"Vu de Chine, juifs, chrétiens et musulmans appartiennent à la même famille!" : prônant "un climat de respect mutuel", un rabbin, un prêtre et un imam répondaient jeudi aux interrogations, parfois pointues, d'élèves de Pantin.
"Pourquoi les juifs portent la kippa?" "Qui a écrit les textes religieux?" "Quel est le point commun entre les trois religions?" Tour à tour, écoliers, collégiens et lycéens du groupe Saint-Joseph La Salle développent leurs questions devant le père Michel Bernard, le rabbin Moché Lewin et l'imam Mohammed Azizi.
L'initiative a été décidée par l'établissement après le 7 octobre, date de l'attaque sanglante du Hamas contre Israël, et qui a fait "surgir des problématiques", témoigne Nicolas Groult, chef d'établissement du premier degré. Pas de "gros incident", mais "cela peut être une petite fille qui pleure parce que sa grand-mère est à Tel Aviv, et un petit garçon répond oui mais moi j'aime pas Israël", ajoute-t-il.
La rencontre, préparée dans les classes depuis le printemps, apparaît naturelle dans cet établissement privé, fondé en 1878 par les Frères des Ecoles Chrétiennes, et qui compte aujourd'hui une moitié d'enfants musulmans parmi ses 1.200 élèves : "ici il n'y a pas le tabou de la religion", affirme M. Groult, qui note toutefois que les élèves "ont une connaissance souvent circonscrite à leur seule religion, ou à celle de leurs parents".
Aussi une partie des questions tourne-t-elle autour de sujets cultuels.
Qu'est-ce qu'un animal casher? "Celui qui rumine et a les sabots fendus", explique Moché Lewin, Grand rabbin du Raincy et conseiller spécial du Grand-rabbin de France. A quoi ressemble Dieu? "Il est invisible, il nous teste", assure Mohammed Azizi, aumônier national musulman des hôpitaux.
"Jeter des ponts"
Mais les trois religieux insistent surtout sur ce qui les rassemble. "Un ami prêtre me faisait remarquer que vu de Chine, juifs, chrétiens et musulmans appartiennent à la même famille, celle des gens qui croient en un seul Dieu, et un Dieu qui s'adresse aux hommes. C'est un point commun important", explique Michel Bernard, prêtre à Saint-Germain de Pantin.
"Les valeurs de l'islam sont à peu près les mêmes que celles du judaïsme et de la chrétienté", assure Mohammed Azizi, venu "faire passer le message qu'il y a toujours des gens de bonne volonté pour jeter des ponts".
"C'est plus nécessaire que jamais après le 7 octobre", ajoute-t-il, inquiet de voir que "les jeunes ne parlent que de ça" en étant convaincus qu'"il n'y aura jamais de dialogue possible entre juifs et musulmans".
Devant les adolescents, Moché Lewin met en garde contre les prédicateurs sur internet, et les algorithmes "qui vous entraînent là où vous voulez penser".
Face à une actualité sombre, il prône la concorde. "Il y a la guerre aujourd'hui en Israël et à Gaza, ça n'a pas touché notre amitié car on reste dans le côté religieux" et "ce ne sont pas des moments politiques de guerre qui doivent être importés ici pour diviser et déchirer", ajoute-t-il.
Les intervenants sont rodés à ce genre d'initiatives: Mohammed Azizi a lancé en 2005 un "bus de l'amitié judéo-musulmane" avec le rabbin Michel Serfaty, tandis que Moché Lewin est plusieurs fois intervenu devant des scolaires.
L'établissement Saint-Joseph La Salle compte pérenniser une fois par an cette initiative. Mais il faudrait aussi, pour Moché Lewin, en organiser dans des écoles publiques.
"La laïcité est justement ce qui permet un dialogue fécond entre les religions", estime le rabbin, convaincu qu'"aujourd'hui, dans une société clivée avec une hausse de l'antisémitisme, il y a une plus grande urgence".
La Rédaction (avec AFP)