Alors que la communauté internationale se réjouissait de l’acquittement d’Asia Bibi, elle semble aujourd’hui désemparée face à la réalité pakistanaise. La discrimination religieuse dont font l’objet les chrétiens soulève l’indignation. À tel point que 40 personnalités françaises ont adressé une lettre ouverte aux Président et Premier Ministre de la République Islamique du Pakistan.
Le 30 octobre, en acquittant Asia Bibi, la Cour Suprême du Pakistan a rendu un verdict historique. Les lois sur le blasphème inscrites dans le Code Pénal, permettent de condamner à mort quiconque serait suspecté de « profaner le Coran ou le Prophète ». Asia Bibi, jeune mère de famille chrétienne, est devenue l’emblème des dérives de ces lois.
Accusée de blasphèmeElle a été accusée de blasphème après s’être disputée avec des femmes musulmanes parce qu’elle avait bu de l’eau d’une fontaine publique. La charia lui interdit un tel outrage : en tant que chrétienne, Asia Bibi est impure. Un verdict la condamne à mort par pendaison. Dans l’attente, et depuis maintenant 9 ans, Asia Bibi a été emprisonnée à l’isolement dans une cellule de Rawalpindi.
AcquittéeDans ce contexte, les juges et les avocats, comme ses défenseurs, ont toujours été l’objet de menaces de représailles. Mais, le 30 octobre, faisant fi des intimidations des fondamentalistes islamistes, les juges ont finalement acquitté Asia Bibi, relevant qu’aucune preuve ne permettait de la condamner.
Dès lors, la communauté internationale s’est vivement réjouie d’une telle issue, exprimant son soulagement et soulignant l’espoir que faisait naitre cette décision sur le plan de la liberté religieuse au Pakistan. Chacun pensait alors qu’elle serait rapidement extradée et que son calvaire prendrait fin.
Des manifestations violentesMais dans le même temps, le pays tout entier a subi la fureur des musulmans radicaux. Le parti politique islamiste radical TLP a été à l’initiative de nombreuses manifestations. Blocage de routes, dégradation de biens publics et privés, appels à la haine et à la mutinerie, menaces de mort à l’encontre de l’avocat et des juges d’Asia Bibi.
Un accord qui entrave la libérationAprès 3 jours de violence et d’émeutes, un accord a finalement été signé entre le gouvernement et les responsables du TLP. Le gouvernement s’engageant à ne pas s’opposer au dépôt d’un recours contre l’acquittement d’Asia, à lui interdire de sortir du pays et à libérer tous les responsables du TLP qui avaient été arrêtés depuis le début des manifestations. Le TLP a quant à lui « présenté ses excuses aux personnes qui auraient pu être blessées par leurs propos », et s’est engagé à mettre un terme aux manifestations.
Alors que l’on pensait assister à l’épilogue de l’histoire d’Asia, cet accord a ouvert une nouvelle page. Une page douloureuse qui plonge à nouveau cette chrétienne dans l’incertitude et l’incompréhension.
L’indignation de la communauté internationaleLa communauté internationale s’indigne d’une telle issue, au point qu’un collectif de 40 intellectuels français de tous bords politiques, se sont assemblés sous l’impulsion du philosophe Daniel Salvatore Schiffer pour co-signer une lettre ouverte aux Président et Premier Ministre de la République Islamique du Pakistan. Parmi eux, Elisabeth et Robert Badinter, Luc Ferry, Valérie Trierweiler, Jack Lang, Edgar Morin ou encore l’islamologue Rachid Benzine, expriment leur « indignation morale » et leur « légitime incompréhension intellectuelle » face à cette « malheureuse capitulation ».
« D’autant que, comble de notre étonnement (c’est un euphémisme) devant pareille contradiction, vous êtes vous-mêmes, tous deux, les illustres fondateurs, dans votre pays, du « Mouvement du Pakistan pour la Justice », ce même parti qui vous a portés au pouvoir.
Ainsi donc, chers Messieurs, au nom de ces mêmes valeurs de justice et d’éthique que vous prétendez vous-mêmes défendre, vous demandons-nous instamment de respecter cet ultime verdict émis par la Cour suprême de votre propre pays, la République islamique du Pakistan, en remettant effectivement en liberté, toutes affaires cessantes, Madame Asia Bibi. »
La rédaction