Le conflit Syrien a déjà coûté la vie à plus de 200 000 personnes et conduit plusieurs millions à fuir leur foyer. Ce conflit a également engendré les conditions de l’élargissement d’une guerre plus large opposant les États-Unis à la Russie, y associant l’ensemble de leurs alliés. La complexité de l’histoire qui se trame en Syrie et plus largement au Moyen-Orient ne se restreint pas à la caricature manichéenne du bon et du méchant. L’histoire Syrienne et notamment tous les récits autour de la ville d’Alep qui se déroulent sous nos yeux ne se réduisent pas en deux coups de cuillère à pot assénant quelques gifles en travers de la tête de quelques coupables.
L’histoire tragique de cette péninsule arabique s’est construite autour d’un processus d’empilement, de ressorts d’influences et d’intérêts économiques qui l’ont précipitée vers le plus grand des désastres humanitaires. Les coupables de cette guerre ne sont pas seulement le régime syrien, les Russes et leurs alliés notamment Iraniens, mais également ceux qui les accusent d’en être les seuls auteurs, Etats-Unis, Arabie Saoudite et leurs alliés européens. La responsabilité nous semble aujourd’hui largement partagée par ceux qui ont été à l’origine de ce conflit comme par ceux qui traitent et malmènent avec une rare violence les belligérants de la ville de Alep. Cette guerre interminable a fait des dizaines de milliers de civils innocents et surtout des enfants effrayés, épouvantés qui n’ont pas été épargnés par les terreurs des bombardements, qu’ils émanent du régime syrien ou des djihadistes, milices islamistes.
Depuis quelque temps les médias ont restitué de l’actualité touchant le Moyen-Orient une vision particulièrement binaire. Cette présentation manichéenne de l’actualité nous a donné l’étrange sensation que nous avions là, les clés, la grille de lecture à toutes les questions relatives à l’histoire contemporaine. En réalité, nous ne possédons pas toutes les informations autorisant de discerner.
S’engager dans ce type de pensée dualiste et radicale a minima propagandiste, occulte les parts d’ombre
S’engager dans ce type de pensée dualiste et radicale a minima propagandiste, occulte de fait toutes les parts d’ombre qui traversent la réalité des enjeux qui trament le déroulement de l’histoire du Moyen-Orient avec son flot d’émotions, de passions et de partis pris. Nous sommes dans un monde qui n’est pas binaire, mais complexe, terriblement complexe, nous pensons posséder les modalités de lecture de ce monde mais force est de constater que nous sommes incapables d’étreindre l’histoire, d’expliquer rationnellement le conflit syrien qui se tisse aujourd’hui et dont les opacités sont plurielles.
Le bassin du Moyen-Orient, la fameuse rive orientale de la Méditerranée, se caractérise par un ensemble de facteurs géopolitiques où s’intriquent les idéologies, les crises multiples, les métabolismes des relations internationales, les religions ; les cultures, les alliances économiques et les intérêts des consortiums, des blocs Est et Ouest et leurs différents alliés opposant également dans deux camps, chiites et sunnites. Depuis quelque temps nous prenons une relative distance avec les positions tranchantes, ceux qui tentent de défaire à leur manière et à coups de propagandes, l’histoire embrouillée, compliquée et hélas travestie de ce qui se trame au Moyen-Orient. Ainsi plusieurs experts nous révèlent les manipulations de messages « tweetés » par des groupes islamistes exagérant les bilans, et sur-exagérant les faits, ce que relate le professeur Frédéric Pons Professeur à l’école Saint Cyr au cours de l’émission de LCI animée par Yves Calvi.
La prétention de notre monde serait de simplifier, de rationaliser l’histoire humaine pour l’appréhender, or l’on croit tirer le fil d’un problème et soudain, c’est un nœud des enchevêtrements qui nous conduit à une approche moins réductrice, moins simplificatrice, moins simpliste.
Ces processus de partition du monde entre bons et méchants participent de plain-pied à cette connaissance trop partielle
Nous avons noté la facilité que nous avons les uns et les autres d’entrer dans des processus de catégorisation. Ces processus de partition du monde entre bons et méchants participent de plain-pied à cette connaissance trop partielle des réalités touchant le Moyen-Orient. Ainsi à propos de la Syrie le récit des événements relatés par les médias se présente désormais sous un jour moins uniforme, plus nuancé et complexe que le suggéraient il y a peu, les chroniqueurs journalistes. Ainsi nous apprenons l’existence d’une multitude de voiles qui jalonnent le déclenchement de la guerre en Syrie, longtemps ainsi nous avons cru que le conflit est né du printemps arabe, c’est ce récit, ce script quasi onirique qui longtemps a été relaté, s’adossant à une histoire de graffitis qui aurait déclenché le conflit meurtrier. Cette vision, où se mélangent sans doute le vrai et le mensonge, reste en réalité partielle. Le printemps arabe, manifestation pacifique à ses débuts a sans doute joué un rôle, mais il n’était nullement le seul facteur déclenchant du conflit le plus meurtrier de l’histoire du Moyen-Orient.
