Accusations d’islamophobie et de christianophobie : deux poids, deux mesures au Royaume-Uni

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Alors que le Royaume-Uni était en émoi récemment, après que la police eut manqué à son devoir de protection d’un adolescent menacé de mort qui avait accidentellement laissé tomber un exemplaire du Coran, les autorités ont choisi de ne pas poursuivre un islamiste qui a prévu d’uriner sur la Bible et menacé un chrétien d’origine musulmane. 

Le 22 février dernier, l’achat d’une Bible par un garçon autiste de 14 ans avait suscité les moqueries de ses camarades du lycée Kettlethorpe High à Wakefield, dans le Yorkshire en Angleterre. Ces derniers lui avaient dit que s’il perdait au jeu vidéo Call of Duty, il devrait acheter un exemplaire du Coran et l’apporter à l’école. L’élève est revenu avec un exemplaire du livre sacré des musulmans que ses copains ont commencé à lire à haute voix dans la cour, mais l’ouvrage est tombé dans un moment de chahut, et une page a été légèrement tachée. Dès lors, tout s’est emballé, alors même que les élèves n’entendaient pas profaner le Coran.

Les sentiments des adultes avant la sécurité des enfants

Après avoir examiné les images de vidéosurveillance et interrogé une trentaine de personnes, l’école a décidé de suspendre une semaine les quatre élèves impliqués et d’appeler la police. Pourtant, le directeur de l’établissement, Tudor Griffith, a déclaré qu’il n’y avait eu « aucune mauvaise intention » de leur part. Dans la foulée, des rumeurs se sont propagées à toute vitesse sur les réseaux sociaux selon lesquelles les lycéens avaient craché sur le Coran, l’avaient déchiré ou brûlé. 

Alors que les menaces de mort fusaient contre les adolescents, la police a ouvert une enquête pour incident « haineux » concernant la supposée profanation du Coran. Le ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, a dénoncé l’attitude de la police et des autorités scolaires : « Le département de l’éducation et la police ont le devoir de faire passer la sécurité physique des enfants avant les sentiments blessés des adultes. »

Après que la famille eut reçu des menaces d’incendie de sa maison, le garçon autiste « absolument pétrifié » a dû déménager dans un endroit gardé secret. Sa mère a contacté la police pour lui demander de ne pas engager de poursuites afin de ne pas envenimer la situation, mais cette dernière lui a répondu qu’elle allait « travailler avec l’école pour avancer ». Désespérée, la mère s’est rendue à une réunion à la mosquée pour implorer le pardon au nom de son fils. Elle a expliqué que son fils « ne réalise pas toujours ce qui est approprié et ce qui ne l'est pas ». Ses supplications ont été diffusées sur les réseaux sociaux : 

« Merci beaucoup de m'avoir permis de venir ici aujourd'hui pour vous parler. Je sais que ce que mon fils a fait est irrespectueux. Il n'avait pas d'intention malveillante, mais c'est un garçon de 14 ans très, très bête... Il n'a pas mangé depuis mercredi après-midi, lorsque cela s'est produit, parce qu'avec son autisme... cela a porté son anxiété à un niveau tel qu'il n’est plus lui-même. Il est vraiment, vraiment désolé. »

Au cours de cette réunion, le directeur de l’école a assuré l’assistance de sa tristesse concernant le dommage causé à l’exemplaire du Coran et dit que l’affaire était prise au sérieux. L’inspecteur en chef de la police, Andy Thornton, a critiqué les élèves pour le « manque de compréhension » de leurs actes et a déclaré à l’imam : « Je vous remercie très sincèrement pour la tolérance et la compréhension dont vous avez fait preuve », selon le Daily Mail. 

L’établissement scolaire a ensuite accueilli une réunion au cours de laquelle l’imam de la mosquée de Wakefield, Jamia Masjid Swafia, et deux autres personnes dont un conseiller municipal indépendant, Akef Akbbar, ont examiné l’exemplaire du Coran pour s’assurer qu’il n’avait pas été profané. L’imam a alors lancé un appel au calme. 

Les quatre adolescents risquent cependant d’être fichés à vie, à moins que la police n’efface les dossiers, marquant un fort contraste avec une affaire où un musulman a menacé de profaner un exemplaire de la Bible.

La police inerte face à des menaces de profanation de la Bible

En janvier dernier, la British Asian Christian Association (BACA), une ONG qui s’occupe de soutenir les chrétiens dans certains pays d’Asie, a pris connaissance d’une vidéo TikTok dans laquelle un musulman annonçait qu’il urinerait sur un exemplaire de la Bible à un carrefour d’importance. Le blasphème n’est pas illégal au Royaume-Uni, mais la législation prohibe les incitations à la haine. Juliet Chowdhry, responsable de la BACA, a averti la police métropolitaine de Londres, après avoir été sollicitée par des centaines de personnes. Plusieurs chrétiens ont également contacté la police de leur côté pour signaler l’homme qui se présente comme Master Kalyogi Rafidhi.

La police londonienne a d’abord manifesté de l’intérêt pour l’affaire et constaté, après enquête, que la vidéo était authentique, et elle a par ailleurs obtenu le numéro de téléphone de l’utilisateur TikTok après qu’il eut menacé un Britannique qui avait quitté l’islam pour le christianisme. Ce converti a toutefois choisi de ne pas porter plainte. Cependant, la police métropolitaine a choisi de transmettre le dossier à celle de l’Essex au motif que c’est là que vit Mme Chowdhry, alors que la BACA a son adresse à Londres. Mais, alors que Londres a indiqué à la police de l’Essex que l’homme réside dans le Royaume et lui a transmis son numéro, cette dernière prétend désormais que l’auteur des menaces vit au Pakistan et qu’elle ne peut donc pas enquêter.

Soulignant que Master Kalyogi Rafidhi a défié les Britanniques et les chrétiens de l’arrêter et que la police n’a pas utilisé son numéro de téléphone, la responsable de la BACA ironise en mettant en avant la forte population ourdouphone outre-Manche :

« Bizarrement, la police d’Essex a présumé que l’incident s’était produit au Pakistan, peut-être parce que l’homme qui parle en ourdou et parce que tout le monde au Royaume-Uni parle tout le temps anglais. »

La législation contre l’incitation à la haine est souvent inappliquée, comme en 2008 lorsqu’un musulman a menacé de sodomiser un de ses anciens coreligionnaires devenu chrétien. En dépit des preuves vidéo, l’enquête de la police n’avait débouché sur aucune inculpation au risque de laisser entendre une inégalité de traitement délibérée.

Jean Sarpédon

Image : godongphoto | Shutterstock

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