reste du corps. Mais Zanardi est un éternel optimiste ; s’il n’a plus de jambes, il ne baisse pas les bras !

Il fait alors une incursion en Champion du monde des voitures de tourisme où il tourne avec une BMW aménagée. Il y remporte trois victoires avant d’opter pour le seul cyclisme handisport. C’est alors qu’Alex devient des années après la Formule 1 un très grand monsieur pour les fans de ce sport qui respectaient déjà son obstination. Déjà, alors qu’il courait en voiture de tourisme, il avait pris part au Marathon de New York en catégorie Handisport où il avait fini 4e face à des athlètes plus jeunes que lui et mieux entraînés. En 2011, il reviendra remporter l’épreuve. Mais ses titres majeurs, c’est aux Jeux Olympiques qu’il les récolte en finissant deux fois sur la plus haute marche du podium à Londres en 2012 en cyclisme contre-la-montre individuel et en course en ligne dans la catégorie H4 (handbike en position allongée). Il avait également remporté la médaille d’argent en relais par équipe. A noter sa belle victoire, dans sa catégorie, au triathlon le plus ancien, le plus prestigieux, mais surtout le plus exigeant du monde, l’Ironman de Hawaii, en 2015.

Rassurer le pilote qui l’a percuté

Ses performances réjouissent Alexandre Tagliani, le malheureux pilote qui n’avait pu l’éviter. Lors d’une visite dans les stands d’IndyCar, Alessandro a étreint Alexandre en le rassurant bien par son habituel sens de l’humour :

« C’est ce qui a fait la grosse différence pour moi, raconte Tagliani. Il est venu faire son tour dans les paddocks d’IndyCar. Avant cela, j’avais beaucoup de difficulté à tourner la page. On s’est donné une accolade. Et là, il m’a dit que ses prothèses le faisaient grandir d’un pouce. D’un seul coup, c’était clair. En blaguant, il voulait me mettre à l’aise. Et s’il faisait ça, c’était probablement parce qu’il avait pensé à ce que je devais ressentir de mon côté. C’est sa phrase qui a fait la différence pour moi. »

De retour aux Jeux Olympiques, à Rio, Alex Zanardi a remporté l’or en H5 (handbike à genoux) ce 15 septembre, avec moins de trois secondes, avant de remercier Dieu, peut-être pour la première fois de son accident.

Hans-Søren Dag


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