Une histoire d’intérêts économiques touchant au transport de ressources énergétiques
En réalité, l’une des sources du conflit est sans doute bien plus sordide, une histoire d’intérêts économiques touchant au transport de ressources énergétiques devant alimenter l’Europe via des pipelines. Ainsi le pipeline Qatar/Turquie aurait donné aux royaumes sunnites du Golfe persique une domination sans partage sur les marchés mondiaux du gaz naturel, renforçant le Qatar, le plus proche allié des États-Unis dans le monde arabe. Or le président Syrien Bachar el-Assad n’obtempéra pas, il refusa le pipeline du Qatar, son obstination à ne pas trouver d’accords a été probablement l’une des causes du conflit actuel. Notre propos n’est pas ici de nous attarder sur toutes les origines de cette bataille meurtrière et loin de nous de prendre parti dans ce conflit qui est un véritable désastre humain avec des centaines de milliers de victimes.
Notre chronique veut ici attirer l’attention de nos lecteurs sur le fait que l’histoire humaine ne devrait pas être restreinte à des lectures partisanes idéologiques et instrumentalisées en regard des intérêts qui se nouent ou se jouent dans le monde contemporain. Ne réduisons pas l’histoire humaine et notamment contemporaine à la caricature du « Bon et du Méchant ». En réalité ce monde est déconnecté dans sa relation avec l’Éternel et le mal tisse son empire y compris dans les cœurs de ceux qui croient servir le bien. Ainsi et dans ce contexte, aux Thessaloniciens dans sa deuxième épître, l’apôtre Paul déclara :
« La puissance mystérieuse du Mal est déjà en train d’agir. Quand ce qui le retient encore ne sera plus là, il n’agira plus en se cachant. Alors le Mauvais sera découvert ».
2 Thessaloniciens 2.7
Les Américains nous ont laissés penser qu’ils travaillaient pour la bonne cause en Irak, or ils ont ouvert la boîte de Pandore, affichant une nouvelle lecture d’atrocités, de sauvageries meurtrières et de barbarie humaine. La France pensait intervenir pour la bonne cause en Libye, or elle a ouvert une autre boîte de Pandore.
Tous nous avons manqué de discernement, lors du printemps arabe, nous pensions à un réveil des consciences, or c’est la conscience eschatologique qui s’est également réveillée… L’envie d’en appeler au rêve messianique, de peuples désabusés par le règne des tyrans, et c’est la barbarie qui s’est installée dans les cœurs.
Ne simplifions pas le monde
Ne simplifions pas le monde en pensant que d’un côté il y a les méchants et de l’autre les « gentils ». L’histoire du Moyen-Orient, Alep, c’est complexe, une lutte contre la tyrannie et un combat contre la barbarie. Les maux qui touchent cette péninsule arabique s’interpénètrent, s’échangent, se nouent inextricablement. Dans ce nœud de maux multiples aux dimensions si complexes, ils présentent à nous observateurs, le spectacle d’un monde où incontestablement le mal absolu, joue indéniablement un rôle tentant de pervertir les regards mais pour autant nos prières pour les vraies victimes de ces conflits et l’appel à la justice de Dieu pour les auteurs pluriels ayant contribué à assassiner ce pays ne devraient pas être anéanties.
Alep a l’allure de ces grandes villes symboles et vient déjà rejoindre dans l’inconscient collectif les Troie, Jéricho, ou plus récemment les Stalingrad, Berlin, Sarajevo, ou Grozny… Ce monde a vécu la guerre à la ville, et aujourd’hui la guerre en ville… où les civils sont cibles, otages et réduits à une impuissante vie, à une cruelle condition : bombes, privations, terreurs, attaques chimiques. Tout à coup les conflits se synthétisent à LA guerre dans une ville où la somme des horreurs est réduite au dénominateur commun entre ses murs. « Je suis un Berlinois » devient un nouveau je suis…
Le pouvoir des images ou les images de pouvoir se saisissent de nos consciences
Le pouvoir des images ou les images de pouvoir se saisissent de nos consciences et nous perdent dans l’impuissance du voyeur occidental : tantôt pris dans ses valeurs morales, dans son idéal de monde sans guerre, ou dans la guerre des tranchées politiques, stériles. Mais souvenons-nous que le mal règne à Alep comme il règne en Syrie et en Irak, et ce mal n’a pas la figure que les médias occidentaux aimeraient lui donner, en réalité une tyrannie se soulève contre la barbarie et le tyran se fait barbare tandis que le barbare rêverait d’être tyran ... c’est cela ALEP, ville martyre, ville saccagée et meurtrie dont les civils innocents ou non, sont les otages et les victimes d’un siège entre le mal et le mal ...
Tout s’entremêle car l’homme est déconnecté de toute recherche de transcendance et entend imposer ses modèles, sans s’inspirer du vrai modèle, Christ !
Eric Lemaître auteur de cette chronique tient vivement à remercier Bérengère Sériès pour sa contribution et ses apports riches. Il remercie également Nathanaël Bechdloff pour ses éclairages pertinents.